Accueil A la une Audition du ministre de la Santé : «La campagne de vaccination est imminente»

Audition du ministre de la Santé : «La campagne de vaccination est imminente»

Pour bénéficier du programme Covax, c’est-à-dire recevoir des vaccins gratuits, dons de l’OMS, le dossier du pays requérant devra répondre aux normes requises par l’Organisation mondiale de la santé et être présenté dans les délais.

A l’heure où les pays, jadis comparables aux nôtres, mettent en place, parallèlement à la campagne de vaccination de leur population, des stratégies de relance économique, la Tunisie, elle, souffre d’un tour de retard, sinon de plusieurs. Contrairement aux promesses données, la main sur le cœur, par les gouverneurs. A ce jour, aucune dose de vaccin, gratuite ou payante, n’a été réceptionnée. Hormis cette fameuse petite livraison dont on préfère passer outre. C’est même gênant de créer une polémique autour de cette «aumône» et d’en faire une affaire politique. Que représentent 1.000 doses pour une population qui compte près de 12 millions d’individus ? Insignifiantes, et le mot est faible.

Dans ce contexte d’attente déçue, même si les vaccins arrivaient aujourd’hui, — les responsables ayant encore raté un rendez-vous —, s’est tenue hier une séance de contrôle parlementaire au Bardo. Auditionné, le ministre de la Santé, Fazoui Mehdi, a eu à répondre aux questions orales et insistantes des élus, adressées préalablement par écrit. C’est l’usage. 

Le député Hichem Ben Ahmad s’est fait l’écho des doléances des Tunisiens, se plaignant  des vaccins n’arrivant toujours pas ? «Alors que tel pays en guerre et tel autre en bas du classement par PIB l’ont déjà reçu», comparent nos compatriotes, las et froissés. «Même les vaccins qui devaient être fournis par l’OMS, dans le cadre du programme Covax, ne le sont toujours pas». Compte tenu des multiples reports et dans cette attente,  l’élu Ben Ahmed a sollicité du membre de l’exécutif de fournir un échéancier clair et des chiffres. La date d’arrivage des premières doses, le budget consacré, le planning de la campagne, les conditions logistiques qui devront l’accompagner. «Nous avons besoin de données claires et chiffrées, Monsieur le ministre, à cause de ces multiples reports, vous comprenez bien que la confiance soit rompue».

Gratuité et volontariat du vaccin

Tout est prêt selon le ministre; «les centres de vaccination réquisitionnés par l’Etat au nombre de 25, les congélateurs, dont certains offerts (merci) par l’Utica, les équipes mobiles pour atteindre la population isolée. Le financement assuré par la Banque mondiale, par un don chinois et une partie par l’Etat tunisien. Des négociations bilatérales avec les laboratoires ont été menées, tente encore de rassurer le ministre. La campagne devra démarrer dans les prochains jours et elle est mue par deux principes, la gratuité et le volontariat. L’identification du public prioritaire, répertorié en 5 phases, a été établie. Les Tunisiens ainsi que les étrangers résidant en Tunisie devront donc être vaccinés. Tout est prêt». On attend le vaccin, donc !

Faouzi Mehdi, un ministre rattrapé par le dernier remaniement, donc théoriquement sur le départ, présentait des réponses laborieusement lues. Parfois, coup de chance, celles-ci coïncident avec les requêtes des parlementaires. Parfois encore, le ministre passe tout bonnement à côté. Et Mourad El Hamzaoui de s’exclamer, « Monsieur le ministre, vous n’avez répondu à aucune de mes questions ». L’élu a en effet, dans son plaidoyer, défendu, entre autres, le cas du jeune Achraf El Ferchichi dont l’état de santé ne cesse de s’aggraver, alors qu’il doit subir d’urgence une greffe du rein et du foie. Sa propre mère étant la donatrice. Le ministre, lui, a jugé l’occasion nécessaire de faire un exposé sur la thématique «sensible » du don d’organes en Tunisie, des donateurs qui ont vu leur nombre baisser, de la dimension culturelle de la question et de la législation qui devra être amendée pour suivre. Le député a dû répéter, lors de la relance, qu’en l’occurrence, c’est la mère qui est donatrice. Et qu’elle veut, si possible, sauver son enfant !

Yassine Ayari, lui, a déploré que le Conseil scientifique obéisse à des impératifs politiques. Pour preuve, «les décisions contradictoires qui ont eu un impact néfaste sur la propagation du virus sur le territoire national». Ouverture des frontières, levée du confinement des nouveaux arrivants, non-exigence du test PCR. «Des décisions, regrette-t-il, à travers lesquelles se profilent les injonctions politiques». Il a demandé à soustraite le Conseil scientifique de l’emprise politique, afin d’assurer son indépendance. «Qui est responsable des 8.000 morts de Tunisiens du Covid, nous allons devoir vous demander des comptes», prévient-il.

Les députés Lotfi Ayadi, Mabrouk Korchid, Meriem Ben Belgacem et Emna Ben Yahmed ont préféré évoquer les cas (problématiques) de leurs régions respectives: Jendouba, Médenine, Sfax et Menzel Bourguiba, devenues pour certaines de véritables déserts médicaux. Les requêtes étant les mêmes, mâtinées de quelques revendications spécifiques. Plus de personnel soignant, plus de médecins spécialistes, maintenance des équipements médicaux toujours en panne, et, souvent non conformes. Certaines régions revendiquent des pôles médicaux, des hôpitaux universitaires et d’autres des facultés de médecine.

Le vaccin, un instrument diplomatique

Les promesses avaient fusé des gouvernements successifs. Les députés demandent maintenant leur mise en œuvre. Assaillis qu’ils sont par leurs électeurs. Cependant, il faudra se contenter, pour l’heure, d’un panneau d’indication par-ci ou d’une pierre inaugurale par-là. Alors que l’Etat n’est pas en mesure d’équiper en moyens humains et matériels les établissements déjà existants.

Quelques mesures concrètes, cependant, ont été détaillées par le ministre : achat d’ambulances, équipement de salles de réanimation, envoi d’équipes médicales. Les réponses de l’Etat restent cependant dérisoires, compte tenu des attentes des populations. Le secteur de la santé, un des plus durement touchés ces dix dernières années. La crise pandémique n’a fait qu’aggraver la situation. Un secteur public qui souffre de multiples maux, dont une syndicalisation paralysante, une corruption galopante et une politique déstabilisante. Depuis 2019, 4 ministres se sont relayés à la tête de ce département « en guerre », et un cinquième qui attend toujours en coulisses.

Pour finir et pour bénéficier du programme Covax, c’est-à-dire recevoir des vaccins gratuits, dons de l’OMS, le dossier du pays requérant devra répondre aux normes requises par l’Organisation mondiale de la santé et être présenté dans les délais. Est-ce le cas de la Tunisie ? Tout indique, sinon, que le vaccin du Covid est devenu un instrument diplomatique. Pour l’acquérir, il faut de l’argent, et pouvoir exercer des pressions diplomatiques. La Tunisie n’a ni l’un, ni l’autre. Mais, les Tunisiens sont en train d’essayer. Leur tort, ils s’y sont pris tard. Cela dit, et aux dires du ministre de la Santé, la campagne de vaccination est imminente. Espérons !

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