L’édition digitale du festival du documentaire de Agadir Fidadoc vient de prendre fin. Une édition exceptionnelle. Entretien avec son délégué général, Hicham Fallah.
Une édition digitale cette année et vous avez tenu bon pour le faire. Comment avez-vous vécu cette première en ces temps durs et de quelle manière le public «digital» a réagi ?
La préparation de cette édition s’est déroulée «comme d’habitude», avec les mêmes difficultés que d’habitude, juste davantage d’incertitudes. Comme toutes les années précédentes, nous avons dû nous adapter, chercher des solutions alternatives, faire appel à la solidarité de notre communauté professionnelle à l’échelle internationale.
Dès cet été, nous avons imaginé deux options : organiser un festival itinérant avec des projections en partenariat avec des salles de cinéma et des espaces culturels répartis dans une dizaine de villes, et/ou une édition en étudiant les initiatives prises par nos collègues étrangers. A la mi-octobre, au vu de la situation sanitaire (au Maroc, les salles de cinéma n’ont jamais été rouvertes depuis mars), nous avons définitivement opté pour la seconde option, en faisant le choix non pas d’une «imitation en ligne» d’un festival, mais d’une édition 100% digitale, où le visionnage des films sélectionnés se fait sur une plateforme trilingue spécifiquement dédiée à cette édition en ligne du festival, accessible depuis le Maroc et toute l’Afrique.
Il est clair que la majorité du grand public de nos pays n’est pas encore au fait de ces outils digitaux.
La confusion reste totale entre le rôle et le fonctionnement des réseaux sociaux et ceux d’une plateforme de visionnage comme celle crée pour le Fidadoc 2020 on line, ce qui explique le rapport de 1 à 100 entre le nombre de visionnages des 12 films sélectionnés et celui des vues des capsules vidéos originales que nous avons publiées sur notre page Facebook et Instagram pour promouvoir notre initiative…
Avez-vous rencontré des difficultés pour convaincre les réalisateurs et les producteurs que cette année leurs films passeront «on line» ?
Non, pas vraiment, à une exception près. La majorité des cinéastes sont avant tout frustrés que leurs films ne soient pas vus, que leur carrière soit ralentie, voire stoppée. Par ailleurs, notre choix de limiter l’accès aux films par un géo-blocage réservé au territoire marocain et à tout le continent africain les a sans doute rassurés, et encouragé les producteurs et les ayants-droit à accepter notre proposition. Nous avons également veillé à garantir la sécurité du site, des amis ont essayé de pirater, en vain !
L’un de vos volets les plus importants est la Ruche documentaire. Comment s’est déroulée cette année ?
C’est, effectivement, le cœur battant du Fidadoc. Nous sommes fiers d’être aujourd’hui l’une des principales pépinières de la région en matière de création documentaire, avec chaque année, 3 ou 4 films terminés après avoir bénéficié de toutes ou parties des étapes de nos programmes de formation et d’accompagnement artistique.
La Ruche documentaire est un programme qui se déroule tout au long de l’année, et en cette année forcément très spéciale, nous avions démarré début mars avec notre traditionnel atelier d’initiation à l’écriture d’un dossier de films documentaires pendant le Festival national du film. Puis, pendant les 3 premiers mois suivants, d’avril à juin, grâce au soutien de Afac (Arab Fund for Arts and Culture), nous avons pu accompagner 6 documentaristes marocains et africains émergents, bénéficiaires de nos éditions précédentes, à travers un programme de mentorat en ligne, puis assuré l’organisation, toujours en ligne, de la 4° édition de notre atelier Produire au sud Agadir (du 15 au 19 juin dernier) en partenariat avec le Festival des 3 Continents de Nantes. Il nous apparaissait également indispensable de maintenir la résidence d’écriture panafricaine qui constitue la pierre angulaire de notre Ruche documentaire.
Cette 9e édition s’est donc déroulée du 7 au 20 décembre 2020, parallèlement au Fidadoc 2020 en ligne. Nous avons sélectionné 11 porteurs d’un projet de documentaire de création, originaires de 5 pays africains (Maroc, Algérie, Kenya, Togo et Niger) identifiés et sélectionnés dans différents cadres : le site internet du Fidadoc (8 projets), le Durban FilmMart (2) et le Ouaga Film Lab (1).
L’organisation de la résidence s’est déroulée de manière hybride : en présentiel pour 6 des auteurs marocains, et en ligne pour les 5 autres.
Nous avons convenu avec les bénéficiaires de poursuivre en ligne le suivi de leur projet pendant les 6 prochains mois, à travers des consultations individuelles régulières avec leur mentor principal et des rendez-vous collectifs sur une base mensuelle.
Pourquoi une seule compétition cette année et pour les courts-métrages ?
Nous avons très vite opté pour une programmation resserrée avec un nombre de films limité afin de pouvoir les exposer du mieux possible.
Concernant les compétitions, notre choix répond une nouvelle fois à notre volonté de ne pas faire une «imitation en ligne» du festival. Dans les conditions actuelles, organiser des «compétitions» n’a réellement de sens que pour les manifestations cinématographiques qui disposent d’un marché influent où les films sont lancés en première mondiale ou internationale.
Par ailleurs, j’ai été moi-même membre du jury d’une édition digitale au tout début du confinement et je reconnais que c’est une expérience très frustrante. Nous avons décidé de maintenir la compétition dédiée aux courts-métrages africains, parce que celle-ci rejoint doublement l’identité du festival : favoriser les créateurs émergents et contribuer à la dynamique panafricaine que nous appelons de nos vœux. En proposant aux participants de la Ruche documentaire de cette année de composer le jury, nous soulignons les synergies entre le festival et sa Ruche documentaire. Les délibérations se sont déroulées très naturellement lors de la session plénière en ligne où les «Ruchistes» présents à Agadir et ceux qui étaient à distance se sont tous rencontrés pour échanger sur leurs projets respectifs.