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Ce que ne dit pas la BCT

Lors de sa dernière réunion, le Conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie a exprimé sa préoccupation concernant le tarissement aigu des ressources financières extérieures, face aux besoins importants pour boucler le budget de l’État pour l’année 2021. Il a souligné que la dégradation des finances publiques, pâtissant de leur situation vulnérable, ainsi que la hausse des cours internationaux du pétrole, sont de nature à compromettre la soutenabilité de la dette publique, outre les effets négatifs de l’accroissement de l’endettement du secteur public auprès du système bancaire, sur sa capacité à financer les opérateurs économiques.      

Ce cri de détresse lancé par la BCT reste figé dans l’analyse économique et financière technique, sans toutefois pointer du doigt les causes réelles ayant conduit à cette sinistrose inquiétante des finances publiques. En effet, pour baliser la voie à la relance économique, il faut identifier les facteurs qui ont impacté négativement l’activité économique dans le pays pour attaquer le mal et le combattre frontalement.

Certes, il y a eu la pandémie avec ses effets insoupçonnés sur tous les secteurs d’activité, mais il y a eu aussi le blocage des négociations avec le FMI et la Banque mondiale, la dégradation de la notation tunisienne qui met à mal l’accès au financement extérieur. Mais il ne faut pas oublier que l’opinion publique a opposé, pendant vingt ans, une glaciale indifférence à l’égard des conséquences ravageuses de l’accord d’association avec l’UE (entré en vigueur en 1995), notamment sur l’emploi, le développement, la protection sociale et les équilibres financiers du pays. Pourtant, dès son activation, cet accord a contribué au démantèlement tarifaire sur les produits industriels, à la recrudescence du chômage, au déficit de la balance commerciale en faveur de l’Union européenne, à l’amplification de l’endettement, ainsi qu’à l’évasion des capitaux.

Selon les spécialistes, la Tunisie a perdu 55% de son tissu industriel à cause du démantèlement tarifaire et plus de 500  mille postes d’emploi. Entre 1996 et 2008, la Trésorerie générale de la Tunisie aurait perdu près de 24 000 millions de dinars, soit 2 000 millions de dinars par an, du fait du manque à gagner en matière de taxes douanières non appliquées sur les marchandises européennes.

Mais le pire a commencé en 2011 quand la Troïka avait pris le pouvoir pour faire main basse sur tous les secteurs de l’activité économique. On gardera en mémoire la notable érosion du pouvoir d’achat du consommateur tunisien, estimée à 40% et qui continue à galoper à  10% par an, creusant davantage le lit des disparités pour étaler la pauvreté à plus de 21% de la population.

La classe moyenne s’est également réduite de 80 à 67% de la population au cours des quatre dernières années. C’est que la situation de l’économie  nationale a poursuivi son repli à un rythme plus accentué depuis 2013, marquée par une baisse de l’activité dans les principaux secteurs, notamment ceux de l’industrie et des  services.  L’effet de ciseaux s’est rapidement fait sentir suite aux actes terroristes qu’a connus notre pays durant 2015.  En effet, les dépenses pour le renforcement de l’appareil sécuritaire et de défense ont atteint 1 125 MDT, soit l’équivalent de 1.8% du PIB (2015). 

En même temps, cette augmentation a été faite au détriment du développement économique et social. Ce sont aussi 3 600 emplois qui disparaissent chaque fois qu’un acte terroriste, comme celui du Bardo ou de Sousse, nous frappe. S’ensuivit une année maussade pour le tourisme à tout point de vue.

Et puis, les crises politiques successives qui ont fissuré l’édifice du pouvoir qui nous ont fait entrer en zone de turbulences. Sans bien vraiment comprendre, on sort les parapluies et on croise les doigts pour que la casse ne soit pas trop importante.  On a coutume de dire que lorsqu’on s’attend au pire on n’est jamais déçu…

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