La BCT relève son taux directeur pour maitriser l’inflation : Coup dur pour les ménages et les entreprises !

La décision de la BCT de relever son taux directeur de 75 points de base, le portant à 7%, va-t-elle contribuer à freiner l’inflation ? Pas si sûr si on se réfère aux analyses des économistes. L’universitaire Aram Belhadj pense même que cette mesure aura un effet contre-productif et portera atteinte au pouvoir d’achat et à la consommation des ménages tunisiens.

La situation économique dans le pays va de mal en pis. Si certains indicateurs commencent à se rétablir, les finances publiques sont dans l’impasse, un constat accentué par l’absence d’un programme de financement de la part du Fonds monétaire international (FMI).

Autant dire que l’actuel gouvernement est en train de déployer tous les efforts en vue d’éviter un naufrage économique, qui s’annonce pour certains économistes imminent. C’est dans ce contexte de précarité et d’instabilité économiques que la Banque centrale de Tunisie (BCT) a décidé de relever son taux directeur de 75 points de base, le portant à 7%. Pour rappel, ce taux directeur constitue, dans les différents pays, un outil de pilotage de l’économie. Il correspond principalement au taux d’intérêt qu’une banque centrale, comme la Banque centrale de Tunisie (BCT), applique aux banques commerciales pour un prêt ou un placement de liquidités. 

Dans la pratique, les banques commerciales peuvent obtenir un crédit auprès de la Banque centrale de leur pays lorsqu’elles manquent de trésorerie et nécessitent un refinancement. La Banque centrale leur facture alors des intérêts. A l’opposé, les banques commerciales déposent des liquidités dans les caisses de la Banque centrale quand elles possèdent un excédent de fonds. La Banque centrale rémunère ce placement.

Pourquoi la BCT a-t-elle procédé à cette décision en ce moment précis ? Quels sont les risques sur le tissu économique et financier mais surtout sur les ménages ? Les Tunisiens commencent à se poser des questions, alors que tout converge vers une prochaine phase économique assez difficile, notamment pour les familles tunisiennes qui dépendent de l’endettement, ce qui risque d’affaiblir davantage leur pouvoir d’achat.

Plus clairement, les banques commerciales répercutent les taux dont elles font l’objet pour leurs propres prêts et placements sur leurs clients, dont font partie les entreprises et les ménages. Ainsi, les taux directeurs influent sur le coût des crédits immobiliers et autres emprunts en tant que particulier. Concrètement, si les taux directeurs augmentent, les taux d’intérêt des banques commerciales grimpent aussi, et vos crédits deviennent plus chers. A l’inverse, si les taux directeurs baissent, les taux des banques commerciales diminuent, et le coût de vos prêts s’amoindrit.

En tout cas, pour la BCT, cette décision a été prise pour maîtriser la tendance haussière de l’inflation en Tunisie. «Ce taux a été relevé après l’examen des dernières évolutions économiques et financières et a pour objectif de contrecarrer les tensions inflationnistes prévues et surtout à freiner une accélération de cette inflation», indique dans ce sens le communiqué de la Banque des banques.

En d’autres termes, la décision d’augmenter le taux directeur intervient afin de faire face à la poursuite des pressions inflationnistes qui représentent un risque pour l’économie et une menace pour le pouvoir d’achat, nécessitant une prise de mesures appropriées pour réduire ses effets négatifs. Une telle mesure a également pour objectif de faire régresser le déficit courant de la balance des paiements extérieurs. Cette décision est applicable à partir d’hier mercredi 18 mai.

Vers une inflation à deux chiffres ?

Le taux d’inflation a poursuivi sa tendance haussière pour le quatrième mois consécutif, pour s’établir à 7,5%, au mois d’avril 2022 (en glissement annuel). La Banque centrale de Tunisie a confirmé cette tendance haussière ou accélération de l’inflation à 7,5%, soit le plus haut niveau enregistré depuis fin 2018, après avoir été de l’ordre de 7,2% en mars, 7% en février, 6,7% au cours du mois de janvier 2022 et surtout 5% en avril 2021.

La BCT a indiqué que cette remontée de l’inflation a pour origine l’accélération des prix des produits manufacturés qui ont augmenté de 9,3% et de ceux des produits alimentaires de 8,7% (contre 4,9% en avril 2021). On risque même de voir l’inflation atteindre des niveaux à deux chiffres dans quelques mois.

Selon les indicateurs de l’Institut national de la statistique, en un an, les prix de l’alimentation ont augmenté de 8,7 %. Idem pour les produits de première nécessité, les matériaux de construction et même pour l’énergie, les classes moyennes peinent désormais à faire leurs courses.

La décision de la BCT va-t-elle contribuer à faire face à cette situation ? Pas si sûr si on se réfère aux analyses des économistes. L’universitaire Aram Belhadj pense même que cette mesure aura un effet contreproductif et portera atteinte au pouvoir d’achat et à la consommation des ménages tunisiens. «C’est une mauvaise démarche adoptée par la BCT. Ses répercussions seront considérables sur les familles et les entreprises tunisiennes au vu de l’augmentation du taux des intérêts des crédits. Cela touchera directement le moteur de l’économie, la consommation», a-t-il averti.

Même son de cloche chez l’Organisation tunisienne de défense du consommateur qui a crié à une mesure ciblant directement le pouvoir d’achat des Tunisiens. Sa vice-présidente, Thouraya Dabassi, confirme également qu’une telle mesure, même si elle contribue à maîtriser relativement l’inflation, impactera d’une manière significative le pouvoir de consommation des Tunisiens.

Une tendance internationale 

Ces dernières semaines, et sous l’effet de la crise ukrainienne qui a provoqué une hausse sans précédent des prix des produits de consommation à l’échelle internationale, les banques centrales dans plusieurs pays ont procédé à la même mesure. Au Brésil, pour tenter d’enrayer une inflation inédite depuis presque vingt ans, la Banque du Brésil a relevé son taux directeur d’un point, à 12,75 %. Cette hausse, destinée à freiner l’inflation, risque de freiner la reprise de la première économie d’Amérique latine.

La Banque centrale de Pologne (NBP) a annoncé également le relèvement de son principal taux directeur à 5,25%, contre 4,5% il y a un mois, afin de freiner l’inflation qui a dépassé en avril 12%.

La Reserve Bank of India, la Banque centrale indienne, a annoncé une hausse inopinée de son taux directeur de 40 points de base, à 4,40%, le pays étant touché par une forte inflation, également en raison de la guerre en Ukraine.

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