Ennahdha en proie à toutes les dérives

Editorial La Presse

Quand on est défaillant, on réfléchit et on agit à contresens. On multiplie les mauvais choix et les contreperformances, notamment par rapport à ce qui est attendu, espéré, voire rêvé. Au lendemain de la révolution de 2011 et tout le long de plus d’une décennie, les véritables besoins et impératifs de la Tunisie n’ont jamais été placés à leur juste valeur. Jamais, ou presque, des débats d’idées, des questions de fond, des programmes et des stratégies, que ce soit à court ou à long terme. Reconvertis en gouvernants, décideurs, fonctionnaires, exécuteurs… sans avoir ni le profil, ni la vocation, les hommes d’Ennahdha avaient envahi non seulement les postes et les fonctions de responsabilité, mais également tous les rouages de l’administration tunisienne.

La notion, mais aussi la moralité du travail et du mérite ont été abaissées et bafouées par des actes qui empêchent encore l’économie tunisienne de se relever. La décadence post-révolution n’est malheureusement pas une surprise et encore moins volée. D’ailleurs, la majorité écrasante des Tunisiens n’a jamais été convaincue des raisons et des choix pris et adoptés tout le long de cette période sombre de l’histoire de la Tunisie.

Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons de la dégradation de la situation économique et sociale du pays. Car le problème se situe essentiellement au niveau des aptitudes et des compétences. Des stratégies, des approches et des programmes. Le pire est que, jusqu’à aujourd’hui, les dirigeants d’Ennahdha ont toujours le sentiment d’avoir raison. Et dire que tout le long de la période de son règne, le mouvement islamiste s’est toujours trouvé dans l’incapacité de gérer même le minimum des affaires courantes du pays.

En manque de connaissance, de savoir-faire et de professionnalisme, sans qualification réelle, en proie à toutes les dérives et ne disposant pas de la compétence la plus élémentaire, Ennahdha et ses alliés ont conduit vers une issue inévitable un pays qui ne pouvait plus aspirer à une situation meilleure à défaut des dispositions requises.

Les répercussions et les conséquences de la décennie noire continuent toujours à peser, voire à conditionner l’avenir du pays, tant qu’on n’a pas trouvé encore les solutions adéquates et les ressources financières pour redresser une situation devenue à la longue contraignante et inquiétante. L’idée de repartir sur une nouvelle politique complètement différente de ce qui a été entrepris était bonne à prendre.

Il faut dire que même si les plaies du passé sont toujours ouvertes, l’on continue à espérer que les choses pourront changer. Le fait qu’elle a pendant plus de dix ans oublié ses repères ne devrait pas pour autant empêcher la Tunisie de rebondir. L’on est toujours convaincu du fait que l’une des principales vertus des Tunisiens est l’aptitude à ne pas baisser les bras, même dans les périodes où ça ne rigole pas tous les jours.

En même temps, on ne saurait, non plus, s’interdire de penser à tout ce qui aurait dû être accompli au lendemain de la révolution, au gâchis qui coûte encore tellement cher à la Tunisie. Le rétablissement ne peut se traduire que par des façons d’être, de faire et de penser différentes. Il ne s’agit pas seulement de changer, mais de repartir sur de nouvelles bases. Beaucoup de choses devraient voir le jour au moment où d’autres sont censées prendre fi n. Il s’agit de réinventer un pays qui s’est longuement et lamentablement égaré…

Un commentaire

  1. Brahim

    08/01/2023 à 20:19

    Monsieur le Rédacteur en Chef principal. Comme je suis quotidiennement l’éditorial de votre journal, je vous avoue qu’il n’y a rien de plus agaçant que de revenir constamment sur le passé et la fameuse « décennie noire » . Je suis d’accord avec vous sur le fait que le parti islamiste (arrivé au pouvoir par la volonté du peuple : il faut bien le reconnaître) ait réussi à « noyauter » tout l’appareil étatique et administratif en confiant la charge aux opportunistes, incompétents et surtout aux profiteurs. Cela s’appelle le népotisme. Mais le plus important réside aujourd’hui dans la mauvaise gouvernance depuis le 25 juillet 2021, une date historique prometteuse d’espoirs. Que s’est-il passé depuis? Analysez la situation de façon pragmatique. Le pays est dans l’impasse par le fait du prince qui dirige le pays. Cessons de regarder dans le rétroviseur et jugeons ce qui se fait aujourd’hui sans complaisance. N’en déplaise au Prince régnant à Carthage !

    Répondre

Laisser un commentaire