Environ deux mille étudiants et enseignants ont défilé hier à Alger pour réclamer le départ des personnalités au pouvoir liées au président déchu Abdelaziz Bouteflika et affirmer leur rejet de la présidentielle organisée le 4 juillet pour élire son successeur.
Depuis le début le 22 février d’un mouvement populaire inédit en Algérie, les étudiants avaient pris l’habitude de manifester chaque semaine le mardi. Ils ont fait une exception hier pour la journée nationale de l’étudiant, qui marque en Algérie l’anniversaire du ralliement en 1956 des étudiants aux combattants du Front de libération nationale (FLN), qui luttait à l’époque pour l’indépendance du pays.
«Pas d’élections, bandes de mafieux», ont scandé les manifestants rassemblés devant la Grande Poste, bâtiment considéré comme l’épicentre de la contestation.
Ils ont ensuite tenté, en vain, de forcer les nombreux cordons de policiers pour rejoindre le siège de l’Assemblée populaire nationale (APN, chambre basse du Parlement).
Les policiers ont fait usage de leurs matraques pour repousser les étudiants qui tentaient de franchir le cordon. «Honte à vous policiers», ont scandé les étudiants.
D’importants renforts policiers, munis de casques et de boucliers, ont été déployés dans les rues menant à l’APN.
Au 14e jour du ramadan et malgré la chaleur, la motivation des étudiants à Alger paraît intacte.
«Nous sommes pour un Etat civil et non un Etat militaire», ont crié les étudiants, pour la plupart drapés dans le drapeau national — vert et blanc, frappé de l’étoile et du croissant rouges.
3 personnalités pressent l’armée de dialoguer avec la contestation
Trois personnalités algériennes ont pressé l’armée d’ouvrir un dialogue avec le mouvement de contestation, dénonçant le «blocage» constitué par le maintien de la présidentielle en juillet, un scrutin rejeté par les protestataires.
Cette élection prévue le 4 juillet doit permettre de trouver un successeur à Abdelaziz Bouteflika, qui a démissionné le 2 avril après 20 ans au pouvoir, sous la pression conjointe de la rue et de l’armée.
La déclaration obtenue avant-hier par l’AFP est signée par Ali Yahia Abdennour, avocat et militant des droits humains, Ahmed Taleb Ibrahimi, ancien ministre des Affaires étrangères, et Rachid Benyelles, général à la retraite.
M. Ibrahimi, 87 ans, avait été appelé par des militants à diriger la transition après la démission de M. Bouteflika mais avait décliné cette proposition en raison de son âge, selon ses proches.
Les trois signataires appellent l’armée à «nouer un dialogue franc avec des figures représentatives du mouvement citoyen, des partis et des forces politiques et sociales afin de trouver, au plus vite, une solution politique consensuelle en mesure de répondre aux aspirations légitimes» de la contestation.
Saluant le «caractère massif et strictement pacifique des manifestations» depuis le 22 février, ces personnalités proposent une «période de transition de courte durée, conduite par des hommes et des femmes n’ayant jamais appartenu au système profondément corrompu des vingt dernières années».
Selon eux, «cette période est nécessaire pour mettre en place les mécanismes et dispositions permettant au peuple souverain d’exprimer librement et démocratiquement son choix à travers les urnes».
«La situation de blocage par le maintien de la date du 4 juillet ne pourra que retarder l’avènement inéluctable d’une nouvelle République», estiment-ils.
«Car comment peut-on imaginer des élections libres et honnêtes alors qu’elles sont d’ores et déjà rejetées par l’immense majorité de la population parce qu’organisées par des institutions encore aux mains de forces (…) opposées à tout changement».
Le chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, avait affirmé fin avril que la présidentielle du 4 juillet, dans le cadre de la Constitution, était la «solution idéale» pour sortir de la crise.
Devenu de facto l’homme fort du pays depuis le 2 avril, il avait ainsi opposé implicitement une fin de non-recevoir aux revendications des manifestants qui réclament la mise en place d’institutions de transition ad hoc pour gérer l’après-Bouteflika.
Le mouvement de contestation dont l’Algérie est le théâtre depuis le 22 février reste mobilisé, notamment chaque vendredi, pour réclamer le départ de l’ensemble du «système» au pouvoir.
Depuis la démission du président Bouteflika le 2 avril, l’armée est revenue au centre de l’échiquier politique et son chef d’état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, fidèle durant 15 ans au président déchu, est de facto le nouvel homme fort du pays.