Rencontre de presse en marge des prix littéraires de la 26e édition du Comar d’Or : Des romans à la croisée des générations

«Une fois le livre édité, il n’appartient plus à son auteur, mais plutôt au lecteur» (Emna Belhaj Yahia)

Après la cérémonie dédiée à la remise des prix littéraires de la 26e édition du Comar d’Or marquée par le concert de l’Orchestre symphonique de Carthage, une rencontre de presse a été organisée avec les lauréats et les jurys du Comar d’Or 2022, mercredi 15 juin, à la Cité de la Culture à Tunis.  «Une façon de proposer aux critiques, aux journalistes et aussi au grand public de mieux appréhender et interroger les auteurs  primés et notamment les messages qu’ils ont voulu transmettre», a déclaré Lotfi Ben Haj Kacem, directeur général adjoint de Comar Assurances, lors de l’ouverture de cette cérémonie, tout en mettant en exergue la grande importance de pareilles manifestations dans la promotion du roman tunisien et la diffusion de la culture.

Une fois le livre édité, il n’appartient plus à son auteur, mais plutôt au lecteur dont l’interprétation des messages véhiculés par l’auteur est tributaire de plusieurs facteurs, ce qui explique les différentes lectures littéraires d’une même œuvre. A ce propos, Emna Belhaj Yahia (Romancière et philosophe tunisienne), qui a été primée pour son roman en français «En pays assoiffé», explique qu’il existe plusieurs façons de sentir et de recevoir les messages. A la croisée de plusieurs temporalités, de plusieurs générations, son héroïne  (Noujoum) s’interroge essentiellement sur l’origine du mal, la monstruosité. «Une grande question angoissante posée par un enfant à un adulte et à laquelle toutes les philosophies du monde n’ont pu répondre d’une façon convaincante», dévoile l’auteur de ce roman. Aucune piste ne pourra donner de réponse définitive.  La seule piste comme réponse est «l’absence de mot et la difficulté de bien s’exprimer».

Que de questionnements en suspens qui finissent par jeter l’anathème sur la carence de l’enseignement, sur l’école de l’indépendance qui a fait des miracles à un moment donné en dépit de quelques échecs. «Quand l’enseignement se dégrade, c’est toute la société qui devient une pourvoyeuse de mal et de dysfonctionnement. Plus rien ne s’explique», enchaîne magistralement l’autrice, Emna Belhaj Yahia.

Auteur du roman, « Nasrimé, d’Istanbul à Tunis »  (prix spécial du jury), Mélika Golcem Ben Redjeb (français) s’est inspirée de l’histoire vraie de son arrière-grand-mère, fille d’un grand ministre ottoman, qui a été kidnappée par vengeance en Turquie et a atterri à Tunis chez Lella Kmar comme esclave. Le destin en a voulu autrement et en a fait une princesse après son mariage avec le Bey du camp. Mais au-delà d’une histoire d’amour marquée par la relation de Nasrimé avec le chef des jeunes nationalistes tunisiens, l’autrice déplore ces tentatives d’occulter l’histoire des beys en Tunisie et met l’accent sur l’éveil du nationalisme tunisien incarné par Bourguiba et avant lui par «l’élite d’une bourgeoisie tunisoise et beaucoup de jeunes qui ont revendiqué la souveraineté et l’indépendance de la Tunisie».

La cérémonie a été riche en débats menés par le romancier et journaliste Ridha Kefi, en dépit de l’absence des auteurs des romans (arabe) primés à l’occasion des prix littéraires de la 26e édition du Comar d’Or. «On s’attelle aujourd’hui à encourager la lecture dans le pays en organisant ces concours et ces rencontres avec d’autres partenaires et à promouvoir le roman Tunisien en vue de garantir sa diffusion en dehors de nos frontières», a souligné Lotfi Ben Haj Kacem, dans son allocution de clôture.

Institués depuis 1977, les prix Comar d’Or récompensent chaque année la production romanesque en Tunisie. La vocation de ces prix est de soutenir et encourager la création littéraire en Tunisie par la récompense des meilleurs romans retenus par des jurys composés d’universitaires, journalistes, anciens lauréats du Comar d’Or.

Pour cette année, « En pays assoiffé » ( Français) d’Emna Belhaj Yahia a remporté le prix Comar d’Or et en ex aequo pour ce qui est du roman arabe « Al Asswya » de Mohamed Fattoumi et « La Cobanta » de Abdejelil Dayekhi. Le prix spécial du jury a été décerné à Mélika Golcem Belgacem pour son roman en français ” Nasrimé, d’Istanbul à Tunis ” et à  Salma Elyengui pour son roman en arabe ” Moukaab Robik”. Le prix Découverte a été décerné à Lamine Kallel pour son roman « La Battante »  (français) et  Walid Ahmed Ferchichi pour son œuvre  « Le Carnaval des trois singes » (arabe).

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