Le baril de pétrole s’approche des 100 dollars, un niveau jamais atteint depuis septembre 2014 : Un gros risque financier pour la Tunisie

Alors que l’économie nationale connaît de grandes difficultés et que les finances publiques sont carrément asphyxiées par des pressions budgétaires énormes, les mauvaises nouvelles se succèdent pour la Tunisie. Si les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) sont actuellement au point mort, une nouvelle donne vient enfoncer le clou concernant l’équilibre des finances publiques. Certains commencent à évoquer un naufrage financier pour l’économie nationale.

Actuellement, le monde entier retient son souffle et suit de près ce qui se passe en Ukraine, là où la situation risque de basculer dans une guerre totale à tout moment. Un contexte qui a fait envoler les prix de vente du baril de pétrole, d’où un gros risque financier pour l’Etat tunisien.

En effet, avec une hausse de la demande et une offre limitée, les cours continuent de grimper, dopés notamment par la crise ukrainienne. S’approchant de plus en plus des 100 dollars, un niveau qu’ils n’avaient plus atteint depuis septembre 2014, les cours du pétrole pourraient enfoncer le clou en Tunisie, sanctionnée par une stratégie de subvention de l’énergie devenue obsolète.

Si les sanctions contre la Russie, imposées par de nombreux pays, risquent de perturber les approvisionnements, ce pays reste le deuxième producteur et exportateur mondial de pétrole, derrière les États-Unis, mais devant l’Arabie saoudite.

Fin 2021, ses extractions étaient de 10,5 millions de barils par jour, soit environ 9,5% de la demande mondiale, une arme géopolitique de taille.

D’ailleurs, selon les experts de Bloomberg Economics, la flambée des prix du pétrole risque de porter un double coup dur à l’économie mondiale. L’augmentation des prix de 70 dollars en décembre à près de 100 dollars fin février accélérera l’inflation aux États-Unis et en Europe d’un demi-point pour cent supplémentaire d’ici le second semestre.

Quelles sont donc les répercussions sur la Tunisie qui dépend largement de ces cours du pétrole ? Comment amortir le choc alors que les finances publiques sont à leur plus bas niveau et que les négociations avec le FMI piétinent encore et toujours ?

Peut-on éviter le pire ?

Amine Ben Gamra, expert-comptable et commissaire aux comptes, craint le pire. Il a rappelé que le budget de l’Etat pour l’année 2022 a été élaboré en adoptant un prix de référence du baril de pétrole (Brent) de 75 dollars et doute de la capacité de la Tunisie à éviter un choc financier.

«Dans une économie qui reste convalescente, la capacité d’absorber un choc pétrolier est très limitée, même un choc de faible ampleur. Une augmentation d’un dollar du prix du baril de pétrole représente un surcoût de 142 millions de dinars (MD) pour le budget de l’Etat», a-t-il averti.

Il estime dans ce sens que l’augmentation des prix du pétrole à l’échelle internationale va ajouter des pressions supplémentaires sur le budget du pays, enfonçant le clou dans le système de subvention des énergies, constituant déjà un point de discorde avec le FMI.

Même son de cloche chez l’économiste Ridha Chkoundali qui estime que si le prix du baril dépasse les 75 dollars, la Tunisie fera face à des pertes de 129 millions de dinars, soit un déficit de près de 3 milliards de dinars, ce qui pousserait probablement le pays à augmenter le prix du carburant et accélérer le mécanisme de régulation des prix.

Selon ses dires, c’est toute la politique de subvention qu’on doit revoir tout en préservant les classes sociales les plus démunies. «Si les tensions entre les deux pays se poursuivent, les prix des produits de base peuvent également augmenter. Le marché fera même face à une pénurie de ces produits pendant le mois de Ramadan», a t-il mis en garde.

En Tunisie, les prix des carburants sont mensuellement ajustés en vertu d’un arrêté ministériel, paru le 3 avril 2020, au Journal officiel de la République tunisienne (Jort). L’article 5 de cet arrêté stipule que la valeur de l’ajustement mensuel du prix de vente au public n’excède pas le taux de 1,5% du prix de vente en vigueur depuis le dernier ajustement, que ce soit à la hausse ou à la baisse.

L’objectif à long terme étant de lever définitivement la subvention du pétrole et d’opter pour un mécanisme automatique d’ajustement des prix de vente à la pompe. Sauf que ce processus vers lequel pousse le Fonds monétaire international s’annonce périlleux et pourrait provoquer une crise sociale sans précédent au vu de l’effet d’entraînement du secteur des énergies en Tunisie.

En effet, ce mécanisme devrait obéir à ceux utilisés dans de nombreux pays. Il devrait reposer sur les cours du baril qui se répercutent ainsi sur le prix des carburants. Dans cette logique, si le prix du baril obéit à une tendance baissière, cela se répercutera sur les prix à la pompe, qui devraient baisser.

Les énergies renouvelables, une alternative ?

Pour essayer de limiter cette dépendance à la fluctuation des prix du pétrole à l’échelle internationale, la Tunisie envisage d’améliorer son mix énergétique en renforçant les projets d’énergies renouvelables. La Tunisie connaît, depuis la dernière décennie, un déficit structurel dans la balance énergétique. En effet, ce déficit a atteint près de 5. 2 millions de tonnes équivalent pétrole (Tep) en 2020, soit l’équivalent de 57% du total de la consommation d’énergie au cours de la même année. Cet état de fait est dû au déclin naturel des ressources nationales de pétrole et de gaz d’une façon sensible, outre l’augmentation de la demande en énergie primaire.

Dans cet objectif, plusieurs projets ont été lancés pour contribuer à réduire la consommation d’énergie dans les entreprises publiques par exemple, et limiter la subvention des énergies.

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