L’exposition présente les apparats de la cour et ceux du pouvoir. Qu’elle est belle la route de Samarcande quand on l’arpente sur les pas de Yaffa Assouline, son commissaire, et qu’on la découvre à travers son regard !
Il faut dire que le privilège était grand de visiter cette sublime exposition à l’Institut du monde arabe, guidée par celle qui l’a rêvée, imaginée, conçue, montée, scénographiée. Celle qui vous en racontera les coulisses, les anecdotes, les contes et les légendes, et qui vous montrera ce que n’auriez peut-être pas su voir. Au départ, c’était pour tout à fait autre chose que Yaffa Assouline se trouvait en Ouzbekistan. Cette journaliste brillante, convertie en éditrice d’art par amour des belles histoires à raconter de façon plus pérenne que sur un journal, avait été invitée à réaliser un livre sur ce pays. Un de ces livres qui sont autant d’œuvres d’art en eux-mêmes, et qu’elle décline avec talent depuis qu’elle et son frère ont créé les éditions Assouline.
«Je suis journaliste, c’est-à-dire le plus beau métier du monde. Et ma passion, c’est apprendre et partager».
Née à Meknès, montée à Paris pour découvrir le monde du journalisme, elle y arrive avec la génération de «Salut les copains», «Mademoiselle Age Tendre», ou encore «Play Boy». Elle y fait ses premières armes. Puis se lance à l’aventure et crée le premier magazine gratuit. Mais lassée d’être l’otage de la publicité, elle invente, avec ses frères, un nouveau concept : raconter l’histoire des marques, leur proposer un contenu, s’immerger dans leur univers.
Et peu à peu vient le désir de raconter des histoires plus longues, et d’en laisser la trace. Ainsi est née la maison d’édition Assouline, par une collection de petits livres consacrés à la mode. La suite est née du hasard : invitée à réaliser le catalogue du musée de Qatar, elle décide de rendre hommage à son architecte, Pei, par un livre. Le livre a de belles retombées. De même que le blog qu’elle anime à l’époque: luxury-culture.com.
«Car sans culture, on ne peut comprendre le luxe. Dans ce blog, on parlait de tout de manière transversale. Cela attirait la curiosité. Je recevais des messages du monde entier». L’Ouzbekistan la découvre, et l’invite. Il s’agit de réaliser un livre sur l’histoire, l’architecture, les paysages, l’artisanat de ce pays. Elle sillonne l’Ouzbekistan, visite les réserves de musées, découvre les trésors qui y sont préservés. «Sur la route de la soie, à Khiva, à Samarcande, à Boukhara, les étapes des caravanes, j’ai découvert de sublimes tissages, de somptueux costumes, des broderies d’un exceptionnel raffinement, des bijoux dignes des trésors des maharajas. Tout ceci n’était jamais sorti du pays».
De ces découvertes naîtront plusieurs livres rendant hommage aux artisans, aux brodeurs, aux tisserands, aux orfèvres. Mais aussi des livres sur l’étonnante découverte que fit Yaffa Assouline du musée Igor Savitsky qui sut réunir et préserver la deuxième plus grande collection de peintres d’avant-garde russe au monde.
«Au-delà des livres, j’ai proposé à Jack Lang de faire, à l’Institut du monde arabe, une exposition sur les émirs de Boukhara et la vie à la cour. Grâce au soutien de la Fondation pour le développement de l’art et de la culture ouzbekes, cela a pu être réalisé. Bien sûr, cela n’a pas été facile. Il fallait un très grand espace, car l’exposition se déploie sur 1.100 mètres carrés.
Cela a pris du temps, car il fallait réunir les pièces qui témoignent de la beauté et de la diversité de l’art artisanal. Il faut savoir que Tamerlan avait réuni tous les grands artistes de la région, ce qui explique l’extraordinaire profusion de techniques. Grâce à l’aide et aux conseils avisés des directeurs et des conservateurs des musées, nous avons pu réussir».
L’exposition présente les apparats de la cour et ceux du pouvoir. La broderie d’or est un art de cour officiel, réservé aux notables, et essentiellement masculin. Ce qui explique la prodigieuse collection de manteaux-bijoux, brodés sur le seul ordre de l’émir dans des ateliers installés dans ses palais, présentés au cours de cette exposition. Tout aussi somptueux, les harnachements des chevaux, selles, mors, étriers, dont la splendeur dépasse de loin les modestes costumes féminins présentés.
Une section de l’exposition est également réservée à la vie quotidienne, à l’intérieur des demeures : tapis, Souzanis, Ikats de magnifiques variétés, et dont la tradition perdure.
Jack Lang, président de l’IMA, déclarait : «Sur les routes de Samarcande-Merveilles de soie et d’or» est une invitation au voyage et à l’enchantement. Imaginée comme un périple dans le temps, cette remarquable exploration remplit également une mission pédagogique : comprendre le contexte social, historique et politique de ce pays à l’histoire millénaire…Cette fantastique exposition joue merveilleusement son rôle : admirer pour apprendre, et apprendre pour admirer». L’exposition voyagera: elle ira en Italie, au Maroc et en Azerbaidjan.