Laisser-aller et impunité

Dans un paysage politique marqué, le plus souvent, par un dérèglement et une intempérance, les différentes parties prenantes ne manquent pas, chaque fois que l’occasion se présente, de laisser entrevoir une incapacité singulière à proposer des alternatives, encore moins des solutions à la crise politique. La conclusion à laquelle nous sommes arrivés est que les différents acteurs concernés de près ou de loin par la chose publique naviguent à contre-courant. Les horizons manquent. L’exhibition de prototypes politiques et même humains fait sens à un environnement exposé de plus en plus aux aléas et aux manquements en tous genres. Quand un député démissionnaire de son parti et dont les activités sont gelées se permet d’accuser le Président de la République  de « haute trahison» et d’appeler les Tunisiens à la «désobéissance civile» et à «s’abstenir de payer les impôts et les taxes», on déduit que  faute d’éducation politique, le sens exacerbé des uns et des autres, souvent surmultiplié par le milieu ambiant, a transformé ce qui n’est qu’une activité politique en moyen d’expression des réactions les plus inconséquentes. Le dérapage prend ainsi une nouvelle signification et toutes les lignes rouges sont dépassées.

Il y a, en fait, des comportements qui sont difficilement explicables. On regrette qu’une bonne partie de la classe politique rate l’occasion de se taire quand le silence devient parfois non seulement conseillé, mais aussi et surtout exigé. Pareille déficience ne reflète pas uniquement les transgressions qui empêchent certains à préserver un niveau respectable, mais elle traduit une démarche caractérisée dans tout ce qui a rapport à l’immodération et au renoncement. Dans les choix et les rôles stratégiques, dans la mise en place des dispositions morales et éthiques, beaucoup de choses sont encore à revoir dans le paysage politique installé depuis 2011 dans une montagne de dérives et marqué par la dégringolade continue des valeurs et des principes. Il n’y a plus, pratiquement, de partis qui évoluent avec une référence claire.

La dernière décennie de l’histoire de la Tunisie a été propice à l’émergence et à la prolifération des intrus. Elle constitue encore un exemple révélateur de la dévalorisation comptable des ressources et du capital humain. Privés de discernement, mais aussi de visibilité, les différents acteurs politiques ont pris l’habitude de céder aux positions les plus désagréables et les plus choquantes. Le réflexe acquis, ils sont restés dans leur bulle et se voient plus grands qu’ils ne le sont. Ils désolent plus qu’ils n’inspirent. Ils n’ont que très peu, sinon jamais, compris ce qui est demandé, voire exigé, dans l’après-25-Juillet. Il est vrai que les manquements ont germé dans le bouillon du laisser-aller et de l’impunité. Et cela est devenu  impérieux pour la Tunisie et pour ses fondements.

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