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L’étrange don libyen

Editorial La Presse

Cette séquence du don libyen, soudaine, inattendue, suscite des interrogations. De quoi s’agit-il ? De dons en produits alimentaires «offerts par le gouvernement libyen de Abdelhamid Dbeibah dans le cadre de son soutien au peuple tunisien», selon une source officielle libyenne citée par Radio Mosaïque. 96 camions sont entrés en Tunisie le 17 janvier. Le total devait atteindre 170 camions selon la même source. Les produits en question sont de l’huile alimentaire, de la farine, du riz et du sucre.

Une opération comme celle-ci, avec franchissement de douane, ne peut se dérouler sans l’accord et l’implication de la partie tunisienne. Ministère des Affaires sociales ? Des Affaires étrangères ? On n’en sait rien puisqu’aucune partie tunisienne officielle ne s’est manifestée.

La Tunisie a évidemment donné son accord à cette opération. Mais pour le moment, on ne sait pas comment seront distribuées ces denrées de base, sur quels critères, par qui, quand et comment. Quelle est la valeur de cette cargaison ? Bien sûr, c’est le geste qui compte. Mais il est intéressant de savoir de quoi on parle. La quantité exacte pour chaque denrée n’est pas disponible. Même les chiffres avancés par un confrère ne sont pas assez précis.

Nous avons néanmoins pris des hypothèses. En considérant qu’il s’agit de 170 véhicules d’une charge utile de 30 tonnes chacun (soit 5.100 tonnes au total) et en répartissant les denrées entre sucre, huile, farine et riz; en multipliant ensuite par la valeur marchande sur le marché intérieur tunisien, nous sommes tombés sur une valeur maximale de 8 millions de dollars. C’est une estimation grossière, juste pour obtenir un ordre de grandeur.

Pourquoi le gouvernement Dbeibah a-t-il pris cette initiative ? Il y a, en effet, d’autres moyens d’aider la Tunisie, y compris économiques (accès à des marchés).Abdelhamid Dbeibah a entrepris de se rapprocher de la Tunisie depuis quelques semaines pour des raisons qui nous sont pour l’heure inconnues. On peut considérer que son geste est maladroit, voire vexant ou même insultant. Mais on ne peut reprocher à quelqu’un la manière dont il vous perçoit, si vous avez contribué à alimenter cette perception. C’est malheureux, cela nous heurte tous, et cela atteint notre dignité, mais la Tunisie est perçue aujourd’hui comme un pays demandeur, dans le besoin. C’est un euphémisme.

Ce don libyen transporte avec lui des leçons. La première est que l’on ne devient digne, fort, souverain, que lorsqu’on travaille, avec des programmes, des plans, du sérieux, de la rigueur. Le Tunisien en est capable, puisque notre pays a été fort et respecté. Prenons comme exemple le budget de l’Etat : il est catastrophique de dépenser plus que ses ressources, tout en mettant en avant la dignité de l’être humain. Or, c’est cette dignité qu’on est en train de détruire.

La deuxième est que la Libye a été la victime de Kadhafi qui s’était préoccupé des causes perdues: anti-impérialisme, panarabisme, et peu de son pays. La Libye essaie difficilement de s’en sortir 50 ans après. Méfions-nous donc des fausses idéologies, n’y tombons pas lorsque d’autres font tout pour se reconstruire et en sortir.

Enfin, notre destin est entre nos mains. Nous n’avons pas besoin de dons humanitaires. Soyons solidaires, parce que nous le pouvons. Soyons lucides. Affrontons les vrais problèmes, que tout le monde connaît. Arrêtons de nous raconter des histoires. La voie du développement et de la bonne gestion des affaires publiques est connue. Nous n’y sommes pas encore.

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Un commentaire

  1. Boujnah Jalel

    20 janvier 2023 à 09:22

    Travailler et être solidaires, il faut en parler à l’UGTT.

    Répondre

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