Accueil A la une Politique : Crise politique ou crise des partis politiques ?

Politique : Crise politique ou crise des partis politiques ?

 

Les évènements du 25 juillet ont considérablement limité le pouvoir des partis politiques en Tunisie. Si certains évoquent une crise globale qui affaiblit le rendement du gouvernement, d’autres estiment  que ce sont les partis politiques qui sont confrontés à des crises intrinsèques, sous l’effet de la rupture provoquée par le processus déclenché le 25 juillet 2021. Décryptage.

Au cœur de la crise économique et de l’effervescence sociale en raison de certaines pénuries et de la cherté de la vie, les interrogations autour de la  situation politique refont surface. Et pour cause, des voix laissent à penser que le pays connaît une crise politique et constitutionnelle profonde et inédite qui met à mal les équilibres de l’Etat. Ce dossier a été rouvert par la coalition Soumoud, qui était pourtant l’une des formations qui défendaient le plus le projet du Président de la République, Kaïs Saïed.

Changement de temps, changement de mœurs. Dans un communiqué publié dimanche, Soumoud estime que le pays connaît une crise politique et constitutionnelle inédite. Dans ce sens, la Coalition fait état d’une crise politique et constitutionnelle «aiguë» et met en garde contre la faible légitimité de la Constitution de 2022.

Elle explique que la crise politique trouve son origine dans un texte fondamental qui a recueilli peu de légitimité, et qui, a-t-elle averti, « n’a pas respecté le principe de séparation des pouvoirs et d’équilibre entre eux. Condition sine qua non pour l’instauration d’un système démocratique qui consacre l’Etat de droit et garantit pleinement les droits et libertés », d’après Soumoud.

Le coordinateur du collectif, Houssem Hammi, pointe, en effet, une situation politique conflictuelle à laquelle s’ajoute une crise politique et constitutionnelle. Selon ses dires, la crise politique s’illustre par une forte opposition des partis politiques et par le fait que la Constitution a été adoptée avec seulement 30% de taux de participation. « Il faut rappeler qu’une grande partie de la classe politique tunisienne rejette tout le processus du 25 juillet », a-t-il fustigé.

S’agissant de la crise constitutionnelle, Hammi ajoute que le pays fonctionne actuellement avec une Constitution qui n’explique pas clairement la nature des instances. « Prenons l’exemple de l’Instance supérieure indépendante des élections, analyse-t-il, la Constitution ne dévoile pas comment et par qui ses membres doivent être nommés, alors que l’Isie fonctionne actuellement avec sept membres. Pour ce qui est du Conseil supérieur de la magistrature, la Constitution stipule la mise en place de trois conseils représentant les différentes juridictions. Or là, nous avons seulement un seul conseil provisoire », détaille-t-il. Même cas de figure, selon ses dires, pour la Cour constitutionnelle dont les membres n’ont pas été encore nommés.

La crise économique, une urgence

S’agissant des solutions qu’il propose pour sortir de ce qu’il appelle une crise profonde, le coordinateur du collectif Soumoud appelle à ce que l’actuel Parlement prenne les choses en main et s’active pour adopter les différentes lois nécessaires pour installer les différentes institutions et sortir de cette situation bancale.

En outre, pour les différentes parties qui soutiennent le processus du 25 juillet conduit par le Président de la République, ce n’est pas cette supposée crise politique qui importe le plus, mais plutôt la situation économique et sociale qui doit être traitée en urgence.

Zouhaier Maghzaoui, secrétaire général du parti Echaab, est de cet avis. Il explique que même si la crise politique existe réellement, elle ne relève pas de l’urgence. Selon lui, l’actuel gouvernement et le Parlement doivent déployer tous les efforts pour sortir de la crise économique. « Malheureusement, nous avons accusé une décennie de retard et nous avons multiplié les mauvais choix économiques. Et d’ailleurs les questions socioéconomiques ont été éclipsées par les tiraillements politiques », a-t-il dit.

L’homme politique admet que la Tunisie connaît en effet de grandes difficultés qui ne sont pas tant dues à la crise politique, mais plutôt à des dysfonctionnements économiques. « Nous estimons que la première préoccupation des citoyens est d’ordre social et économique, cela a considérablement impacté la donne politique et d’où le faible taux de participation aux dernières élections », a-t-il estimé.

Maghzaoui appelle dans ce sens, le gouvernement à prendre une série de mesures urgentes pour redynamiser l’économie et les finances publiques, en présentant un programme concret.

Il a également annoncé que le bloc parlementaire de son parti présentera dans peu de temps des initiatives liées à la Banque centrale, au changement de monnaie ainsi qu’au système des licences et autorisations.

Qu’est-ce qu’une crise politique ?

Depuis le 25 juillet, les observateurs de la scène politique nationale ont remarqué une nette régression du pouvoir des partis politiques, et une désorganisation de leurs structures partisanes. Alors que certains partis sont empêtrés dans des affaires judiciaires, à l’instar du Mouvement Ennahdha, d’autres sont en proie aux divisions, leur activité a considérablement diminué. Pour d’autres, ils ont carrément explosé comme Al Watad. En effet, certains politologues estiment que Kaïs Saïed a réussi à mettre fin à ce régime politique qui s’articule autour  des corps intermédiaires et, notamment, les partis politiques. Or, dans la situation qui prévaut présentement, les observateurs estiment que la crise politique se poursuit et s’aggrave même. 

On s’accorde à dire qu’une crise politique se produit généralement lorsque les institutions, les dirigeants ou les systèmes politiques d’un pays sont confrontés à des défis majeurs et à des difficultés qui menacent leur stabilité et leur fonctionnement normal.

Une crise politique peut être déclenchée par une variété de facteurs, tels que des conflits d’intérêts, des tensions sociales, des scandales politiques, des problèmes économiques graves, des contestations électorales, des troubles civils ou des crises de leadership, outre le dysfonctionnement des appareils de l’Etat. Autant dire que certaines crises peuvent se limiter à des tensions temporaires ou à des désaccords politiques, tandis que d’autres peuvent entraîner une instabilité majeure, telle que les changements brusques des pouvoirs ou des élections anticipées.

La Tunisie a vécu plusieurs crises politiques au cours de son histoire récente, à commencer par la révolution de 2011 et les années qui ont suivi. Depuis, le pays a connu des périodes de transition difficiles et des tensions persistantes. 

Ces crises ont atteint leur apogée en 2013, avec les assassinats politiques, les attentats terroristes et en 2018 avec le conflit entre les deux têtes de l’exécutif, ou encore en 2021 avec les évènements du 25 juillet.  

Sous couvert d’anonymat, un constitutionnaliste explique que les crises politiques éclatent généralement selon des paramètres précis.

Il est notamment question de l’instabilité gouvernementale, la contestation populaire, les conflits et la polarisation entre les pouvoirs en place, la violence politique, outre la paralysie institutionnelle et constitutionnelle. « Ces paramètres ne sont pas exhaustifs, et chaque pays peut connaître des crises politiques spécifiques en fonction de son contexte, de son système politique et de ses défis particuliers.

La gravité et la durée d’une crise politique peuvent varier, allant d’une tension politique temporaire à une crise profonde et prolongée » soutient-il. La question qui demeure posée est de savoir si nous sommes sortis de l’auberge.

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