Le pays vit une situation critique et, en même temps, inédite. Aussi bien au niveau social qu’économique, le citoyen est pris entre deux feux. Il y a, d’un côté, un pouvoir qui essaie de colmater les brèches et, de l’autre, un contre-pouvoir (voire un vrai pouvoir parallèle soutenu par une mafia bien infiltrée dans les rouages de l’Etat) qui pèse de tout son poids pour freiner toute tentative de sortir de l’impasse.
Tous les indices sont là qui montrent que ce qui se passe n’a rien d’innocent ni de fortuit. Tout est, malheureusement, mené de main de maître. L’orchestration des pénuries n’échappe à personne. La coïncidence et le timing de ces cascades de pénuries, la flambée générale des prix, les gesticulations suspectes de certain(e)s parti(e)s, l’exploitation de certains mouvements sociaux à des fins partisanes ou corporatistes, etc. vont dans le même sens. A savoir, celui qui consiste à semer la pagaille et le chaos.
Les mafieux jouent et gagnent
Les bénéficiaires de cette situation tant espérée sont connus. Il s’agit, ni plus ni moins, de ceux qui ont été écartés mais qui tiennent toujours bon dans l’espoir de revenir aux commandes du pays. D’ailleurs, l’un des meneurs de ces mouvements de protestation contre le pouvoir en place l’a crié à la face d’un agent de police (qui faisait son travail lors de ces manifestations). Il lui a dit: “J’étais ministre et je le redeviendrai !”. Cela en dit long sur les véritables intentions de ces inconsolables contestataires.
Ces individus qui symbolisent l’échec aux yeux du peuple tunisien ne veulent pas admettre leur faillite et leur incompétence. Ils osent même prétendre qu’ils parlent au nom de ce peuple qui ne les a, jamais, mandatés. Aussi, n’hésitent-ils pas à se mettre au service de la mafia et des réseaux qui visent à affamer les gens. Dans leurs nombreux rassemblements et apparitions dans les médias, ils n’ont jamais fait allusion aux souffrances quotidiennes du peuple ni critiqué les pratiques mafieuses des spéculateurs et des contrebandiers. La question de la disparition de la plupart des produits de consommation de base ne les concerne pas outre mesure. Ces points ne figurent pas dans leurs agendas. On peut penser que cette situation les arrange et qu’elle leur serait plus profitable dans la mesure où elle pourrait ajouter de l’eau à leur moulin. La lassitude des citoyens étant à son comble, ils pourraient en tirer profit en instrumentalisant leur colère.
Les pénuries alimentaires se multiplient et touchent chaque jour de nouveaux produits. Le consommateur est tout aussi impuissant que l’Etat. Il ne fait que constater les dégâts sur son budget et sur sa santé.
Mais ce qui est étonnant et bizarre, c’est que les pénuries en question touchent, surtout, les produits dont le consommateur a besoin dans sa vie de tous les jours. C’est ainsi qu’il ne trouve plus son pain quotidien ou il est forcé de l’acheter plus cher ou en attendant dans les longues files d’attente. L’huile subventionnée n’existe que sur le papier ou dans les communiqués officiels. Le sucre en poudre alimente les stocks des ateliers d’emballage des sachets destinés à être servis dans les cafés ou utilisés par les pâtisseries ou les hôtels. Quant à la semoule ou à la farine, elles sont monopolisées par des parties qui ne cherchent que leurs intérêts. Le même sort est réservé à d’autres produits de première nécessité. Ce qui ne manque pas d’intriguer, c’est de constater que, malgré toutes les saisies de marchandises et les multiples descentes dans des entrepôts, les autorités ne parviennent pas à juguler le phénomène ni à arrêter ce raz-de-marée qui envahit tous les circuits et qui confirme, encore une fois, la puissance de ces réseaux. Car il faut le savoir, il ne s’agit pas de lutter contre une mafia en utilisant une législation classique surannée. Il faut des moyens exceptionnels qui s’appliquent dans la situation exceptionnelle dans laquelle vit notre pays.
Les autorités chargées de lutter contre ces fléaux connaissent, en principe, tous les rouages. Elles savent où va l’huile détournée, elles connaissent ceux qui profitent de la farine ou du sucre. Elles savent, également, que des réseaux de contrebandiers opèrent tranquillement entre les frontières du pays. En somme, toutes les données sont, théoriquement, entre les mains des autorités compétentes. Il ne reste qu’à prendre, vigoureusement, le taureau par les cornes.
Le Tunisien ne peut plus attendre des solutions qui ont montré leur inefficacité face à des organisations criminelles bien structurées et qui semblent bien fonctionner.
Réalité des prix
Parmi les solutions radicales, tout le monde sait que l’administration dispose des statistiques nécessaires concernant les familles à revenus faibles ou moyens. D’autres données peuvent être utilisées pour mieux cibler les vrais bénéficiaires des subventions. Cela fait des années que l’on parle de la refonte et de la réforme du système de compensation. Mais on s’arrête, toujours, à mi-chemin. Pourtant, il devient, de plus en plus, urgent de passer la vitesse supérieure. L’idée de passer à la pratique s’impose. La réalité des prix peut être concrétisée moyennant une stratégie bien étudiée qui tiendrait compte de toutes les contraintes sociales et budgétaires.
En mettant en œuvre la réalité des prix pour des produits de première nécessité comme le pain, la farine et tout ce qui est pâte huile subventionnée, sucre…, on coupera l’herbe sous les pieds des spéculateurs et des trafiquants. A cet effet, une liste des produits concernés pourrait être élaborée. Toutefois, il faudra se garder de laisser des failles susceptibles d’ouvrir la voie devant de nouveaux profiteurs.
L’application de ces mesures doit s’accompagner, impérativement, d’augmentations salariales pour les catégories sociales éligibles. Sur ce point, on pense à tous les salariés sans exception. Tant ceux du secteur public que privé. Il est possible de fixer un plafond pour leurs salaires pour éviter de créer des injustices.
Ces augmentations doivent être mensuelles et équivalentes à au moins le tiers du Smig et selon la taille de chaque famille. Les cas spécifiques seraient étudiés à part. Quant aux ressources financières, elles seraient prélevées du budget réservé à la Caisse générale de compensation. En outre, un suivi de l’évolution de l’application des dispositions adoptées serait de nature à introduire les correctifs nécessaires.
En vérité, il n’est plus question de rester dans un état d’attente et d’indétermination. Plus on agit dans le sens de la recherche d’une solution radicale aux problèmes des produits subventionnés, plus on s’offre les moyens d’aller encore plus loin dans les efforts de développement et de progrès.