La maîtrise de la parole en public revêt une grande importance pour tout le monde, que dire des gouvernants. Celle-ci met sur la balance leur légitimité et leur avenir politique pourrait même en dépendre.
Des promesses électorales à celles dites, comme maintenant, à l’heure des crises politiques et des épidémies, la parole publique est le premier signal émis par un haut responsable à l’adresse de l’opinion pour la persuader de l’utilité des choix faits, des démarches entreprises.
Pour se soustraire de la réalité immédiate, le recul étant souvent de bon conseil, on remonte à la Tunisie de 2010. Et là, l’on constate à quel point les discours prononcés par Ben Ali, les mots employés et le ton utilisé avaient eu raison de lui et du pouvoir qu’il a exercé sans partage durant plus de deux décennies consécutives.
L’on se souvient comment tout un peuple était suspendu à ses paroles, attendant une condamnation sans équivoque des agissements de la belle-famille. Qualifié de trop peu et trop tard, le récit présidentiel ratant sa cible a fini par sonner le glas du «benalisme». Les Tunisiens sont descendus dans la rue proclamant un départ non négociable, à travers, là encore, un mot : dégage !
La parole en politique est un instrument de mesure fiable aux yeux des électeurs et plus largement des citoyens, quand ceux-ci ont voix au chapitre. Le cas contraire, ce ne sont que des sujets acculés au mutisme et à l’approbation systématique et passive. La parole est alors accaparée par un seul groupe, au service d’une démagogie, voire pire.
Ainsi, les mots peuvent propulser un gouvernant haut dans l’estime de son peuple ou le faire tomber si bas, au point de ne plus pouvoir se relever. L’exemple de Ben Ali, encore une fois, est édifiant.
Quand un peuple se détourne de son chef, il est difficile de le faire changer d’avis. L’attrait qu’un homme ou une femme politique peut exercer, son charisme et son maniement du verbe, à l’ère de la com à outrance, sont un catalyseur opérant dans deux sens contraires : être à l’origine de la gloire ou d’un irrémédiable revers.
Evidemment, la bonne gouvernance associée à l’intégrité, le sens du devoir et la compétence sont les critères ultimes et la clé de la réussite d’une carrière politique. Mais c’est bien un autre sujet.