Rapport national «Global Entrepreneurship Monitor 2022-2023» : L’ambition d’entreprendre dans un environnement difficile 

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Avec un Indice entrepreneurial national faible,  au-dessous de la moyenne (le score est de 3,8 sur 10), la Tunisie se retrouve en queue de peloton. Mais les résultats du rapport peuvent être nuancés puisque plusieurs points positifs, tels que l’appétit grandissant des jeunes pour l’entrepreneuriat,  ont pu être dégagés.


Si, en Tunisie, beaucoup de jeunes sont gagnés par la fièvre entrepreneuriale et motivés par la volonté d’entreprendre, souvent, ils se heurtent à la réalité et finissent par connaître la désillusion: l’environnement entrepreneurial est faible en Tunisie. Beaucoup reste à faire pour le hisser au même rang que ceux des pays qui ont fait de l’entrepreneuriat leur cheval de bataille. Les résultats du rapport national «Global Entrepreneurship Monitor 2022-2023» (GEM) de la Tunisie, qui a été récemment, présenté lors d’une conférence tenue à la Maison de l’entreprise à Tunis, confirment ce constat et pointent les lacunes qui s’érigent en obstacles face aux entrepreneurs. En effet, l’initiative GEM englobe plusieurs pays à travers le monde, dont la Tunisie. Elle vise à évaluer les écosystèmes entrepreneuriaux de chacune de ces économies et à établir, à partir des données analysées et collectées, un classement international.

L’objectif derrière est d’analyser le rôle que joue l’entrepreneuriat dans la croissance économique des pays.  Le rapport est basé sur une enquête standardisée et commune qui a été réalisée auprès de 175.000 individus dans plus de 49 pays. En Tunisie, cette enquête a été menée par l’IACE en partenariat avec Expertise France dans le cadre du programme Innovi.

Les résultats de l’enquête NES révèlent les lacunes 

Avec un Indice entrepreneurial national faible, au-dessous de la moyenne (le score est de 3,8 sur 10), la Tunisie se retrouve en queue de peloton. Mais les résultats de l’enquête peuvent être nuancés puisque plusieurs points positifs, tels que l’appétit grandissant des jeunes pour l’entrepreneuriat, ont pu être dégagés. En effet, le rapport GEM tente d’étudier, dans les détails, tous les aspects relatifs  avec l’entrepreneuriat. Pour ce faire, deux enquêtes qui ciblent aussi bien les experts nationaux que la population adulte sont menées, distinctement,  pour déceler la perception à l’égard de l’environnement entrepreneurial. La première enquête NES (National Experts Survey) s’adresse aux experts (professionnels et entrepreneurs) qui, à travers 13 catégories de facteurs, tels que le financement, la législation, la dynamique du marché…, évaluent l’écosystème dans lequel évoluent les porteurs de projets. En somme, les résultats de la NES ont fait ressortir des scores faibles au-dessous de la moyenne pour la quasi-totalité des facteurs. Seul l’indicateur relatif à l’infrastructure physique, dont le score est proche de la moyenne (4 sur 10), constitue le point lumineux et avantageux pour la Tunisie. Le score le plus faible (2 sur 10) a été, cependant, attribué à l’indicateur «éducation entrepreneuriale».

La soif d’entreprendre 

En somme, la Tunisie est classée 47e sur 51 économies, selon l’enquête NES.  Mais pour avoir des informations plus précises sur les activités entrepreneuriales, telles qu’elles sont perçues par les individus, le rapport GEM s’appuie sur une autre enquête APS (Adult Population Survey) réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 2.000 personnes âgées entre 18 et 64 ans. Elle permet de décortiquer la dynamique entrepreneuriale, et ce, en soutirant des informations sur l’intention et le parcours entrepreneuriaux.  Les résultats de cette enquête sont globalement mitigés. La bonne nouvelle, c’est que la fringale d’entreprendre se confirme en Tunisie.

La proportion des individus qui souhaitent monter leurs propres projets dans les trois prochaines années (intention entrepreneuriale) est passée de 22% en 2012 à 50,7% en 2022, plaçant la Tunisie au 4e rang parmi 49 pays. En effet, cette volonté d’entreprendre est impulsée par des valeurs aussi bien sociales que personnelles. Ainsi, on trouve que le rêve de suivre une bonne carrière (80% des répondants à l’enquête), d’accéder à un statut élevé (83%) ou d’explorer de nouvelles opportunités (61%) pousse les individus à considérer la possibilité de créer leurs propres projets. Cependant, la peur de l’échec demeure la pierre d’achoppement qui empêche les entrepreneurs potentiels de passer à l’acte (42,6% des individus affirment qu’ils ne comptent pas lancer des projets car ils craignent d’échouer).

Tendance haussière des activités entrepreneuriales

L’analyse du parcours des entrepreneurs révèle que la culture entrepreneuriale progresse en Tunisie, mais lentement. La part des activités entrepreneuriales émergentes (entrepreneurs potentiels et nouveaux)  est passée de 5% en 2012 à 17% en 2022. Dans la majorité des cas, l’absence de débouchés est la principale raison qui pousse les gens à se tourner vers l’entrepreneuriat : 90% des nouveaux entrepreneurs affirment recourir à l’entrepreneuriat  par nécessité, vu la raréfaction des emplois. Cette tendance haussière se confirme aussi, du côté des entrepreneurs établis  dont le taux est passé de 4% en 2012 à 10% en 2022. Revers de la médaille: la sortie entrepreneuriale s’est accélérée au cours des dernières années. En effet, 9% des entrepreneurs participant à cette enquête ont rendu le tablier, dont 7% affirment avoir arrêté l’activité. Ce taux était de près de 3% seulement  en 2012. Bien sûr, la crise Covid-19, y est pour quelque chose. Mais la non-rentabilité de l’entreprise demeure la cause principale de l’abandon de l’activité.

Faible impact sur l’économie ? 

Par ailleurs, l’enquête s’intéresse à l’étude des impacts de l’activité entrepreneuriale sur l’économie, en termes d’emplois de compétitivité, d’innovation et d’Objectifs de développement durable. Il en ressort que les entrepreneurs, particulièrement les  établis, peuvent être des pourvoyeurs d’emplois, puisque 58% d’eux prévoient de créer jusqu’à cinq nouveaux postes au cours des cinq prochaines années. Quant à l’analyse de la compétitivité, elle souligne les difficultés d’accès au marché international, étant donné que 14% seulement des entrepreneurs établis fournissent une clientèle internationale. Les résultats de l’enquête révèlent, par ailleurs, que les entrepreneurs jouent un rôle timoré dans la promotion de l’innovation qui est cantonnée au niveau local, étant donné que 17% seulement des nouveaux entrepreneurs  affirment qu’ils proposent des solutions innovantes au niveau local contre 9% des entrepreneurs établis.

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