Accueil A la une Reportage | Kairouan – Délégation de Oueslatia : Une histoire de miel, de sites archéologiques et de ghorfas…

Reportage | Kairouan – Délégation de Oueslatia : Une histoire de miel, de sites archéologiques et de ghorfas…

Se promener dans la délégation de Oueslatia, qui se trouve à une heure de Kairouan, revient à vivre, tout éveillé, un rêve : ruisselante de lumière, cette délégation offre au visiteur le somptueux reflet de toutes les splendeurs de ses paysages. De petites collines accidentées mais paisibles, des sites archéologiques qui remontent au IIIe millénaire avant J.C., des ruisseaux qui s’échappent de sources lointaines, des ghorfas dans des sites à couper le souffle…Reportage

Dimanche 31 janvier, nous abordâmes Oueslatia avec un peu d’anxiété… La ville grouillait autour de nous, elle nous ignorait. Quel moyen inventer pour la faire entrer dans notre vie? Les secrets de la délégation, il ne faut pas les chercher seulement dans les montagnes et le passé… mais également dans le présent, à travers les lumières, les couleurs, les odeurs et la magie des habitudes ancestrales de ses habitants.

Notre première destination fut à El Mayra où vit un grand nombre de villageois. Notre véhicule a vite fait de s’éloigner de la route goudronnée pour s’engager sur des pistes ensablées et caillouteuses.

Quelques ruisseaux et de petites collines calmes, un peu plus loin, quelques parcelles de terre où des moutons paissent, des logements ruraux et des vallées qui rappellent le Far-West.

Comme les personnages de Victor Hugo, des femmes passent, l’échine courbée sous un énorme fagot de brindilles, alors que d’autres, le cou et le dos ankylosés sous le poids de leurs jarres d’eau, font la navette  entre les points d’eau et leurs domiciles.

Les villageois  de ce patelin sont profondément attachés à leurs terres. Néanmoins, beaucoup de problèmes les préoccupent, à l’instar du manque cruel d’eau, du chômage, de l’état défectueux des pistes…

Ourida et Khadija, des habitantes de la région, se plaignent du fait que les caravanes itinérantes du planning familial ne soient venues dans leur localité. Elles souhaiteraient, par ailleurs, que les assistantes sociales viennent les voir pour les conseiller et les encadrer.

Soif, analphabétisme et chômage

Nous avons rencontré à El Mgra, Leïla et Sarra A., deux jeunes filles qui sont frustrées de n’avoir pas eu la chance d’étudier et d’aller à l’école : «Notre analphabétisme nous a marquées à jamais… Certaines d’entre nous sont de vieilles filles. Les hommes préfèrent de plus en plus se marier avec des filles cultivées…». Des propos qui en disent long sur leur frustration.

Belgacem, 68 ans, affirme être père de neuf enfants. «Mes enfants ne vont pas à l’école parce qu’elle est trop loin de notre maison. Et puis, à quoi bon étudier ? Je n’en vois pas l’utilité. Je préfère qu’ils m’aident dans les champs…».

Des sites d’une  beauté à couper le souffle

On prend ensuite congé pour emprunter une longue piste accidentée qui nous mènera au cœur du Djebel Ouedut et plus précisément à Ennahala. On escalade la pente qui mène au  village, on contourne des cols abrupts et pierreux où les sentiers arrivent à peine à se frayer un chemin entre des ghorfas dans des sites d’une beauté à couper le souffle. La campagne s’étale à perte de vue dans un écrin de verdure allant du vert clair au violet foncé en passant par tous les tons imaginables : câpres, romarin, thym, armoises et lauriers roses. Là, les échecs d’une histoire haute en couleur, s’y associent à la banalité du quotidien. Là, les habitants nous ont réservé un accueil chaleureux. D’ailleurs, ce sont des gens qu’il est difficile de ne pas aimer, dès la première rencontre.

Ali et Ramzi nous confient : «L’existence dans ce Djebel de la flore multifère qui est la condition nécessaire pour la subsistance des abeilles a favorisé la prolifération d’un grand nombre de ruches (à peu près un millier) dont 80% sont exploitées d’une manière moderne. En plus, deux plantes aromatiques se trouvent dans notre zone. Ce sont le thym et le marrube dont le nectar est très apprécié par les abeilles. Le miel est, de ce fait, d’excellente qualité puisqu’il ne contient que 0,05% de glucose. Seulement, on continue de rencontrer des problèmes d’écoulement de notre production, surtout pendant les saisons favorables. Beaucoup de producteurs ont fini par vendre leurs ruches et par choisir le chemin de l’exode. D’autres essaient, par leurs propres moyens, d’aller vendre leur production dans d’autres gouvernorats. Et ce qui est regrettable, c’est de constater que dans la plupart des grandes surfaces, on ne vend que du miel importé, cher et de moins bonne qualité que le miel de Oueslatia!».

Dans les localités d’El Hessiane et de Oued Essouk, nous constatons la présence de barrages et de lacs collinaires avec pour objectifs de conserver les eaux de pluie, de recharger la nappe phréatique et les systèmes aquifères et de développer l’agriculture en irrigué. Ce qui a attiré notre attention dans ces villages, c’est qu’ils sont situés au milieu de montagnes où on aperçoit l’existence de banquettes de pierre qui forment des plis faisant office de petits barrages pour retenir la terre, l’eau les engrais et les plantes. Les ancêtres, des Oueslatia avaient eu la sagesse de protéger, par cette opération, la terre de l’érosion. Par ailleurs, on ne peut s’empêcher d’admirer les monts abrupts et pierreux, les ravins embellis par les lauriers roses, les petits logements ruraux…

A quand la réalisation du projet de circuit touristique ?

Malgré toutes ses richesses naturelles et archéologiques, la délégation de Oueslatia ne dispose ni d’hôtel ni de maisons d’hôte pour accueillir les spéléologues, les amateurs de la nature et les chasseurs de plus en plus nombreux ces dernières années. Et vu l’absence d’une infrastructure adéquate et de projets fiables à même de contribuer à promouvoir le tourisme culturel de la délégation de Oueslatia, riche en antiquités romaines et byzantines tels les bassins, les belles mosaïques, les banquettes de pierre, les citernes, les aqueducs, les ghorfas souterraines abritant encore des gravures rupestres et les amphithéâtres, il a été décidé lors de la visite de l’ancien chef du gouvernement, Youssef Chahed, dans le gouvernorat de Kairouan, en 2017, de lancer des études pour l’édification de circuits touristiques et culturels qui contribueraient à mieux faire connaître la diversité du patrimoine archéologique de Oueslatia et de Aïn Jloula considérées comme étant des zones phares en matière de richesses archéologiques. D’ailleurs, on a chargé un bureau d’études pour un budget de 1 milliard en vue de l’élaboration d’un plan relatif à l’itinéraire et aux  différentes composantes de ces circuits.

Espérons que les travaux d’aménagement des sites historiques ne tarderont pas à commencer, ce qui permettra d’offrir des opportunités d’investissement avec l’édification de gîtes ruraux. Des études de terrain ont été lancées au mois d’octobre 2020 dans le cadre d’un projet de coopération scientifique piloté sur la cité antique d’Agger et les différents sites archéologiques situés dans les limites de la carte topographique de Djebel Serj (délégation de Oueslatia). Il va sans dire que l’objectif de ce projet est de mieux faire connaître la richesse culturelle et architecturale de la délégation de Oueslatia entourée de hauteurs, située à 60 km de Kairouan, comptant 28.000 habitants et occupant une superficie de 95.000 hectares.

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