Accueil Economie Ridha Chiba, Conseiller International en Exportation : La Rnta paie les frais de la crise

Ridha Chiba, Conseiller International en Exportation : La Rnta paie les frais de la crise

Les difficultés économiques en Tunisie persistent encore et demeurent toujours sans issue. Les principaux secteurs, entre autres, industriel, touristique, agricole ont été rudement affectés et la plupart des entreprises   industrielles traversent des situations financières très délicates  ou carrément en crise tels que les AMS, Tunisie Lait, El Fouledh, la Stip, La Rnta, et ce, dans un contexte de politique économique libérale à outrance et l’ouverture de la Tunisie à tous les produits étrangers sans aucune protection du marché local.

Le commerce  parallèle  continue à prendre toujours de l’ampleur, le produit intérieur brut a atteint -2% au cours du premier trimestre de 2021 par rapport à la même période de l’année 2020, la dévaluation du dinar tunisien, l’inexistence  d’options politiques, économiques et sociales adéquates, outre évidemment la pandémie du covid-19 qui a réellement  paraysé le pays et engendré des répercussions négatives ayant amené  l’économie tunisienne dans un état dégradant, à cause, entre autres, du comportement inerte et  schizophrène  des responsables de l’Etat.  Dans cette optique, nous avons contacté M. Ridha Chiba, conseiller international en exportation, pour nous éclaircir sur ces différentes situations en choisissant un exemple frappant, à savoir celui de la Rnta qui, au lieu de se promouvoir davantage du fait qu’elle  est  le seul producteur et distributeur officiel de tabac en Tunisie avec une large gamme de produits, se trouve  confrontée à des difficultés diverses à tous les niveaux. Interview.

Comment expliquez-vous cette situation très délicate de l’économie tunisienne et que voulez-vous dire par comportement ‘’schizophrène’’?

En fait, ce marasme et cette situation économique de la Tunisie sont le résultat d’un cumul de plusieurs années de mauvaise gestion due à  l’absence d’une stratégie claire  qui définit les meilleures manières à suivre à court, moyen et long terme en tenant compte bien sûr des capacités optimales du pays  et de l’environnement extérieur  se rapportant aux  divers risques et aux différentes opportunités offertes en vue de réaliser, après une période déterminée, les meilleures performances et  les desseins escomptés dans une approche de création de valeurs ajoutées significatives, motivantes et durables. Aussi, l’Etat tunisien est actuellement dans la plus grande difficulté pour trouver les ressources financières nécessaires  avoisinant les dix-huit mille cinq cents  milliards tunisiens pour cette année en vue de  remédier au manque du budget pour payer ses diverses dettes dont les échéances sont très proches. Au lieu de relancer l’économie et  encourager en premier lieu les investissements nationaux, créer  la richesse, engendrer les opportunités de travail et résorber en définitive le chômage en  encourageant à rouvrir  les diverses entreprises fermées, restructurer celles en difficultés sur la base de nouvelles options économiques, sociales et financières avec des objectifs préalablement tracés et des organigrammes définissant les tâches exactes à assigner sans aucun surplus de personnel dans le cadre d’une stratégie préconisant les différentes étapes à franchir en vue d’assurer le véritable décollage de ces entreprises et leur permettre de réaliser les meilleures performances et atteindre les résultats probants escomptés, l’Etat tunisien n’a de solutions que d’essayer d’influencer les investisseurs étrangers en leur offrant un paradis fiscal  et une main-d’œuvre abondante sans aucun taux d’intégration et, bien sûr, de recourir à des prêts de toutes parts et cela ne peut qu’accabler le pays et le mener à une situation chaotique, aléatoire  et sans avenir. Ne serait-il pas mieux de se baser en premier lieu sur  les investissements nationaux tout en  encourageant les investissements étrangers sur la base des intérêts réciproques et non pas sur des relations dominant/dominé?

La Rnta est un monopole en Tunisie et, malgré cela, elle  se trouve en difficulté…

A notre avis il faut tout d’abord définir le monopole comme étant la situation d’un marché  dans lequel se trouve un grand nombre d’acheteurs  et un seul producteur et vendeur qui n’a aucune concurrence, il est totalement libre de fixer ses prix. La Rnta  a toujours occupé une place de choix  dans l’économie nationale en  contribuant au budget de l’Etat  de l’ordre de  8% avec  trois principaux axes d’activité, à savoir :

La culture des tabacs,la production des cigarettes, la vente et la distribution. Cette activité stratégique est détenue par la Rnta et la MTK  qui  sont chargées d’exploiter le monopole fiscal du tabac, des allumettes et des jeux de cartes. Malgré les  potentialités de la MTK disposant d’une grande capacité de production avoisinant les cent cinquante millions de paquets de cigarettes et une main-d’œuvre dépassant les quatre cents employés et la Rtna d’environ  1.500 emplois statutaires dans ses deux usines, ses centres de culture et  ses centres de distribution, ses 2.500 tabaculteurs rattachés à 12 centres de culture et environ 16.000 débitants….

Le monopole des cigarettes en Tunisie  a été continuellement confronté à de véritables problèmes économiques, financiers et sociaux allant jusqu’à  la proposition de sa privatisation  soi disant pour mettre fin au phénomène de la contrebande  et de la vente illégale, ce qui n’a pas plu à la centrale syndicale qui  a considéré une telle option comme étant une ligne rouge à ne pas dépasser.

D’après vous, quels sont les véritables problèmes de la Rnta?

Assurément, la Rnta, comme toutes les entreprises publiques, a joué un rôle social qui  a alourdi sa masse salariale et mis en difficulté cette entreprise leader dans son domaine. Mais à notre avis, ce qui a aggravé sa situation financière et le manque à gagner qu’elle ne cesse de subir  malgré ses 70% de ses ventes des cigarettes locales et l’importation d’environ 30 marques étrangères de cigarettes, cigares et tabac pour narguilé c’est principalement  la concurrence illégale et le commerce informel. En fait, la Régie nationale des tabacs et des allumettes a accumulé , au cours des dernières années, des pertes considérables avoisinant les  1.400 millions de dinars, suite à la l’élargissement du marché parallèle à cause du trafic essentiellement  de tabac de narguilé et de la contrebande de cigarettes. En outre, les ventes illicites des contrebandiers qui essayent d’acheter les quotas des débitants en leur offrant des prix plus élevés et des motivations pécuniaires  plus avantageuses, et ce, pour détenir tous les circuits de distributions illégales  et imposer leurs prix exorbitants aux détaillants qui ne bénéficient pas d’agréments. Ainsi, ces contrebandiers arrivent à maîtriser le marché du tabac et imposer véritablement leur loi. De plus, la Rnta a subi plusieurs fois des pertes considérables du fait que les prix des  cigarettes  étrangères achetées en devises et distribuées sur le marché tunisien n’ont pas été révisés conformément à l’augmentation du taux de change. Ce qui est absolument aberrant ! De même, le commerce parallèle des cigarettes et similaires, qui dépasse les 40% et qui entre à travers les frontières tunisiennes, illicitement, sans aucun contrôle fiscal,économique et sanitaire, ne peut que déstabiliser l’économie nationale,infliger des pertes significatives  pour la Rnta et surtout pour l’Etat et sement le désordre absolu dans cet important créneau de l’économie.

D’après vous, comment peut-on remédier à une telle situation ?

D’emblée,tout réside dans la volonté de l’Etat qui ne doit aucunement rester les bras croisés devant cette anomalie. Bien au contraire, il doit prendre les mesures strictes et nécessaires contre le commerce informel, la contrebande, et ce, pour mettre un terme définitif à cette situation économique qui demeure chaotique.

En effet , des mesures doivent être prises à l’échelle macroéconomique et microéconomique. A l’échelle macroéconomique:

L’Etat doit appliquer la loi en optant pour plusieurs mesures énergiques, entre autres:

-Mettre un terme définitif au commerce parallèle des cigarettes et similaires.

-Arrêter tous les trafiquants des cigarettes et similaires et les traduire devant les juridictions compétentes.

-Contrôler les frontières tunisiennes en parfaite concertation avec les autorités, telles que la douane, les forces de sécurité et les forces armées.

-Traduire devant la justice tous les détaillants vendant des cigarettes et similaires illicitement.

-Combattre tous ceux qui augmentent les prix des cigarettes et similaires.

A l ‘échelle microéconomique:

-La Rnta doit travailler conformément à une stratégie et des objectifs préalablement conçus et un organigramme fixant les employés adéquats et les différentes tâches qui doivent leur  être assignées.

-Investir dans les équipements qui vont améliorer la production et la productivité

-Créer une politique commerciale motivante.

-Contrôler rigoureusement le  circuit de la distribution afin de généraliser les centres de distribution sur tout le pays.

-Améliorer la qualité et concevoir  de nouveaux produits allant de pair avec les attentes des clients.

-Réviser la liste des prix quand cela devient nécessaire (exemple les prix des cigarettes étrangères quand le taux du cours augmente).

-Promouvoir l’exportation  des cigarettes tunisiennes et prospecter de nouveaux marchés étrangers.

Est-ce que vous êtes pour  la vente des cigarettes dans les grandes surfaces?

Juste temporairement, parce que les grandes surfaces sont  financièrement très fortes. Et, de ce fait, elles vont accaparer une grande partie de la distribution destinée pour les  16.000 débitants qui, la plupart, représentent des cas sociaux. Aussi, parce que nous craignons que c’est une première étape vers la privatisation de ce secteur important et florissant pour l’Etat tunisien si ce dernier sait le gérer de manière optimale.

Et pour conclure…

Nous espérons que la Rnta, qui détient le monopole des cigarettes et similaires en Tunisie, remédie à ses problèmes financiers et structurels et  arrive à contrôler rationnellement la production, les ventes et les distributions pour s’imposer définitivement  sur le marché tunisien encore preneur et prospère.

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