L’année 2022 était celle de l’explosion de l’inflation en Tunisie. Si cette conjoncture ne concerne pas uniquement notre pays, il semble qu’il n’est pas assez préparé pour faire face à ce genre de contexte économique extrêmement difficile.
Les retombées de cette situation étaient, et elles le sont toujours, palpables dans le quotidien des Tunisiens. Envolée inédite des prix, crise de la consommation et baisse de l’épargne, tels sont les impacts directs de l’explosion de l’inflation qui se compte désormais en deux chiffres.
«En effet, le taux d’inflation a confirmé sa tendance haussière au mois de décembre 2022, en atteignant 10,1%, contre 9,8% au mois précédent», a indiqué l’Institut national de la statistique (INS).
Cette hausse est expliquée essentiellement par l’accélération du rythme des hausses des prix des produits alimentaires à 14,6% sur un an, outre l’augmentation des prix des œufs de 38,9%, des viandes ovines de 26,3%, des huiles alimentaires de 22,8%, des viandes bovines de 19,5 et des légumes frais de 17,2%.
Selon la même source, les produits manufacturés et les services ont augmenté de 10,2% en raison de la hausse des prix des matériaux de construction de 9,4%, des produits de l’habillement de 9,5% et des produits d’entretien courant du foyer de 10,1%. Pour les services, l’augmentation des prix de 6,7% sur un an est principalement expliquée par la hausse des prix des services des restaurants, cafés et hôtels de 9,9%, des services ambulatoires de 5.6% et des services de transport public et privé de 11.7%. Le taux d’inflation sous-jacente hors produits alimentaires et énergie s’établit à 7,7%, contre 7,3% le mois précédent, précise l’INS, ajoutant que les prix des produits libres (non encadrés) ont augmenté de 10,9% sur un an.
Pour comprendre les risques de ce constat, il faut rappeler que le taux d’inflation était estimé à seulement 6,7% en janvier 2022. Cette donne a considérablement nui à l’économie tunisienne durant l’année écoulée, et il faut s’attendre, selon les économistes, à l’installation d’une spirale inflationniste en Tunisie. Au fait, l’inflation pénalise l’épargne en entraînant une perte de valeur des sommes épargnées et en diminuant le taux de rendement. L’ensemble de ces effets risque de conduire à une baisse de l’activité économique, une diminution de l’investissement et donc du potentiel de croissance et par conséquent une éventuelle stagnation de l’activité économique.
Les économistes s’alarment !
Effectivement, les économistes alertent contre une spirale inflationniste qui risque d’aggraver la situation économique en Tunisie. Il s’agit d’un phénomène économique qui provoque une série d’enchaînements de hausses des prix des facteurs de production qui affectent les indices de prix et les salaires, générant une spirale dont il est très difficile de sortir.
Il faut rappeler que cette situation a conduit la Banque centrale à agir immédiatement. Le Conseil d’administration de la BCT a décidé de relever son taux directeur de 75 points de base à 8%.
«Les facilités de dépôt et de prêt à 24 heures ont été portées respectivement à 7% et 9%», souligne la BCT, dans un communiqué. Et d’ajouter que le conseil a pris cette décision après l’examen des évolutions économiques et financières récentes et les perspectives de l’inflation. La BCT vise, ainsi, à contribuer à freiner la tendance haussière de l’inflation, ramenant celle-ci à des niveaux soutenables à moyen terme, afin de protéger le pouvoir d’achat des citoyens, de préserver le stock des avoirs en devises et de favoriser les conditions pour une reprise économique saine et durable. Le Conseil de la BCT a décidé, également, de relever à 7% le taux minimum de rémunération de l’épargne.
Comment y faire face ?
Le professeur en économie Ridha Chkoundali a estimé pour sa part que le taux d’inflation réel est de très loin supérieur aux 10.1% annoncés dans les rapports officiels. Il va jusqu’à dire que ce taux aurait atteint 17% pour ce qui est des produits de consommation de base, qui intéressent en premier lieu le Tunisien. «L’inflation n’est plus quelque chose de circonstanciel, il s’agit bel et bien d’un phénomène structurel», a-t-il dit.
Le docteur en sciences économiques et expert consultant Aram Belhadj explique, lui, que l’Etat doit lutter contre les principaux facteurs à l’origine de cette «courbe effrayante». «Parmi les plus importants figurent : la régulation ou plutôt hausse continue du prix de nombreux produits par le gouvernement et le faible contrôle de ce dernier sur les circuits de distribution».