Billet | Maroc, ou la gloire des sans-grades

 

La Coupe du monde, c’est toujours la fête du football, la fête dans laquelle s’affrontent des équipes de différents niveaux. C’est aussi la célébration du football total, loin des restrictions tactiques et des contraintes destinées à privilégier le résultat au détriment de toute considération de jeu et de spectacle. Le cadre traditionnel, mais aussi idéal, des exploits, l’heure de gloire des sans-grades. Encore à Qatar et plus que jamais, on a retrouvé dans cette épreuve la notion d’égalitarisme : sur un match, chaque équipe a sa chance.

La Coupe du monde a incontestablement fait refleurir les expressions «Petit Poucet» ou «Cendrillon». Des surnoms issus de contes pour enfants. Et pour ceux qui ont oublié les contes de leur enfance, rappelons que le Petit Poucet, personnage d’un conte de Charles Perrault, est le plus petit garçon d’un bûcheron et de sa femme, qui parvient à sauver ses frères et lui-même de l’abandon de ses parents, puis d’un ogre affamé grâce à la ruse. Cendrillon, quant à elle, est une jeune fille pauvre qui se retrouve invitée à un bal princier et finit par épouser le prince.

Le rapport des contes pour enfants avec le football saute aux yeux dans le Mondial de Qatar. Une épreuve magique qui a invité et fait briller une improbable équipe marocaine. La référence au Petit Poucet remonterait, bien entendu au XVIIe siècle. Mais on gardera pour les années à venir «Le Petit Poucet», le Maroc, qui a mis au tapis les grands méchants loups.

Le Mondial de Qatar a donc débouché sur une belle surprise, une redistribution des équilibres de forces. Une sensation qui se nomme le Maroc, équipe arabe et africaine qui atteint pour la première fois de l’histoire de cette épreuve les demi-finales. Une performance, que personne certes ne prédisait, mais qui a entrouvert une petite porte dans un groupe réservé d’habitude aux… «Grands». Et comme l’appétit vient en mangeant, pourquoi ne pas penser à d’autres équipes susceptibles de lui emboîter le pas dans les prochains rendez-vous. Le Maroc n’a pas seulement montré la voie. Il s’est également engagé avec l’ambition, désormais intacte, d’aller encore plus loin.

L’on sait que le football le plus recherché aujourd’hui par les entraîneurs est celui qui est synonyme de puissance, de force, d’engagement et d’endurance. Mais le Mondial de Qatar a donné la preuve que ce dont on aurait encore et toujours besoin tourne autour de la créativité, de la vitesse et surtout de la volonté constante d’attaquer et de faire le jeu. Une Coupe du monde, c’est, aussi, et certainement avant tout, une mentalité. Les qualités physiques et l’application tactique ne suffisent pas si on n’y ajoute pas les formules d’attaque nécessaires et adéquates. Il faut dire que tout cela ne se décrète pas du jour au lendemain. C’est une question d’état d’esprit et surtout d’ambition. Beaucoup plus que les corps, ce sont les mentalités, la manière d’aborder et de gérer les grands matches qui sont de nature à faire la différence.

L’envie de gagner et l’implication façonnent, en effet, les victoires. Enjeu ou pas, il y a toujours un impératif qui fait courir les équipes qui dérogent à la règle et qui échappent aux restrictions tactiques, quelle que soit l’importance, ou encore l’exigence du résultat.

Une autre compétition, un autre monde

C’est ce que nous a enseigné l’édition 2022. Une édition différente non seulement des précédentes, mais également des autres épreuves. Assurément différente de ce qu’on a pris l’habitude jusqu’ici de vivre. Une autre compétition, un autre monde.

Il y a ainsi des valeurs, conditionnées, qui marquent leur temps, donnent à leur époque des lettres de noblesses, orientent les parcours, favorisent les réussites, éliminent les échecs. Si des équipes comme l’Argentine et la France savent être efficaces, elles savent davantage encore comment gagner. Par la présence, par l’action, par le savoir-faire.

Hostiles à l’esprit conformiste aux systèmes, elles osent pratiquement presque tous les genres de jeu. Bons ou mauvais. Mais le plus important dans tout cela est que leurs joueurs descendent sur le terrain avec l’esprit et le mental nécessaires : technique, physique, accélérations. Plus ils avancent dans la compétition, et plus ils parlent le même langage sur le terrain, et plus ils s’orientent vers des tendances de nature à étoffer leur registre de jeu, tout en y ajoutant d’autres valeurs et d’autres atouts. Maîtrise technique, solidité défensive, efficacité offensive, atouts individuels, capacité d’accélération, qualité de mouvement, gestion des intervalles, habilité à créer les espaces, autant de ressources et d’accomplissement à la fois sublimes et renversants.

Jouer pour dominer l’adversaire, jouer pour provoquer les fautes, voilà des équipes qui en connaissent quelque part les bases. Voilà aussi des équipes qui évitent surtout de sombrer dans un football qui tend aujourd’hui et de plus en plus à s’uniformiser. Liberté de jouer, liberté d’anticiper, liberté d’inventer. C’est au fond une autre musique qui se joue. Une musique certainement inaccessible aux orchestres ordinaux.

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