Les conséquences du changement climatique pèsent énormément sur le secteur agricole. Plus des trois quarts des terres agricoles sont menacées de désertification. Les phénomènes climatiques ont causé, en 2018, plus de 80 millions de dinars de dommages à l’agriculture. Ainsi, les pertes du secteur sont estimées à une moyenne de 1% du PIB agricole par an.
“La vulnérabilité de la Tunisie au changement climatique fait de l’adaptation une évolution urgente (qui est un enjeu majeur) et requiert une mobilisation nationale et internationale pour la mise à disposition des outils de mise en œuvre de l’accord de Paris, à savoir le financement, le transfert de technologie et le renforcement des capacités”, a souligné la ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, Mme Akissa Bahri, dans son intervention lors d’un webinaire organisé, la semaine dernière, par l’Agence française de développement (AFD) sur le thème “Adaptation au changement climatique : cinq ans après l’Accord de Paris, où en est la Tunisie ?”. Ont pris part à cet événement en ligne, l’ambassadeur de France en Tunisie. Son Excellence M. André Parant, la ministre de l’Agriculture, Mme Akissa Bahri, le ministre des Affaires locales et de l’Environnement, M. Mustapha Aroui, des chercheurs du climat ainsi que des représentants de la société civile. Évoquant les enjeux climatiques auxquels fait face le pays, l’ambassadeur de France, M. Parant, a affirmé, dans son mot d’introduction, que la Tunisie figure parmi les pays méditerranéens les plus exposés au changement climatique. Il a souligné que la baisse des précipitations, l’augmentation des températures, l’élévation du niveau de la mer et l’amplification des phénomènes climatiques extrêmes, comme les inondations ou la sécheresse, constituent des facteurs de risque pour l’économie et pour la population. Il a indiqué, dans ce sens, que 75% des terres fertiles de la Tunisie présentent un risque de désertification et qu’en 2018 les phénomènes climatiques ont causé plus de 80 millions de dinars de dommages au secteur agricole. “L’adaptation de la Tunisie aux effets du changement climatique est, donc, une nécessité absolue”, a-t-il ajouté.
Les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes
Mettant l’accent sur l’importance de l’Accord de Paris comme gage d’engagement de 193 Etats à lutter contre le changement climatique et à accélérer la transition vers un modèle de développement durable, M. Parant a rappelé que l’objectif central de l’accord consiste à maintenir l’augmentation de la température globale à un niveau inférieur à 2 degrés par rapport au niveau de l’ère préindustrielle et si possible à la limiter à 1,5 degré Celsius. “Si l’accord de Paris est historique, c’est parce qu’il est universel. Il contribue à apporter des réponses globales à des problématiques qui concernent l’ensemble de l’humanité. C’est aussi parce qu’il définit des objectifs ambitieux, en ce qui concerne aussi bien l’atténuation du changement climatique pour tenter de le limiter que l’adaptation pour tenter d’en réduire les effets”, a-t-il souligné. Il a ajouté que cinq ans après l’Accord de Paris, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Il a affirmé, dans ce sens, que la transformation de l’économie mondiale demeure trop lente pour répondre aux défis climatiques. “Le changement climatique est de plus en plus visible chaque jour et est de plus en plus grave. La mobilisation de tous est donc, plus que jamais, nécessaire”, a-t-il prévenu. L’ambassadeur de France a, par ailleurs, fait savoir que la COP 26, qui se tiendra à Glasgow, sera l’occasion de faire un premier bilan de l’application de l’accord mais aussi d’accélérer les transformations nécessaires à la durabilité des modèles économiques et sociaux des pays.
Une agriculture et un écosystème sérieusement menacés
De son côté, l’intervention de la ministre de l’Agriculture s’est focalisée sur l’impact du changement climatique sur l’écosystème et sur l’agriculture en Tunisie. Elle a énuméré les diverses vulnérabilités environnementales de la Tunisie, en l’occurrence le stress hydrique, la sécheresse qui a des incidences sur les superficies d’exploitation agricole et sur les écosystèmes marin, forestier et steppique. “Pour les ressources hydriques, avec une disponibilité de ressources renouvelables de l’ordre de 420 m3 par habitant et par an, la Tunisie est déjà sous stress hydrique et va voir sa situation s’aggraver dans les années à venir. Pour l’agriculture, les sécheresses conséquentes au changement climatique ont affecté les céréalicultures pluviales, dont la superficie passera de 1,5 million d’hectares en moyenne à environ 1 million d’hectares en 2030”, a-t-elle indiqué, tout en mettant l’accent, dans ce contexte, sur la diminution de l’effectif des cheptels.
La ministre de l’Agriculture a, également, évoqué qu’au niveau des écosystèmes, les risques d’incendie des forêts vont croître avec des pertes de superficies forestières estimées à environ 180 mille hectares d’ici 2030. Elle a, également, fait savoir que les écosystèmes steppiques vont voir leur fonction pastorale diminuer. Pour le secteur de la pêche, l’impact du changement climatique se traduira par une modification profonde de la biodiversité marine et des stocks halieutiques et la récurrence des événements extrêmes comme la mortalité massive des espèces marines.”64 hécatombes ont été inventoriées entre 2015 et 2019. Les proliférations des méduses, l’occurrence des espèces nuisibles à l’instar des algues toxiques à l’origine des eaux rouges sont les conséquences de la surpêche, la pollution et la dégradation des écosystèmes”, a indiqué la ministre. Par ailleurs, Mme. Bahri a fait savoir qu’il est désormais nécessaire de penser un nouveau modèle de développement intégré qui se base sur l’amélioration de la sécurité hydrique et alimentaire et sur la valorisation des filières d’excellence et qui va libérer le potentiel de la Tunisie pour stimuler l’agriculture.
Elle a, par ailleurs, énuméré les programmes et les initiatives pilotés par le ministère mis en place dans l’objectif de lutter contre le changement climatique, à savoir le Programme d’adaptation au changement climatique des territoires vulnérables, le Projet de gestion intégrée des paysages dans les régions les moins développées en Tunisie PGIP, l’initiative Adap’action financé par l’AFD, le projet des énergies renouvelables pour le développement agricole et rural en Tunisie, outre la création du fonds d’indemnisation des dégâts agricoles, le développement de l’ESS et le suivi de la mise en œuvre des objectifs du développement durable.
Des pertes de 2 à 3 milliards de dinars
Évoquant les conséquences socioéconomiques du changement climatique, le ministre des Affaires locales et de l’Environnement, M. Mustapha Aroui, a fait savoir que l’économie locale, basée principalement sur l’activité agricole et sur le tourisme et l’exploitation des ressources naturelles, sera durement touchée par l’évolution climatique. Il a indiqué que, selon une étude menée par la BM en 2012, les pertes économiques engendrées par le changement climatique oscillent entre 2 et 3 milliards de dollars. Le même rapport estime que l’impact direct du changement climatique se fait sentir le plus dans le domaine de l’agriculture avec une réduction annuelle de 1% du PIB agricole, a-t-il précisé. “Les impacts économiques du changement climatique ne se limiteront pas au niveau macroéconomique, ils risquent d’affecter les conditions de vie des ménages, notamment du milieu rural et dont le revenu provient de l’exploitation agricole. Ces menaces provoquées par le changement climatique risquent d’accentuer les disparités régionales et d’engendrer des impacts sociaux de taille qui peuvent se traduire par l’augmentation de la pauvreté, la dégradation de la sécurité hydrique et alimentaire et la réduction des opportunités d’emploi”, a-t-il affirmé. Par ailleurs, M. Aroui a souligné que le projet national qui a été mis en place, il y a trois ans de cela, dans le cadre de l’initiative adapt’action, a permis d’apporter l’appui technique et financier nécessaire pour l’amélioration de la gouvernance de l’adaptation au niveau central et local, pour le renforcement de la politique d’adaptation dans les domaines-clés, à travers l’élaboration d’un plan directeur de la réutilisation des eaux usées et enfin, pour un meilleur accès aux mécanismes financiers aux niveau international et multilatéral.
Le ministre des Affaires locales a, en outre, affirmé que le changement climatique a engendré un accroissement des températures moyennes de l’ordre de 1,4 degré Celsius en Tunisie durant le cycle à venir, qui a été, désormais, observé dans les régions du sud et du centre-ouest du pays. Il est à noter, dans ce contexte, que Adapt’action est une facilité financée par l’AFD et mise en œuvre depuis 2017 avec un budget en subvention de 30 millions d’euros. Le projet dure quatre ans et est déployé dans 15 pays et organisations régionales qui sont particulièrement vulnérables aux changements climatiques. Son objectif est de les accompagner dans la mise en œuvre de leurs engagements d’adaptation.