« L’engagement en RSE est un cheminement exigeant mais payant dans la durée. S’y engager, c’est d’abord chercher à valoriser ses initiatives mais également coordonner les efforts en matière de RSE et en développement durable des entités et acteurs, pour mutualiser les pratiques actuelles et promouvoir des engagements communs ». Meriem Ben Boubaker, directrice du contrôle de gestion / experte dans le domaine du management de la performance, revient dans cette interview sur l’adoption et l’intégration des politiques RSE au sein des entreprises.
Quelle est votre perception de la politique RSE en Tunisie ?
Aujourd’hui, face à l’urgence climatique, à la pression légitime des jeunes générations, aux crises sanitaires et au conflit géopolitique, la nécessité de transformer nos modèles économiques s’impose à tous. A cet effet, l’ensemble du tissu économique a pris conscience que la transition vers une nouvelle économie, plus sociale, plus solidaire et plus responsable devient indispensable aujourd’hui. Dans cette période d’incertitude et d’enjeux multiples, les entreprises doivent oser, innover, continuer à produire, être rentables tout en s’inscrivant durablement dans une économie responsable. La Responsabilité Sociétale des Entreprises est un de ces leviers, et celui-ci ne sera efficace que si l’ensemble du tissu économique s’en empare, en coopération avec tous les acteurs de l’économie. Nous vivons sur un point de bascule, où chacun doit agir. Il est donc nécessaire de massifier nos actions et d’être en ligne avec l’exigence de Responsabilité Sociétale. De ce fait, nous devons promouvoir l’investissement socialement responsable qui implique que la conception et la mise en œuvre de l’investissement doivent reposer sur des critères aussi bien économiques et financiers que sur des considérations sociales, éthiques et environnementales. Le développement de l’investissement socialement responsable (ISR) est, de ce fait, considéré comme un objectif stratégique pour orienter le pays vers la promotion de la RSE. Quant aux entreprises, elles doivent mieux structurer leurs engagements RSE au service de la société et l’intégrer dans leurs plans stratégiques pour accompagner leurs transformations.
Comment évolue l’intégration de ce concept au sein des entreprises ?
Garantes de l’emploi, créatrices d’innovations, les entreprises sont celles qui contribuent le plus au développement durable des régions. Dans l’ensemble, les entreprises agissent et enclenchent des processus de transitions vers un modèle économique durable et innovant malgré les crises et les difficultés qui se succèdent. Certes, l’intégration de la RSE progresse dans les entreprises et la prise de conscience des enjeux liés à la RSE se développe mais nombreuses d’entre elles se limitent à des actions ponctuelles et disparates sans avoir formalisé leur démarche, ce qui représente un potentiel d’entreprises non négligeable qui devraient s’engager plus formellement dans la RSE. La conscience des enjeux et la mise en place d’une démarche semblent également liées à la taille de l’entreprise. Les plus grandes structures sont les plus avancées sur le sujet.
En revanche, les micros entreprises et TPE sont majoritairement en marge de la démarche. A ce jour, la RSE n’est plus un sujet de niche et pourtant la mobilisation reste d’actualité pour permettre aux dirigeants qui manquent de connaissances sur le sujet de ne pas rester en marge de celles qui ont déjà formalisé une démarche RSE. Selon les derniers résultats du baromètre de la RSE, publié récemment, les principaux freins au développement de la RSE sont le manque de connaissance du sujet, le manque de temps, le manque de moyens financiers, le manque d’équipe et le manque d’autonomie (appartenance groupe…). Aussi, certaines entreprises tirent un profit maximum de la notion de RSE alors qu’elles ne sont pas engagées, et ce, dans le cadre de leur communication, la moindre initiative philanthropique ou action en lien avec l’environnement est présentée comme l’engagement RSE des entreprises. Pourtant, celles-ci ne possèdent aucune politique ni stratégie RSE et elles sont encore très rares, celles qui ont réalisé un diagnostic RSE sur la base d’un référentiel reconnu en la matière. Elles sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses les entreprises qui s’autoproclament citoyennes, responsables ou encore engagées dans une démarche de RSE sans qu’on ne sache sur quels indicateurs s’appuient ces affirmations d’où l’importance de mesurer l’engagement d’une entreprise en matière sociétale et d’en rendre compte objectivement. La question des transitions écologique et sociétale n’est plus une option. Elle doit être au cœur de la stratégie des entreprises, et ce, quels que soient leur taille ou leur secteur. Il y a donc encore du chemin à faire !
Comment développer la démarche RSE dans nos entreprises ?
Souvent ,la RSE est basée sur la conviction personnelle du dirigeant mais de plus en plus d’entreprises la développent pour répondre aux attentes de leurs parties prenantes, qu’elles soient internes à l’entreprise (salariés) ou externes (clients, fournisseurs, actionnaires…). Le développement de la RSE est de plus en plus incité par les clients et l’ensemble de la population dont les attentes sont de plus en plus fortes. La RSE est désormais un moyen de se différencier et de capter des marchés. En effet, la mise en place d’une stratégie RSE permet de remédier à certaines faiblesses des entreprises en matière, par exemple, de traitement de leurs déchets, rejets ou émissions et leur permet par conséquent de s’engager sur la voie d’un comportement responsable et donc d’améliorer leur image de marque et de se démarquer de la concurrence. La RSE contribue également à la performance globale, car elle instaure un climat de confiance et de bienveillance entre les différentes parties prenantes de l’entreprise (salariés, dirigeants, fournisseurs, clients…). Une entreprise qui favorise le dialogue social, se soucie de son impact environnemental et des intérêts de ses sous-traitants, met toutes les chances de son côté. Meilleure perception des consommateurs, meilleure motivation des salariés, meilleure compétitivité, meilleur impact sur l’environnement et la société. Ainsi, les entreprises adoptant la RSE tireront certainement des avantages directs au niveau de l’efficacité opérationnelle de leurs activités, par exemple, par la réduction de la consommation d’énergie et des déchets et par leur recyclage systématique.
Entrer dans une démarche de RSE permet également d’identifier ses forces, ses faiblesses, ses risques et ses opportunités et, par conséquent, d’anticiper une gestion appropriée, ce qui permettrait de réduire l’impact en cas de réalisation des risques.
Y a-t-il une complémentarité entre le concept RSE et la gouvernance?
La RSE est un instrument de gouvernance de l’entreprise dans la mesure où elle vise à améliorer la résilience de l’entreprise dans les domaines suivants : la protection de l’environnement, les dimensions sociales ou encore le management. Elle permet d’améliorer les processus internes de l’entreprise à travers l’identification des risques et des faiblesses de celle-ci dans son management, sa gestion des ressources, ses processus de recrutement ou encore son impact social, et à trouver les leviers pour y répondre. Cela peut aussi entraîner une réduction des coûts environnementaux et des coûts sociaux.
La RSE contribue à la performance globale, car elle instaure un climat de confiance et de bienveillance entre les différentes parties prenantes de l’entreprise (salariés, dirigeants, fournisseurs, clients…). C’est également un vecteur de promotion de la paix sociale puisqu’elle permet de promouvoir de meilleures relations entre les dirigeants et les travailleurs à travers la création de conditions de travail harmonieuses, engageantes et propices à la collaboration d’où l’amélioration de la productivité.
Quelles sont les principales conclusions qu’on peut tirer de l’engagement RSE?
L’engagement en RSE est un cheminement exigeant mais payant dans la durée. S’y engager, c’est d’abord chercher à valoriser ses initiatives mais également coordonner les efforts en matière de RSE et en développement durable des entités et acteurs, pour mutualiser les pratiques actuelles et promouvoir des engagements communs.
C’est également un engagement à contribuer à la réalisation des 17 ODD et cela nécessite de garantir une contribution mutuelle entre plan de transformation stratégique et politique de développement durable. Cela implique l’entreprise d’être un levier et un garant d’innovation sociétale mais également exige la limitation de l’impact de l’activité sur l’environnement, le développement économique et l’ancrage local mais également l’écoute et la prise en compte des attentes de ses parties prenantes et l’information et la transparence vis-à-vis de ces derniers. La RSE exige aussi de nouveaux modes de gouvernance interne à l’entreprise : accès à l’information stratégique pour les représentants des salariés par davantage de transparence et d’éthique et l’intervention dans la prise de décision stratégique.