Sociétés pétrolières installées en Tunisie: Quand la bureaucratie pousse les compagnies internationales à partir 

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Après l’ENI, EnQuest, Shell, Petrofac, Medco, Gulfsands Petroleum, la canadienne Zenith Energy est sur le point de déclarer forfait après trois années de calvaire avec les formalités administratives fastidieuses qui l’empêchent d’entamer la réhabilitation de son champ de Sidi-Kilani et la réalisation de nouveaux forages pour dynamiser progressivement sa production.


Dans le cercle des compagnies pétrolières internationales, la Tunisie n’est plus un site favorable à l’investissement. Et ce pour au moins deux raisons. La première réside dans le fait que nos gisements ne sont pas très rentables, car leur production est faible. La deuxième est que l’instabilité politique et sociale est un facteur peu propice à assurer une production régulière à cause des grèves, des sit-in et des blocages des sites d’exploitation.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle d’autres compagnies pétrolières envisagent de fermer et cesser toute activité chez nous. Ce qui est grave, c’est que la cause du départ des enseignes étrangères ne se limite pas uniquement aux troubles sociaux et à l’instabilité politique qui prévalent dans le pays. En effet, ces investisseurs avaient d’emblée affiché leur solidarité avec un pays en transition démocratique et manifesté leur disposition à participer à l’effort de relance de son économie. D’ailleurs, plusieurs enseignes ont érigé la responsabilité sociale de leurs entreprises en tant que valeur et contribué autant que possible à améliorer le cadre et la qualité de vie des employés et des habitants dans les régions où elles sont implantées.

Le blocage vient de l’administration

Pourtant, l’Etat qui, dans les forums et les tribunes internationales ne cesse de multiplier ses messages à l’adresse des investisseurs étrangers, mettant en avant les acquis de la Révolution, est sur le terrain peu enclin à se ranger du côté des investisseurs déjà en activité dans le pays. Ils sont livrés au bon vouloir des tracasseries de l’administration en termes d’autorisations. Ainsi, les gouvernements successifs ont montré une indifférence glaciale face aux problèmes administratifs dans lesquels se débattent seuls ces investisseurs. En effet, cette attitude a poussé des partenaires historiques à revoir leurs engagements en Tunisie. Les conséquences ravageuses du départ de quelques enseignes se sont vite fait ressentir, notamment sur l’emploi, le développement et les équilibres financiers du pays.   

Il est cependant à noter que la Tunisie, en termes de ressources naturelles, a toujours au moins 50% qui reviennent au pays d’une façon ou d’une autre à travers l’Etap et les revenus des impôts. Et même dans le cas exceptionnel de British Gas dans le champ Miskar où l’Etap n’est pas actionnaire, les revenus de l’Etat sont de 50%. Ce qui fait que chaque baril produit en moins est une recette en devises qui est perdue pour l’Etat.

C’est d’ailleurs pourquoi l’année 2019 a été marquée par la reprise des activités d’exploration dans le domaine des hydrocarbures, où près d’une trentaine de permis ont été octroyés, après être passés de 52 permis en 2011 à 21 en 2018. Il n’empêche que ces signes d’amélioration de l’investissement dans le secteur des hydrocarbures, qui sont censés  restaurer la confiance des investisseurs, ont vite volé en éclats puisque les déboires avec l’administration ont pris le relais de celui des contestations sociales avec blocage des sites de production.

Le calvaire de Zenith Energy

Parmi ces compagnies pétrolières, la canadienne Zenith Energy, qui s’est lancée depuis quelques mois dans une série d’acquisitions stratégiques dans notre pays, où elle veut s’établir en tant que producteur de premier plan d’hydrocarbures au cours des prochaines années. Dans ce cadre cette compagnie, coté à la bourse de Londres et qui a un rating international de B, a acquis la totalité des actions détenues par le groupe Candax dans le capital de la compagnie Ecumed Petroleum Zarzis, titulaire de la Concession d’exploitation Ezzaouia, conjointement avec l’Entreprise Tunisienne des activités pétrolières (Etap) à hauteur de 45%.

Zénith Energy a par la suite acquis la totalité des actions détenues par le groupe Candax dans le capital de la société Ecumed Petroleum Tunisia Ltd, titulaire de deux concessions d’exploitation Robbana (Djerba) et El Bibane (au large du port de Zarzis dans le golfe de Gabès)  à hauteur de 100%.

Elle a par la suite acquis 100 % du capital social de la Cnpci Tunisia, une filiale du China National Coorporation qui a été renommé entre temps Canadian North African Oil and Gaz(Canog), titulaire de la concession d’exploitation Sidi El Kilani, conjointement avec l’Entreprise tunisienne des activités pétrolières (Etap) et Kufpec, ainsi que d’une participation de 22,5 % dans le permis de Kairouan Nord.

Néanmoins, malgré l’engagement de Zenith Energy d’investir dans des moyens de gestion technique en vue de la réhabilitation de son champ de Sidi-Kilani, et de la réalisation de nouveaux forages pour dynamiser progressivement sa production, elle fait face depuis de nombreux mois à la bureaucratie et à la rigidité de l’administration qui bloque son évolution et ses investissements dans notre pays.

D’ailleurs, ce problème de rigidité de l’administration et des délais d’attente imposés ne concerne pas seulement cette compagnie, mais tous les investisseurs étrangers dans le domaine de l’énergie qui demandent que les process soient simplifiés pour encourager les petites et moyennes entreprises énergétiques à venir s’installer en Tunisie.  Il y va de l’intérêt de notre pays qui a plus que jamais besoin de toutes ses ressources naturelles pour augmenter sa production nationale de pétrole et de gaz et diminuer son déficit énergétique qui ne cesse de s’aggraver avec tout ce que cela engendre comme conséquence sur l’économie tunisienne.

Pourtant, ce n’est que quand la reprise économique se renforcera et se diffusera pour rejaillir positivement sur une région qu’elle recommencera à créer des emplois et à redémarrer les investissements. L’emploi et la gestion de la précarité sont l’affaire de l’Etat et non celui des investisseurs étrangers. On ne le dira jamais assez, une Tunisie  exemplaire en matière d’institutions et de démocratie doit aussi être exemplaire en matière de développement, d’inclusion et de protection des intérêts de ses partenaires étrangers. Le message de détresse lancé par Zenith Energy devrait tirer de leur sommeil les responsables concernés. Il faut montrer aux investisseurs que malgré la noirceur et le doute sur l’avenir, il est possible de réussir et de retrouver les voies d’un avenir harmonieux.

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