Ils ne sont pas des parangons de vertu

Editorial La Presse

Les Tunisiens font-ils encore confiance à la clase politique ? Plutôt fréquente, la question a beau être actuelle, réelle, elle a surtout de plus en plus une réponse commune et courante : même si l’appellation reste belle, la politique n’est plus aux yeux des Tunisiens tellement prompte, comme ce fut le cas au lendemain de la révolution. Elle est devenue singulière à plus d’un titre, surtout après le recours de certaines parties à l’ingérence et à l’intervention étrangères.

Annoncée comme une modernité politique, la transition tunisienne a été marquée par des années de dérives collectives et d’autodestruction. Les perspectives d’un paysage politique sain et responsable s’étaient complètement, ou presque, évaporées. Jugés incohérents, voire pervers, les discours politiques ont longuement agacé les Tunisiens. Indélicatesse, profil vague, producteurs de clichés, la plupart des acteurs n’étaient au fait que des novices à la recherche de popularité et d’acceptation. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la plupart s’étaient construits à travers leurs limites. Et comme les paroles ne dépassaient pas souvent les actes, l’horizon n’a jamais été bien distinct. Voilà comment le paysage politique s’est dépeuplé et voilà comment les Tunisiens lui tournent aujourd’hui le dos.

Aussi soucieux qu’ils puissent être pour la démocratie et la liberté d’expression, ce sont ces mêmes Tunisiens qui ont finalement refusé de nourrir le spectacle médiatique créé par des politiciens qui n’hésitent pas à recourir à l’étranger pour renforcer leurs positions. Mais ce sont toujours ces mêmes Tunisiens, ayant le moins contribué à la crise que connaît actuellement le pays qui en paient le prix fort.

Même si le paysage politique est toujours emblématique, l’heure n’est plus, aujourd’hui, à la polémique, mais plutôt à la prise de conscience. Il est, en effet, toujours permis de croire à la démocratie, aux droits humains qui restent, en dépit de toutes les dérives, interdépendants et complémentaires.

La Tunisie continuera de défendre les principes démocratiques. Elle continuera de se tenir aux côtés de ceux qui s’efforcent de garantir l’Etat de droit. Si un tel scénario demeure assumé, il rappelle que la marge de manœuvre reste solide et garantie. Que les mécanismes anticrises revendiqués dans le processus du 25 juillet demeurent toujours en vigueur. Que les Tunisiens n’admettent pas l’ingérence étrangère dans les affaires de leur pays. Qu’ils n’aiment pas les donneurs de leçons, surtout lorsqu’ils ne sont pas des modèles. Qu’ils restent éternellement intransigeants quant à ce qui fait l’âme de la Tunisie : sa souveraineté, son indépendance, ses valeurs et ses références…

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