La communauté sicilienne de Tunisie a toujours occupé une place très importante dans ce pays nord-africain.
Des millions d’Italiens, au XIXe siècle, quittèrent leur pays natal pour émigrer dans différentes parties du monde. Beaucoup de Siciliens choisirent la Tunisie, un pays proche géographiquement et culturellement.
Au cours de mes vingt-cinq années de recherche sur l’immigration sicilienne en Tunisie, j’ai rencontré beaucoup de mes compatriotes, croisé leurs chemins, recueilli leurs témoignages. Leur pays reste toujours la Tunisie et beaucoup y ont fait retour.
Voilà l’histoire d’un auteur sicilien de Tunisie, de Djerba, de retour dans son île natale. Il s’appelle Jean-Jacques Ciscardi, et comme pour la plus grande partie des Italiens de Tunisie, son prénom a été francisé. Les grands-parents de notre auteur, les Ciscardi, étaient de la ville de Gela, une petite ville au sud de la Sicile dans la province de Caltanissetta où ils étaient nés et liés en amitié avec un autre jeune couple, les Quattrocchi.
Giuseppe Quattrocchi excellait dans la maçonnerie, quant à Emanuele Ciscardi, il exerçait le métier de coiffeur. L’un comme l’autre menaient une vie modeste et les privations augmentaient de jour en jour. D’un commun accord, ils décidèrent de quitter leur Sicile natale à la recherche d’un pays qui leur offrirait de meilleures conditions de vie. La Tunisie n’étant pas trop loin de chez eux, ils décidèrent de s’y rendre.
Qu’importait le moyen de transport, seul le désir d’une vie meilleure les animait, une vieille barque à voile, commandée par un passeur occasionnel, fit l’affaire. Les passeurs ont toujours existé et les petites embarcations aussi…
Après une paisible traversée du Canal de Sicile, du Nord vers le Sud, ils débarquèrent en Tunisie où ils se séparèrent. Le couple Quattrocchi opta pour la grande ville de Sfax et les Ciscardi poussèrent jusqu’à Djerba où Emanuele ouvrit un salon de coiffure dans le village d’Adjim, alors que Giuseppe Quattrocchi, à son compte, s’occupa d’abord de petits travaux de maçonnerie, et progressa lentement jusqu’à devenir entrepreneur de travaux publics. Emanuele, plus malchanceux, périclita peu à peu au point de fermer son modeste salon pour aller coiffer à domicile. Ensuite, la famille se déplaça à Sfax où le grand-père de Jean-Jacques, ouvrit un nouveau salon et où ses affaires marchaient tant bien que mal. Il se retrouve du coup, dans la même ville que son ami Giuseppe, qui lui aussi avait eu des enfants, dont la mère de notre auteur. Tous les deux se rencontraient souvent le dimanche matin, ils parlaient de la Sicile et de leurs souvenirs autour d’un verre de vin rouge dans un bar du coin où toutes les langues se mêlaient les unes aux autres. C’est alors que le papa de Jean-Jacques, en quête de travail, voulut s’engager dans l’armée française, qui ne l’accepta pas à cause de sa nationalité italienne. Il se dirigea donc vers la légion étrangère où il accomplit une période de cinq ans. A sa libération, il fit la connaissance de la mère de Jean-Jacques et ils se marièrent peu après. Français de nationalité, il fut admis à la Chambre de Commerce et muté à Alger. De retour en Tunisie, il fit une nouvelle demande pour entrer dans les phares et balises et eut, comme premier poste de gardien, le phare de Bordj-Jillij à Djerba où l’auteur est né. Ensuite Thyna à Sfax, puis le phare du Cap Serrat, celui de Kuriat, Sousse et à nouveau Djerba où la famille a passé de longues années dans les deux phares de l’île. Un an après l’indépendance, la famille Ciscardi quitte la Tunisie pour la France. Le père fut muté dans les Pyrénées-Orientales, au phare de Cap Béar à Port-Vendres, c’est là qu’il termina sa carrière de gardien de phare et prit une retraite bien méritée.
C’est à ce moment-là que Jean-Jacques fit connaissance d’une jeune fille dont les parents étaient propriétaires d’un hôtel-bar-restaurant à Collioure. Il terminera sa carrière professionnelle dans l’hôtellerie à Port-Vendres où il était gérant d’un restaurant-bar.
Las de la France, après la retraite, l’auteur revint en Tunisie, son pays natal et plus précisément sur son île, là où il vit actuellement avec sa famille. Il se remet alors à l’écriture, la grande passion de Jean-Jacques, délaissée depuis longtemps. Il décide de s’attaquer à sa biographie en quatre ouvrages. «La légende vivante de Djerba», qui retrace ses vingt et unes premières années en Tunisie,«Djerba, le temps des regrets», qui dévoile sa vie passée en France, «Djerba, fontaine de souvenirs», qui raconte son retour en Tunisie, et enfin l’épilogue «Djerba, l’impossible oubli», parachève la trilogie avec des photographies d’époque, des souvenirs et anecdotes oubliées sur les autres ouvrages.
Les quatre livres sont publiés en Tunisie aux Éditions Arabesques, et en vente dans toutes les librairies.