Accueil Société Crise de l’éducation | Mme Kristina Kaihari, Conseillère d’éducation nationale en Finlande à La Presse : «La politique suivie dès la petite enfance est cruciale»

Crise de l’éducation | Mme Kristina Kaihari, Conseillère d’éducation nationale en Finlande à La Presse : «La politique suivie dès la petite enfance est cruciale»

Contrairement au système éducatif tunisien toujours en queue de peloton, si l’on se fie aux évaluations internationales Pisa et autres, le système éducatif finlandais occupe la tête du classement mondial depuis des années. Afin de saisir les clés d’une telle réussite, La Presse a approché la conseillère de l’éducation nationale finlandaise Kristina Kaihari, après avoir coordonné avec l’ambassade de Finlande en Tunisie. Interview.

Quels sont les points forts du système éducatif finlandais, classé parmi les meilleurs dans le monde, si l’on parle cycle primaire ?

L’un des principes fondamentaux de l’éducation finlandaise consiste à garantir à tous les citoyens un accès égal à une éducation et à une formation de qualité. Indépendamment de leur catégorie sociale, de leur âge, de leur situation matérielle ou de leur lieu de résidence, tous les citoyens bénéficient des mêmes chances.

Notre système est très inclusif : la même école de base est un passage obligatoire pour tous les enfants et partout. C’est que l’on veille à ce que tous, quelle que soit leur situation économique, aient la possibilité d’étudier. D’autant plus que l’enseignement est gratuit à tous les niveaux, du pré-primaire à l’enseignement supérieur. Le système éducatif est, de surcroît, décentralisé. Le MoE/Finnish National Agency for Education (Agence nationale de l’éducation) élabore le National Core Curriculum (programme national de base) presque tous les 10 ans. En fonction de ce code, les municipalités, en tant que prestataires de services scolaires, conceptualisent leurs propres programmes d’études au niveau local.

L’autre point fort du système éducatif finlandais n’est autre que l’autonomie des enseignants.Ils ont la liberté de décider comment mettre en œuvre le programme au niveau de l’école, quels matériaux, pédagogies et méthodes seront utilisés. Polyvalence, matériaux adaptés et environnements d’apprentissage appropriés sont les mots-clés de la réussite. L’apprentissage par la pratique est de plus en plus renforcé. Les enfants sont continuellement assistés, soutenus et encouragés. Si d’autres défis apparaissent en cours de chemin, l’élève doit être immédiatement soutenu. Le plaisir d’apprendre est une condition sine qua non pour la réussite et la performance de notre système. C’est pourquoi l’on s’emploie à motiver les apprenants, en procédant à la planification de journées d’école courtes, couplées à un apprentissage pratique et un minimum d’examens.

Les enseignants sont, quant à eux, très instruits. D’ailleurs, pour les enseignants du cycle primaire, la maîtrise est exigée depuis plus de 40 ans, alors que pour les enseignants spécialisés cela fait plus d’un siècle. Le parcours académique comprend des études approfondies en pédagogie, y compris une formation obligatoire dans les établissements de formation destinés aux enseignants universitaires. La formation est axée sur la psychologie et la pédagogie de la petite enfance.

Il va sans dire que la profession d’instituteur est très respectée en Finlande. Chaque année de nombreux jeunes essaient de s’inscrire aux études préparatoires au métier de professeur des écoles. Et seuls ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats à la fin du cycle secondaire y ont accès, après un test psychotechnique. Les mêmes exigences sont appliquées et pour les grandes villes et pour les régions et petits villages éloignés.

Bien que tous les efforts de l’éducation moderne aient été concentrés sur le bien-être de l’enfant, on n’a toujours pas réussi à promouvoir le bien-être de ce même enfant de la manière espérée. Quelles en seraient les raisons, selon vous ?

Chaque pays a son propre système éducatif avec des approches, des pratiques et des traditions différentes. Ce système doit toujours être vu dans le contexte historique et culturel.

Les réformes ou les programmes ne peuvent pas être transférés directement d’un système à un autre. Le changement prend toujours du temps, surtout dans le domaine de l’éducation. La direction de l’école, les enseignants et les parents résistent souvent au changement. Il faut du temps pour s’adapter à de nouveaux systèmes et pratiques ou pour apprendre à faire les choses d’une autre façon.

De l’avis de certains analystes, l’éducation moderne détruit les conditions nécessaires au développement de l’enfant, en l’exposant à l’espace public et au monde adulte. Qu’en pensez-vous ?

Il serait important de savoir comment est définie l’éducation moderne par ces analystes. Quoi qu’il en soit, en matière d’éducation, la politique suivie dès la petite enfance est cruciale. En Finlande, on réserve beaucoup d’espace pour les garderies, afin de garantir aux enfants épanouissement, jeu et créativité de la manière souhaitée. Chaque enfant a le temps et l’espace qu’il faut pour se livrer à différentes activités libératrices et instructives. Le jeu et le reste des activités sont planifiés de manière à renforcer la polyvalence chez les enfants. La vraie école commence à l’âge de 7 ans. Et étant donné que les enfants sont différents, on leur apprend les choses différemment. Au cours des deux premières classes, les enfants apprennent des compétences de base comme la lecture, l’écriture et les mathématiques par le jeu. Il y a ceux qui sont doués et ceux qui le sont moins et qui nécessitent, de là, plus de temps et davantage d’efforts.

Le niveau d’assimilation et de développement de l’enfant doit toujours être pris en compte. L’école ne représente pas nécessairement «le monde des adultes». Mais elle doit, d’une manière ou d’une autre, dire aux élèves : «voilà notre monde et le vôtre bien évidemment».

L’espoir des sociétés réside dans l’élément de nouveautés que chaque génération apporte. Pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant et l’introduire comme un ferment nouveau dans un monde déjà vieux, l’éducation doit-elle être conservatrice ?

Je suis du même avis disant qu’il est important d’offrir aux nouvelles générations la possibilité de mieux développer le monde qui les entoure. Les profondes mutations touchant les sociétés, la technologie, l’environnement, la coopération, somme toute le monde, exigent que de nouvelles compétences soient apprises et maîtrisées.    

Les élèves doivent avoir l’occasion de se servir des choses qu’ils ont apprises aussi bien dans des situations non scolaires. L’un des objectifs les plus importants de la dernière réforme des programmes d’études en Finlande était de promouvoir les valeurs démocratiques, la coopération et la culture scolaire participative, à travers des programmes et des pratiques adaptés. Les activités sont planifiées de façon à ce que les élèves acquièrent les compétences suivantes :   

•Penser de façon autonome

•Faire des choix et des décisions

•Résoudre des conflits

•S’initier aux pratiques démocratiques

• Influencer leur vie

•Développer l’esprit critique et l’autocritique

Le Programme national de base finlandais pour l’éducation de base 2016—Compétences transversales—Penser et apprendre à apprendre (T1)— s’est articulé autour des objectifs suivants :

•Faire des observations, chercher, évaluer, éditer, produire et partager des informations et des idées.

•Se rendre compte que l’information peut être construite de plusieurs façons.

•Envisager les choses sous différents angles.

•Utiliser l’information de façon indépendante et en interaction avec les autres pour résoudre les problèmes, argumenter, raisonner, tirer des conclusions et inventer.

•Analyser un sujet abordé de manière critique et sous différents angles.

Pour certaines matières comme

l’Histoire, les objectifs consistent à :

• Inciter l’élève à acquérir des connaissances provenant de diverses sources et en évaluer la fiabilité.

• Comprendre que l’information liée à l’histoire peut être interprétée de différentes façons.

• Expliquer pourquoi l’information peut être interprétée et utilisée différemment dans différentes situations et évaluer de façon critique la fiabilité des interprétations.       

• Les élèves sont guidés vers la pensée critique et l’observation des religions et des visions du monde, sous différents angles.

• Soutenir le développement de la pensée critique des élèves et les encourager à influencer leur environnement et la société.

Traduction de l’anglais vers le français par MHA

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