Par Ezzeddine Ben Yacoub *
Education, école, santé, pouvoir d’achat, droits de la femme… La Tunisie doit impérativement revenir aux fondamentaux pour remédier à la situation et faire oublier une décennie post-révolution au bilan maigre, triste et douloureux.
D
ix ans après, il est grand temps de faire le bilan d’une révolution inachevée. Dix ans après, le bilan est si maigre, l’économie est en berne, la situation sociale est grave alors que les politiciens plongent dans des conflits interminables au détriment de l’intérêt du pays. Qu’a-t-on fait de la Tunisie pendant ces dix années ? Où en sommes-nous arrivés ? Comment expliquer ce triste bilan d’une décennie marquée par un échec cuisant sur tous les niveaux ? On ne reconnaît plus la Tunisie.
Si on se penche sur la situation en Tunisie dix ans après les événements du 14 Janvier, on s’aperçoit que les politiques mises en place ne sont pas parvenues à répondre aux aspirations des jeunes et d’une population en colère, on s’aperçoit aussi que les querelles et les conflits politiques occupent toujours le devant de la scène au détriment de la situation socioéconomique. Sommes-nous en mesure d’hiérarchiser nos priorités ? Nous, notamment les Tunisiens résidant à l’étranger, dans l’espoir de voir ce qu’on appelle la révolution, mener le pays vers la prospérité, vers le développement et l’émancipation du peuple. Malheureusement, quelques mois plus tard, nous étions tous rattrapés par la triste réalité et par le maigre bilan de ce soulèvement populaire qui portait, pourtant, l’espoir de tous les Tunisiens et notamment des Tunisiens à l’étranger qui sont intimement liés et attachés à leur Tunisie natale.
Nous sommes déçus, certes, mais nous gardons l’espoir de mener toutes les réformes nécessaires en vue de développer un pays au grand potentiel. En effet, la Tunisie possède tous les atouts pour devenir un modèle dans la région. Une jeunesse pleine d’énergie, un emplacement géographique stratégique entre deux continents, une histoire sans équivoque et notamment de la matière grise qui fait des étincelles. Tout cela pour dire que la Tunisie n’est pas un pays pauvre comme on nous le présente, mais c’est un pays riche en agriculture, en intelligence et en capital humain. D’ailleurs, il suffit de se pencher sur la question de la fuite des cerveaux pour prendre connaissance de cette réalité. Qu’a-t-on fait de ces dix années ? A-t-on concrétisé la moindre revendication sociale ? Sommes-nous parvenus à réaliser un seul projet économique d’envergure pour offrir de l’emploi à ces jeunes ? A-t-on diversifié et modernisé notre agriculture ? A-t-on pensé à un nouveau modèle équitable pour notre tourisme ? Dix ans, c’est trop, dix ans c’est long !
Le pays doit puiser dans l’héritage de Bourguiba, cet homme visionnaire qui a su mettre sur les rails toute une nation, qui a su offrir de l’éducation et de la santé aux Tunisiens avec peu de moyens. Cet héritage bourguibien, sa manière de gérer les crises les plus profondes, sa vision et son savoir-faire politique doivent en effet constituer les points de départ pour sortir de cette crise étouffante.
Faut-il alerter les dirigeants pour leur dire que nous avons un potentiel énorme ? Encore faut-il savoir que la Tunisie est un pays aux différentes couleurs, un pays où de nombreuses civilisations se sont croisées pour donner lieu à ce brassage culturel unique dans le monde.
Ce que nous devons dire à nos dirigeants, quelle que soit leur couleur politique, c’est qu’il faut penser à l’intérêt suprême de l’Etat tunisien, de la population tunisienne et de notre pays. Disons stop aux conflits politiques et unissons-nous autour d’un pacte social qui met les intérêts de la Tunisie au cœur de toute réflexion collective. Nous avons un trésor à protéger, à mettre en valeur et à en faire une destination internationale. Nous ne sommes pas un pays ordinaire, nous avons notre héritage, et c’est cet héritage qui constitue notre avenir. En dépit de tout, comment se fait-il qu’après dix ans on ne parvient toujours pas à décoller ? Les politiciens sont libres de tomber dans les conflits et même dans les disputes, mais l’intérêt du pays doit primer !
E.B.Y.
(*) Président de l’Association Carthage