La situation est aujourd’hui très difficile et complexe sous fond d’incertitude économique et financière brutale, exacerbée par la crise sanitaire, plombant la plupart des secteurs. Décréter l’état d’urgence économique s’avère, ainsi, un solide rempart face au chaos économique et social. De grandes menaces pèsent sur le tissu économique existant, ce qui commande le passage obligé par des mesures plus audacieuses que celles jusque-là retenues. Les réformes, qui depuis des années, étaient à chaque fois renvoyées à plus tard, deviennent maintenant incontournables. De plus, la crise sanitaire du Covid-19 a mis sérieusement à plat les moteurs de la croissance de l’économie nationale, rendant la sortie de la crise autant complexe qu’incertaine. Nous sommes alors face à un état d’urgence économique tout aussi impérieux. Sans une mobilisation de toutes les énergies et l’engagement actif de l’ensemble des acteurs, c’est toute notre économie qui est menacée d’effondrement. C’est ce que l’ancien ministre du Développement et de la Coopération internationale et des Finances, Fadhel Abdelkéfi, a évoqué depuis 2017, appelant à l’adoption de la loi d’urgence économique en Tunisie «frappée désormais par une croissance atone et des déficits publics grandissants».
L’Utica, de son côté, a appelé fin 2020 à activer l’état d’urgence économique afin de préserver la souveraineté économique et protéger le tissu économique national.
Egalement, Hakim Ben Hamouda, ancien ministre des Finances, précise que la Tunisie, qui connaît un repli économique inédit de l’ordre de -7% selon le FMI, doit décréter l’état d’urgence économique en mobilisant toutes les forces économiques, politiques et sociales du pays en vue de trouver une solution fiable. Et d’ajouter que la question du rééchelonnement de la dette de la Tunisie est une opération très difficile si elle se fait à travers «le Club de Paris».
Le scénario de sortie de crise recommandé par Afif Chelbi, ancien président du Conseil d’analyses économiques, est focalisé sur une stratégie en trois axes. Il s’agit d’accélérer la vaccination de la population dans les plus brefs délais, de faire accéder les PME à des financements bonifiés et à relancer la croissance par une dynamisation structurée des secteurs. Il considère qu’«il n’y a pas, en ce moment, un investissement public plus rentable que la vaccination», relevant que «tout retard pris dans la campagne de vaccination en Tunisie aura, outre les conséquences humaines et sanitaires dramatiques, des conséquences économiques gravissimes». De son côté, Haykel El Mekki, président de la commission des finances, de planification et du développement à l’ARP, a proposé, lors de sa rencontre avec le Président de la République Kaïs Saïed, de décréter l’état d’urgence économique, pour faire face à l’altération de la situation des finances publiques et la dégradation de la note de la Tunisie par Moody’s à B3 avec perspectives négatives, précisant que si cette situation alarmante se poursuit, on pourrait se rapprocher du scénario libanais.
Pour d’autres experts économiques, il s’agit d’amortir les chocs économiques et sociaux auxquels est confronté le pays depuis plus d’une décennie et, notamment, sous le prisme du Covid-19 et les perspectives qui se profilent en 2021. Nonobstant la pandémie du Covid-19, la gestion de la crise économique demeure tributaire de la capacité de notre pays à résorber les déficits structurels, à ouvrir des perspectives prometteuses lui permettant de s’adjuger un positionnement favorable dans le monde, à dessiner les contours du nouveau modèle de développement, et à accélérer la prise de décision concernant notamment le chantier des grandes réformes.
Pour redresser la situation et retrouver une nouvelle dynamique porteuse d’espoir rendant possible les ajustements structurels au moindre coût politiquement et socialement, il faudrait faire front aux tiraillements politiques, au climat de revendications tous azimuts et de la persistance du spectre de la pandémie à moins d’un sursaut de remobilisation de toutes les forces vives du pays sur la base d’une vision globale de l’économie et de la société pour le long terme.