Après «Douleur et gloire» de Pedro Almodovar et «La vie cachée» de Terrence Malick, le film «Parasite» du réalisateur sud-coréen Bong Joon-Ho a illuminé la Croisette tant la métaphore qui le sous-tend est puissante et savoureuse. Les parasites, ce sont, en fait, les cafards qui infestent les bas-fonds de toutes les villes du monde, mais, pour le cinéaste, les parasites, ce sont aussi tous les riches de la planète tant ils sont des assistés incapables de se débrouiller tout seuls, comptant sur les autres, autrement dit, les pauvres serviteurs pour faire à leur place toutes les tâches quotidiennes : nettoyer, préparer les repas, conduire une voiture, épauler les enfants dans leurs études et autres corvées.
Et c’est ce que subit, à Séoul, toute la famille Ki-taek, au chômage, et qui s’intéresse, fortement, au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils, Ki-Woo, réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne.
Dès la première scène du film, où la famille est aspergée de gaz pour tuer les cafards, le ton est donné : un jour, les riches subiront le même sort et l’explosion sociale emportera tout le monde sur son passage. Pour autant, «Parasite» est loin d’être manichéen, les personnages sont aussi denses que nuancés, voire pétris d’humanité, car les Park sont inconscients de l’injustice qu’ils font subir à leurs employés qu’ils n’hésitent pas à renvoyer allégrement pour un oui pour un non.
Bong Joon-Ho dénonce, ainsi, l’inégalité sociale et le capitalisme sauvage en usant d’une intrigue démoniaque, garantissant le suspense, d’idées et de trouvailles drôles et efficaces. C’est que, généreux dans son art, le réalisateur mélange avec harmonie et brio, les genres entre satire politique, comédie sociale, comédie noire, thriller, horreur comme s’il inventait un genre nouveau.
Bong Joon-Ho, qui signe là son 7e long métrage, si tendre et si émouvant, a déjà traité du thème de la lutte des classes dans «The Host» et «Snowpiercer», mais ici, son parti pris est encore plus clair : secouer le public en le divertissant, avec du cinéma de haute voltige, d’où des scènes époustouflantes, tel ce fantastique ballet final meurtrier. Le film est magnifié par le jeu drôle et remarquable des acteurs et Song Kang-Ho, comédien fétiche du réalisateur, s’avère un sérieux candidat pour le prix d’interprétation masculine. «Parasite» fera partie, certainement, du Palmarès, mais à nos yeux, il mériterait la si convoitée Palme d’Or.
Les déceptions
Mais dans cette compétition officielle, il y a aussi des déceptions les frères Jean-Luc et Jean-Pierre Dardenne, détenteur d’une double Palme d’Or attribuée à «L’enfant» et «Rosetta», ont profondément déçu. Leur nouvel opus, «Le jeune Ahmed», n’a aucunement convaincu, ni séduit. Car l’histoire de cet enfant de 13 ans qui, sous l’influence de l’imam du quartier, se radicalise au point de vouloir tuer sa professeure parce qu’elle n’enseigne pas l’arabe du Coran, semble tirée par les cheveux, tant elle fleure le schématisme. Cela outre que l’argument utilisé est trop mince, et ce n’est pas la récurrente sobriété du style cinématographique des Dardenne et l’absence d’émotion qui ont arrangé les choses. Peu crédible, ce film ne nous a pas franchement touchés.
Il y a aussi «Once upon a time…in Hollywood» (Il était une fois… à Hollywood) de Quentin Tarantino qui semble en panne d’inspiration et de renouvellement à travers cette reconstitution très précise du Hollywood de la fin des années 60 où l’on suit un acteur ringard sur le retour, Rick Dalton (Leonardo Di Caprio), et sa «doublure cascade», Cliff Pitt (Brad Pitt). Perdus dans un Hollywood en pleine mutation, les deux compères sont de véritables paumés, Rick carbure à coups de whisky afin de pouvoir jouer de petits rôles dans des westerns télévisés, mais il oublie son texte et tout ne va pas pour le mieux…Pour relancer sa carrière il accepte de jouer dans des westerns spaghettis.
Le film s’ouvre sur des images d’un western, en noir et blanc, l’hommage au genre est clair, outre l’hommage aux films de série B, mais on ne comprend pas trop pourquoi le réalisateur prend le parti d’humilier l’acteur Bruce Lee, même si la scène est cocasse. Le film évoque également l’assassinat de Sharon Tate par une secte. Ce qui fait basculer le film dans une violence extrême et inutile. Ce film est quasiment sans scénario, car basé sur les images de reconstitution de la ville de Los Angeles, en 1969, et surtout sur le duo d’acteurs qui porte le film. Long et balourd dans l’ensemble, ce film n’a pas outrement impressionné le public.
Idem pour «Mathias et Maxime» du Québécois Xavier Dolan qui a, pourtant, suscité, il y a 5 ans, avec son film «Mommy», un grand engouement sur la Croisette et a raflé, au passage, le prix du jury.
Dans ce nouvel opus, il remet sur la table les mêmes obsessions, son rapport conflictuel et violent avec sa mère, le doute sur les préférences sexuelles et autres problèmes personnels. Cela dans une forme conventionnelle, façon mélo, qui laisse indifférent, le film, qui déroule quelques trouvailles de mise en scène, n’arrive pas à nous toucher avec ses tracas récurrents de bourgeois.