Ce n’est qu’un début et si les choses ne changent pas, nous aurons malheureusement à enregistrer de nouveaux drames.
Nos plages sont mal surveillées et le personnel assigné pour leur protection est dans l’impossibilité de le faire avec autant de rigueur que l’exige la situation. Les quelques maîtres-nageurs en poste sont en nombre insignifiant d’abord, démunis de bien des moyens adéquats, ensuite, pour assurer le maximum de sécurité, il faudrait, en effet, reconnaître qu’un maître-nageur est le premier recours…en attendant l’apport de ceux qui le secondent pour être vraiment efficace. La Protection civile a multiplié les communiqués et les annonces qui prévoient une mer agitée impropre à la baignade. Rien n’y fait, des inconscients font exactement le contraire de ce qu’on leur conseille et tiennent à faire trempette. Ils le paient de leur vie, car le drame qui touche tout le monde est à l’affût.
A qui la faute ?
Ce n’est pas à nous de le désigner. La famille en premier lieu si c’est un enfant. Mais si c’est un adulte, on se retourne tout de suite sur les conditions qui ont précipité le drame : y avait-il un maître-nageur ? Y avait-il l’équipement nécessaire ? Le sauveteur était-il du métier ? Et ait-il intervenu à temps ? Combien de temps a mis la Protection civile pour arriver sur les lieux ?
Autant de questions dont la majorité resteront sans réponse.
Il y a soixante ans…
L’Histoire ne pardonne pas. C’était mieux organisé il y a… soixante ans, grâce à la Protection civile et à feu Mustapha Mizouni qui exerçait au ministère de l’Intérieur et qui a été pendant de nombreuses années entraîneur de sauvetage des équipes de la Protection civile, ainsi que des clubs civils, établissements de loisirs et sur les côtes durant toute la saison estivale.
Mustapha Mizouni a été chargé de former des sauveteurs. Il parcourait les villes côtières, contactait les hôtels pour former ou recycler leurs sauveteurs en contrepartie de l’utilisation de leurs piscines. Dans sa voiture, il avait tout l’attirail dont il avait besoin : bouées, mannequins et autres engins pour donner aux jeunes intéressés par cette fonction les rudiments du métier (c’est en effet, un métier et non une occupation saisonnière).
Formation et recyclage
Les jeunes qu’il formait, il veillait à les convoquer pour les recyclages et la remise en condition. Cela ne s’arrêtait pas là. Mustapha Mizouni parcourait les plages et donnait des cours de sauvetage au public. Déclencher le réflexe des premiers secours est une priorité pour tout un chacun, dans ces cas urgents dans l’attente de l’arrivée des spécialistes. Et tout allait bien, surtout qu’il avait réussi à convaincre les responsables de l’époque, au sein des municipalités, à recruter ces jeunes qui exerçaient en qualité de maîtres-nageurs sauveteurs en été, et faisaient autre chose durant le reste de l’année. Pourquoi a-t-on changé une dynamique qui avait donné ses preuves ?
Il y a une fédération
Pourtant ce secteur a été considérablement renforcé avec l’avènement d’une fédération qui avait toute la latitude, les moyens et les connaissances pour former sur des bases solides ces sauveteurs. La fédération concernée (Fédération des activités subaquatiques de Tunisie) a été suspendue pour des faits qui n’ont jamais été prouvés et n’a repris son activité qu’avec l’arrivée de l’actuel ministre.
Passons…
Lorsque des décisions sont prises sous la pression de simples états d’humeur, il y a toujours des drames. Et c’est le cas actuellement. Nous avons entendu parler de ces drames, mais le premier responsable de tout ce secteur (formation, recrutement, recyclage, affectation, équipement etc…) saura-t-il remonter aux causes réelles ? Ils le feront peut-être. Peut-être pas.
Et l’année prochaine nous revivrons les mêmes naufrages que subit cette «responsabilité» que l’on dilue et qui est porteuse de conséquences tragiques.
Sauver est un métier
Nous n’avons jamais cessé de le répéter depuis des années. La préparation de la saison estivale ne se limite pas à nettoyer les plages; poser de nouvelles poubelles et donner plus d’attrait au sable. Les municipalités se doivent de former et de recycler leurs maîtres-nageurs sauveteurs. Ces hommes ne devraient en aucun cas être des saisonniers, mais des agents disponibles et intégrés au sein de ces organismes. Ils doivent s’entraîner toute l’année, perfectionner les gestes clefs de leurs interventions, et surtout se maintenir en condition.
Pour éviter des recrutements supplémentaires, les municipalités pourraient redéployer des fonctionnaires intéressés et qui seront motivés par des primes de fonction durant la saison estivale. La formule est à trouver pour répondre à ce besoin vital de personnel spécialisé et convenablement formé.
La Protection civile
Elle ne peut pas tout faire et être partout, alors qu’il y a 1.300 km de côtes. Sans compter les lacs, les grands barrages, les barrages collinaires, les fleuves et autres. Mais nous pensons sincèrement qu’elle est en mesure de reprendre en main la responsabilité de former, recycler et préparer comme il se doit des hommes capables de lui donner un coup de main, conformément à un programme d’action, en s’appuyant sur les fédérations concernées et en exigeant spécialisation et professionnalisme. Nul ne peut se prévaloir du titre de maître- nageur sauveteur sans un diplôme agréé et assujetti à des conditions particulières que les communes et municipalités sont tenues de respecter. Un candidat saisonnier, dans les cas difficiles, risque autant sa propre vie que celle qu’il sera appelé à sauver. On ne semble pas se rendre compte de l’importance que revêt cette question avec des activités estivales plus nombreuses et des touristes qui affluent en nombre.
Combien de maîtres-nageurs sauveteurs sont-ils intégrés professionnellement et quel est le nombre de ceux qui viennent pour gagner quelques sous en été ?
Combien se sont-ils recyclés et sont en bonne condition physique ?
De quels équipements disposent-ils ?
Quel est leur nombre par rapport aux kilomètres de plages qui sont fréquentées à la même heure ?
Alors qu’il y a des vies humaines en jeu, il est indispensable de faire appel à sa conscience pour ne pas tricher et fuir ses responsabilités en répondant à côté de ces questions…