Les producteurs se plaignent souvent de la chute des prix au niveau du marché local, alors que les consommateurs estiment que les prix connaissent une flambée, notamment à l’approche des périodes de grande consommation. Face à ce dilemme, l’Etat est appelé à trancher par un stockage régulateur et la fixation des seuils des prix à ne pas dépasser.
Les Tunisiens se plaignent, à juste raison, de la hausse des prix de plusieurs produits agroalimentaires au cours de ces dernières années. A l’arrivée du mois de Ramadan, la peur de voir les prix connaître une évolution se fait sentir chez plusieurs consommateurs. Il faut dire, de prime abord, que les prix des produits agricoles et des viandes rouges et blanches sont libres. Certes, l’Etat intervient, parfois, pour définir un seuil des prix à ne pas dépasser pour certains produits comme ceux des légumes et viandes blanches, d’une façon exceptionnelle, mais en général, les prix sont fixés en respectant le principe de l’offre et de la demande. Pour prendre le cas des viandes blanches, les producteurs se plaignent, eux aussi, de la chute des prix au niveau du marché, ce qui ne leur permet pas de couvrir les frais de production. C’est pour cela que les producteurs n’acceptent pas les seuils de prix imposés par les pouvoirs publics qu’ils considèrent comme non réglementaires dans la mesure où ils enfreignent les règles de la loi de l’offre et de la demande.
Mais il ne faut pas oublier que l’Etat a la responsabilité sociale de maintenir les prix à un niveau acceptable permettant aux catégories à revenu faible ou moyen d’acquérir ce dont ils ont besoin en fonction de leur budget. L’Etat se trouve ainsi devant un dilemme, à savoir, d’une part, fournir aux consommateurs des produits à prix abordables et, d’autre part, permettre aux producteurs d’entrer dans leurs frais de production. Ce cas se pose aussi non seulement pour les producteurs des viandes blanches mais aussi pour les agriculteurs de divers produits comme les tomates, les oignons, les pommes de terre, le lait, certains fruits comme les dattes.
Identifier les faiblesses
La situation embarrassante des prix est restée sans solution depuis des années. Les producteurs se plaignent souvent de la chute des prix quand la campagne d’un produit donné est excédente. C’est le cas, à titre d’exemple, de la campagne des dattes qui sont très prisées au cours du mois de Ramadan et qui sont bien exportées vers divers pays. Cependant, le marché local pose problème dans certains cas car les prix connaissent une chute vertigineuse ne permettant pas aux agriculteurs de bénéficier d’une marge, couvrant les frais de production qui ne cessent d’évoluer d’une année à l’autre. D’où le rôle important joué par le Groupement interprofessionnel qui est appelé à définir les quantités à produire et surtout les sources de commercialisation aussi bien au niveau du marché local que du marché extérieur pour éviter que les producteurs jettent les dattes invendues.
Le problème s’est posé également pour les producteurs du lait stérilisé qui n’ont pas hésité, un certain temps, à déverser des quantités de lait dans le sol car les centrales laitières n’ont pas accepté de les réceptionner. Les centrales laitières disposent d’une capacité de stockage limitée et ne peuvent pas recevoir toutes les quantités de lait produites. De plus, se pose le problème des prix qui est fixé par l’Etat et qui n’est pas accepté par les producteurs. La solution réside dans l’exportation de l’excédent vers les pays voisins comme l’Algérie et la Libye. Etant un produit rapidement périssable, les quantités de lait à exporter doivent bénéficier d’un traitement particulier et rapidement envoyées à destination. Les Groupements interprofessionnels ont un rôle délicat à jouer pour réguler le marché et éviter une production abondante pour une consommation limitée, ce qui pourrait entraîner la chute des prix ce qui est nuisible pour les producteurs. Il faut donc trouver le juste milieu en tenant compte de la capacité de consommation et de la production.
Eviter la guerre des prix
Le problème s’est posé également, au cours des dernières années, pour l’activité des œufs quand la production a battu tous les records, ce qui a donné lieu à une chute vertigineuse des prix, n’arrangeant pas les producteurs. De plus, des œufs à couver ont été importés, ce qui a compliqué davantage la situation. Les producteurs estiment qu’il n’est pas opportun d’importer de telles quantités d’œufs à couver dans la mesure où les unités de production au niveau local sont en mesure de satisfaire la demande du marché. A noter que ce secteur souffre de plusieurs faiblesses, vu le manque d’organisation des producteurs et l’invasion du marché parallèle. Le secteur des volailles mérite une meilleure organisation d’autant plus que plusieurs petites unités ont fait leur apparition et vendent de la viande blanche à tour de bras.
L’Etat déploie des efforts importants pour réguler le marché à travers notamment le stockage de divers produits comme le lait, les œufs et même les fruits. Cet effort de stockage nécessite un investissement faramineux supporté par les pouvoirs publics qui sont appelés à préparer des chambres frigorifiques et des unités de conditionnement pour stocker ces produits régulateurs d’un marché en fluctuation constante. En fait, ces produits sont utilisés lors des grandes périodes de consommation comme c’est le cas du mois de Ramadan, la rentrée scolaire et les fêtes religieuses. Ce stockage permet d’éviter les pénuries qui pourraient se produire quand les unités de production diminuent leur production. Ce stockage va donc se poursuivre pour les produits sensibles qui doivent toujours être présents dans la table des consommateurs tunisiens.
La guerre des prix ne doit pas avoir lieu en Tunisie à condition d’activer les moyens de régulation comme ceux qui sont détenus par les groupements interprofessionnels qui sont tenus de définir, de la façon la plus précise qui soit, les quantités des produits demandées par les consommateurs afin que les unités de production sachent à quel saint se vouer. Il n’est pas question, en effet, de produire à l’aveuglette de grandes quantités de produits dont une grande partie sera invendue et donc jetée dans la nature. Quand les prix connaissent une chute record, les producteurs se débarrassent également d’une partie de leur production dans le but de hisser les prix à un niveau acceptable. Il est nécessaire de tenir compte constamment du pouvoir d’achat des citoyens qui font toujours face à des hausses de prix parfois inexplicables. La marge bénéficiaire des marchands de fruits, légumes et viandes devrait être revue à la baisse exceptionnellement pendant les périodes de grande consommation, quitte à faire des sacrifices pour toutes les parties prenantes.