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Cour constitutionnelle : La verra-t-on un jour ?

Cinq années sont passées après la promulgation de la loi relative à la Cour constitutionnelle, sans que cette dernière puisse voir le jour. Cinq ans que les tiraillements politiques affligés par un mode de scrutin inconfortable privent les Tunisiens et leur jeune démocratie d’un pilier dans le dispositif juridique tunisien. C’est à partir de ce constat amer que l’Union des magistrats de la Cour des comptes (Umcc), avec le soutien de l’ONG  Democracy Reporting International (DRI), a organisé hier à Tunis une rencontre en présence de magistrats, de spécialistes en droit et de députés, dans le but de discuter des raisons profondes qui empêchent la Tunisie de se doter d’une Cour constitutionnelle.

Une instance prestigieuse qui, selon, la constitution tunisienne, n’est pas uniquement un luxe institutionnel, mais bel et bien une nécessité pour tout justiciable.

Outre son rôle dans le dénouement de certaines crises politiques comme celle que nous vivons actuellement, notamment en termes de conflits de compétence, la Cour constitutionnel a une incidence directe sur les citoyens. En effet, Amine Thabet, professeur de droit et expert auprès de la DRI, rappelle que jusqu’à présent, une série de lois, de circulaires et d’arrêtés continuent à être pris en compte dans les procès, alors qu’ils sont clairement incompatibles avec les dispositions de la nouvelle constitution.

Or, en l’absence d’une Cour constitutionnelle, qui devra statuer, un justiciable ne peut invoquer, au cours de son procès, l’inconstitutionnalité d’une disposition.

Cela concerne généralement des dispositions qui touchent aux fondamentaux mêmes des droits et libertés, comme le précise le communiqué de l’Umcc.

Jeudi dernier, l’Assemblée des représentants du peuple a voté un amendement de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle, en vue d’assouplir les conditions permettant l’élection, la désignation et la mise en place de la Cour.

Or, comme pour toute loi, le Président de la République, conformément à la constitution, peut refuser de promulguer l’amendement et de le renvoyer au Parlement pour révision. Le Président de la République pourrait également demander à l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi (Ipccpl) de statuer sur le sort de cet amendement proposé.

Là encore, c’est le jeu politique qui sera déterminant, entre un président de la République qui souhaite faire plier le système politique actuel et des partis politiques de la majorité qui souhaitent en secret destituer le Président de la République.

Un imbroglio, qui fait dire à un député qu’en dépit de l’amendement, il est peu probable que la Cour constitutionnelle puisse voir le jour pendant cette législature.

Toujours est-il que le Chef de l’Etat devra, s’il décide de renvoyer le texte devant les députés, motiver sa décision. «Dans ce cas, précise le professeur de droit public Chafik Sarsar, une majorité renforcée de 131 voix devra être trouvée pour faire passer l’amendement».

Sur le fond, l’ex-président de la Cour de cassation et de l’Ipccpl, Hedi Guediri, s’en prend au principe même de présentation des candidatures et l’élection des membres de la Cour constitutionnelle. Pour lui, ce choix ébranle la notion de compétence et donne une place plus large aux tiraillements politiques.

A tel point que les grands professeurs réellement aptes à faire partie de la Cour passent leur tour, rechignent à se présenter. Pour les autres, ils seraient, selon lui, obligés de ranger leurs compétences de côté et partir à la recherche d’un groupe parlementaire ou d’un parti politique qui puisse soutenir leur candidature.

Rappelons que l’amendement voté par le Parlement jeudi dernier prévoit entre autres la suppression du terme «respectivement». De ce fait, ni la présidence de la République, ni le Conseil supérieur de la magistratrure ne seraient plus tenus d’attendre que le parlement élise 4 membres à la Cour.

Le second amendement crucial consenti par l’Assemblée des représentants du peuple prévoit, en cas d’échec après trois séances consécutives, le passage d’une majorité des deux tiers à une majorité des trois cinquièmes en trois séances successives et au scrutin secret.

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