Nabeul | Pèlerinage du Rebbi Yakoub Slama: Une «ziara» qui reprend des couleurs

Reportage & Photos – Par Abdel Aziz HALI


Après des années d’interruption, dans la foulée du pèlerinage de la Ghriba dans l’île de Djerba, la «ziara» du mausolée du Rebbi Yakoub Slama (Rabbi Ya’acov Slama) a repris de plus belle, avant-hier et hier, à Nabeul avec la présence de près de 400 pèlerins.


Durant deux jours (les 23 et 24 mai 2022), cinq bus touristiques pleins à craquer ont ramené près de 400 pèlerins israélites venus d’autres coins du globe (Europe, Amérique du Nord, Moyen-Orient, etc.) pour accomplir leur rite religieux : le pèlerinage du Rebbi Yakoub Slama au cimetière juif de la cité des potiers.

Dès leur arrivée, les pèlerins furent accueillis par une troupe locale de «Mezoued», dans le cimetière réservé à la communauté judéo-nabeulienne, où un buffet de bienvenue les attendait : des fruits de saison (nèfles, pêches, abricots, etc.), des fruits secs (noix, amandes, raisins secs, pois chiches, etc.), des biscuits traditionnels, de la boutargue [le caviar tunisien : rogue — oeuf — de mulet (nom binominal : Mugil cephalus) salée et séchée, recueillie quand les femelles sont pleines, «Haïm» du fameux «Fanfan» de La Goulette, «Boukha Boukobza» (une eau-de-vie de figues), des galettes de riz soufflé, des dattes, des boissons gazeuses (sodas, eau gazéifiée, etc.), des gressins, des biscuits salés, etc.

L’ambiance fut à la fois festive et solennelle, rehaussée par la présence du chef de la communauté judéo-nabeulienne, le revenant Albert Chiche et d’autochtones (citoyens nabeuliens de confession musulmane): de fervents défenseurs du vivre-ensemble.Le recueillement sur la tombe du Rebbi Yakoub Slama, les bougies symboliquement allumées, les prières et chants liturgiques entonnés et les distributions de «mendiants» sont non seulement le symbole vivant de la coexistence et de la tolérance que Musulmans et Juifs se vouent mutuellement sous nos cieux depuis plusieurs siècles, mais aussi une occasion pour se remémorer les liens de fraternité entre les deux communautés et entretenir la flamme d’une Tunisie plurielle.

«Rebbi Yakoub Slama est un grand talmudiste érudit, originaire de Tunis, où il enseigna dans la Yeshivah du vénéré Rabbin Raphaël El Fassi dont il fut le collègue après en avoir été le disciple. Il alla en 1733 pour quelque temps à Nabeul, chez sa fille épouse du Rabbin Mardochée El Guez, il ne tarda pas à y jouir d’une grande considération en raison de son savoir et de sa piété», souligne M. Chiche. «Après la mort du Rabin, survenue au cours de l’année 1774, il est devenu l’objet d’un culte populaire. De nombreux fidèles venaient, depuis, se recueillir sur sa tombe et faisaient appel à son pouvoir d’intercession auprès du Très-Haut pour obtenir la fin d’une persistante stérilité où la guérison d’une maladie rebelle et leurs vœux étaient exaucés», souligne Mme Monique Hayoun, organisatrice de cet événement. «En 1934, le Rabbin vint en songe à Monsieur Mardochée Karila, notable de la ville de Nabeul et lui demanda d’ériger un monument sur sa tombe.

M. Karila, homme pieux et sensible, érigea dans l’année même un mausolée au-dessus de la sépulture du Rabbin et en fit don à la communauté en l’invitant à organiser un pèlerinage officiel annuel chaque lendemain de la Pentecôte juive. Les revenus dudit pèlerinage ainsi que les dons qui seront faits sur la tombe du vénéré Rebbi Yakoub Slama profiteraient aux juifs de Nabeul, soit, les trois quarts au profit de la caisse de gestion de culte et au profit de l’école Talmud Thora», ajoute-elle.

Depuis, cette «ziara» se déroulait chaque année au printemps—même si au début des années 2000, cet événement fut organisé au mois d’août pour correspondre avec les vacances d’été—sous une affluence assez respectable de fidèles, qui venaient de tous les coins de nos contrées.Aujourd’hui, le pèlerinage du Rebbi Yakoub Slama renaît de ses cendres tel un phénix et espère s’inscrire dans la durée pour reprendre sa place de choix, dans l’agenda du tourisme religieux et spirituel du pays et dans le sillage de sa sœur aînée, la Ghriba. Pourvu que ça dure !

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