Commentaire | Il était temps, Monsieur le Président

Au vu des altercations et des mêlées à n’en plus finir à l’ARP, les décisions exceptionnelles prises par le Président de la République de geler toutes les activités du Parlement et de lever l’immunité des députés rassurent plus qu’elles n’inquiètent. L’impératif de sauver l’hémicycle tant qu’il est encore temps s’imposait depuis quelque temps. Il n’est plus difficile de comprendre aujourd’hui que ce que les élus du peuple ne sont plus en mesure de réaliser, ou encore d’entreprendre, met à nu cette inaptitude à sauver la face. Plus encore et contrairement à sa vocation, l’institution parlementaire perdait d’un jour à l’autre ses fondamentaux. Elle n’était plus à l’abri des dérives. Il y avait plus que des intrus et des indésirables. N’importe qui se permettant n’importe quoi !

Ses premiers responsables ont commis l’énorme erreur de penser que l’immunité parlementaire les place au-dessus de la loi. L’absence répétée de débats constructifs, de résolutions et d’initiatives ne peut en aucun cas être un phénomène naturel. Elle résulte des effets conjugués d’incompétence, de promesses électorales non tenues et des pratiques excessives et mal pensées. L’on remarquera en passant qu’on ne fait pas disparaître magiquement les réalités auxquelles correspondent certaines habitudes sous l’hémicycle. On imagine ainsi le gâchis causé par un tel manquement. Mais une chose est sûre: dans le contexte actuel, la réhabilitation du Parlement est devenue un impératif incontournable. Ça ne pouvait plus durer. Les déceptions et les échecs surgissaient de toutes parts et dans une institution qui n’en est plus une, on en a vu de toutes les couleurs.

Depuis quelque temps, l’on ne cessait de parler de réédification. De rétablissement de valeurs. Mais c’était compter sans les dépassements de députés qui ont failli à leur tâche et qui n’ont jamais été à la hauteur de la responsabilité qui leur incombe. Ce qui a conduit à faire des débats et des plénières une alternative qui se plie à toutes sortes de pratiques étrangères aux champs des compétences et des valeurs sûres.

Tenir aujourd’hui une comptabilité sur les dérives des députés, les manquements et les erreurs avérés, ce qui aurait dû être accompli, ce qui risquait encore de compromettre leur mission, relève d’un exercice de haute voltige. Il y a matière à discussion sur tout ce qui a été entrepris à ce niveau. De façon générale, la plupart des élus pour lesquels le peuple a quand même voté transpirent, dégagent et produisent un environnement qui est loin de répondre aux véritables exigences du pays, notamment en cette période de crise sanitaire. On avait l’impression qu’ils évoluaient dans un monde à part où on ne voyait pas comment ils se déployaient sans se tromper.

Entre pas de vision, ou une vision trop étroite, ils s’étaient quelque part perdus. Ils se trompaient souvent, pour ne pas dire toujours, de conjoncture et d’opportunité. Le modèle parlementaire tunisien naviguait à contre-courant. Les horizons manquaient pour des élus constamment sous l’emprise de démons intérieurs et qui ne sont autres que les intérêts personnels et partisans.

L’autre versant d’une pareille déformation réside dans la transformation des débats parlementaires en une activité sur fond d’abandon progressif des grands principes au profit des approches individuelles, où n’intervenaient depuis des années que les intrus et les inopportuns sur des projets qui sont loin de répondre aux aspirations du peuple et qui ne prennent pas en considération l’intérêt, ni la réalité du pays, ainsi que les exigences et les craintes économiques et sociales.

Cette situation nous amène à constater que les insignifiances et les dérives n’étaient plus une affaire marginale au Parlement, mais qu’elles concernent des élus qui n’arrivent pas à se rendre utiles, et dont le mode de comportement faisait ainsi système.

On réalisait ainsi que le Parlement allait droit dans le mur ! On pourrait aujourd’hui comprendre dans leur appréciation ceux qui soutiennent Saïed et ses décisions, particulièrement à travers les dérapages de plus en plus inquiétants de l’institution parlementaire… Mais cela ne nous empêche pas de nous interroger sur la suite des événements. Il reste à se demander comment la Tunisie réussira à dépasser cette épreuve alors que la situation économique, sociale et sanitaire est au plus mal.

Nous continuons à croire que la révolution tunisienne a encore de l’avenir, même si elle n’emballe pas comme avant et comme on aurait pu le souhaiter.

Dans un contexte pareil, il n’y a pas de plus réconfortant, de plus soulageant que l’authenticité et les valeurs qui sentent si bon la Tunisie et qu’on continue à aimer et à vénérer plus que tout. La révolution tunisienne s’est taillé une réputation éternelle et ceux qui y croient sont chaque fois de plus en plus nombreux à y revendiquer les motifs de réussite. Ils construisent une cause qui est celle de combattre la corruption et les corrompus. C’est l’assurance pour le Président de la République de mobiliser le peuple dans une ‘’tension’’ fondamentalement plaisante. Ici et plus qu’ailleurs, on ressent un peu plus le poids de l’histoire. C’est dire à quel point on aurait besoin aujourd’hui d’éveiller la conscience de ceux qui croient toujours au travail qui doit s’accomplir à ce niveau. Combien ils devraient en prend la mesure.

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