Inclusion financière | Rim Jammali, Directrice de la Trésorerie à la Poste Tunisienne : «Sans le produit crédit, on ne peut pas assurer la pérennité de la Poste tunisienne»

Fervente défenseuse du rôle que joue la Poste tunisienne dans le développement de l’inclusion financière en Tunisie, Rim Jammali, directrice de la trésorerie au sein de l’entreprise, nous explique le chemin parcouru par cet acteur-clé en termes de facilitation de l’accès aux services financiers.

La Poste tunisienne se présente comme un acteur-clé de l’inclusion financière en Tunisie. Quelles sont ses principales actions dans ce domaine ?

La poste est un opérateur qui a la chance d’être un acteur très dynamique dans le secteur financier. C’est un établissement financier bien qu’on ne le reconnaisse pas. On est confronté à une concurrence très accrue de la part des banques, même si on essaie toujours de véhiculer le message que la Poste est en train d’assurer une complémentarité avec les banques. Alors que les banques sont installées dans les zones côtières, nous, nous sommes installés dans les zones rurales. Les banques visent une clientèle à moyen revenu, la Poste vise les bas revenus et même les populations les plus démunies. Nous avons une longueur d’avance sur les autorités dans le domaine de d’inclusion financière. Alors qu’elle commençait à faire partie des préoccupations des autorités à partir des années 2010, la Poste tunisienne a déjà commencé les réflexions sur les moyens de développement des services financiers de proximité qui se distinguent des produits bancaires depuis sa création en 1999. On était conscient de notre mission qui consiste à faciliter l’accès des clients aux services financiers. Aujourd’hui, une personne qui n’a pas de compte bancaire ne peut rien faire, ne peut pas recevoir ou déposer de l’argent ou avoir un crédit. Nous avons commencé ces efforts avec la carte E-Dinar. Le fait de doter des personnes exclues du système bancaire de cette carte était un grand pas dans la promotion de l’inclusion financière. L’expérience a commencé avec les jeunes, mais aujourd’hui E-Dinar est devenue une carte multi-compte. C’était un défi. On voulait atteindre des gens qui sont déconnectés, vulnérables, avec des niveaux d’éducation très faibles. On s’est aventuré sur cette mission en 2016 et 2017 avec l’instauration de la vision concertée sur la microfinance. En effet, les institutions de microfinance avaient un problème : elles n’avaient pas de réseau d’agences important. Donc elles se sont servies du réseau de la Poste tunisienne en effectuant des opérations cash-in cash-out. On leur a alors proposé cette solution dans le cadre d’un partenariat qui a débuté avec micro-crédit mais qui a été généralisé à toutes les IMF. C’était alors la naissance d’une carte cobrandée qui porte les logos des deux institutions et à travers elle le déblocage du crédit est effectué. Cette carte a été utilisée par la suite comme outil de paiement. Il faut dire que le Tunisien, quel que soit son niveau d’instruction, est apte à apprendre. Il a cette capacité d’adaptation aux nouvelles technologies. Donc, on a accordé gratuitement aux  familles nécessiteuses des cartes E-Dinar, ce qui a permis de contribuer au Decashing. D’ailleurs, la solution de digitalisation des aides sociales, lors de la crise Covid, était une solution inspirée de l’expérience de la Poste tunisienne.

Sur quoi mise la Poste tunisienne pour renforcer l’inclusion financière en Tunisie ?

Aujourd’hui, on ne cesse de nous répéter qu’il est contradictoire de parler de Decashing et de digitalisation alors que la Poste continue d’investir dans le réseau. En effet, on continue à le faire, parce que nous devons adresser cette offre. Il y a des gens qui ne sont pas initiés aux services financiers. Le fait qu’il y ait un bureau de la Poste à proximité, c’est un support pour commercialiser ces services financiers. Nous aspirons à ce que nos services répondent le plus aux besoins des clients. Aujourd’hui, nous sommes appuyés par un partenaire technique de l’Etat tunisien, qui est l’AFD qui nous accompagne dans le cadre d’une mission stratégique portant sur la transformation digitale, la digitalisation des services financiers et l’amélioration des relations clients. Parce qu’il est vrai que nous avons une cartographie de services assez diversifiée, mais il nous manque le ciblage et la segmentation. Le service doit être adressé au cas par cas. Notre effort est axé sur la maîtrise des besoins des clients.

Qu’en est-il du projet de la banque postale?

Aujourd’hui, sans crédit on ne peut pas assurer la pérennité de l’entreprise. On collecte les dépôts, on gère les moyens de paiement, mais sans crédit on risque une fuite des clients vers les banques. La banque postale est un impératif.

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