Accueil A la une Journée mondiale de lutte contre la traite des êtres humains : Agir au-delà des célébrations !

Journée mondiale de lutte contre la traite des êtres humains : Agir au-delà des célébrations !

 

Derrière ces célébrations bien intentionnées, un paradoxe persistant émerge: la réalité implacable de la traite des êtres humains semble défier les avancées réalisées par les textes de loi. Alors que la communauté internationale célèbre chaque 30 juillet cette journée dédiée à la lutte contre ces crimes, il est essentiel de nous interroger sur le fossé qui sépare les programmes et les aspirations des énormes défis concrets qui persistent sur le terrain.

La Tunisie a célébré, le 30 juillet dernier, la journée mondiale de lutte contre la traite des êtres humains, une occasion pour alerter sur la situation des victimes de cette traite dans le monde et tenter quelques avancées en matière de protection des droits. Or, cette célébration intervient dans un contexte tendu, compte tenu de l’aggravation de la crise migratoire qui secoue, actuellement, outre  la Tunisie, le monde entier et précisément les pays du Nord et du Sud de la Méditerranée.

En effet, les différentes organisations onusiennes s’alarment face à ce qu’elles appellent un drame qui se déroule sous les yeux de la communauté internationale. Seulement, un élément s’est ajouté récemment, avec la canicule qui s’est abattue sur la région, à savoir les migrants bloqués sur les lignes frontalières:  une tragédie sans précédent. Acculés dans une zone de non-droit, les migrants sont littéralement abandonnés à leur sort. Et aucun des Etats limitrophes ne se sent concerné. Sur les réseaux sociaux, des images montrant des corps sans vie de migrants, parfois des femmes et des enfants, exposés au soleil implacable du désert sont insoutenables. Des voix se sont cependant élevées pour mettre en doute l’authenticité des images. Du côté des autorités tunisiennes, le Président de la République, le gouvernement et les autorités locales affirment que toutes les dispositions sont prises pour secourir les migrants.

Derrières les chiffres, des personnes et des vies brisées

Indépendamment de cette crise conjoncturelle, la Tunisie a toujours été confrontée à des crises liées à la traite des êtres humains. Migration illégale, travail forcé, travail des enfants, prostitution, travail domestique non réglementé, trafic d’organes… La liste est longue. Si cette journée mondiale vient nous rappeler que le chemin est encore long et périlleux pour venir à bout de ces différents fléaux, en Tunisie, c’est effectivement la crise migratoire qui concentre, pour l’heure, tous les  efforts.

L’explosion du nombre de traversées en direction des côtes européennes organisées par des réseaux de trafiquants puissants et sans scrupule a aggravé la crise pour devenir parfois incontrôlable.

Entretemps, les drames se multiplient. Environ 900 personnes sont mortes noyées au large de la Tunisie pendant les sept premiers mois de 2023, selon les autorités tunisiennes. Parmi elles, au moins 260 ressortissants subsahariens qui tentaient de rallier l’Europe. Sur cette même période, 34.290 migrants ont été interceptés et secourus, dont 30.587 «étrangers», en majorité originaires d’Afrique subsaharienne, contre 9.217 personnes interceptées au même moment de 2022, selon le porte-parole de la Garde nationale, Houcem Eddine Jebabli.

En dehors de la migration illégale, le travail domestique en Tunisie est fortement dominé par son caractère informel. Un secteur où la prédominance féminine est évidente, à laquelle s’ajoute le travail des enfants. Certes, la Tunisie s’est dotée depuis 1965 d’un cadre législatif spécifique pour réglementer ce secteur d’activité. Cela pour le cadre législatif. Mais la réalité est tout autre. L’impact  des législations est très minime en termes de protection des travailleurs domestiques.

Bien que les chiffres officiels ne représentent pas la réalité des choses, ce sont surtout des filles mineures qui sont exposées aux exploitations. Selon plusieurs rapports de la société civile, ces fillettes sont «recrutées» dans des zones intérieures du pays pour être déplacées dans la capitale où elles sont exploitées de différentes manières, impliquant des réseaux de traite des êtres humains.

Mendicité organisée 

Il faut rappeler dans ce sens que selon la présidente de l’instance nationale de lutte contre la traite des personnes, Raoudha Labidi, le nombre de victimes de la traite des êtres humains en Tunisie a atteint, en 2021, 1.100 victimes environ, Tunisiens et étrangers, et ce sont les derniers chiffres officiels disponibles.

 Autre forme de traite de personnes qui met en porte-à-faux avec les slogans de cette journée mondiale et qui rappelle la triste réalité, la mendicité organisée. En plein centre-ville de Tunis, il est devenu ordinaire de voir de petits enfants de cinq à six ans mendier. Mais également des femmes et des personnes mineures étrangères acculées à la mendicité. Derrière, vraisemblablement, des réseaux qui usent de nombreuses  tactiques coercitives pour contrôler les mendiants qu’ils « embauchent ». Certains réseaux peuvent également faire semblant de représenter des organisations caritatives légitimes pour tromper le public et obtenir des dons.

Régulièrement, des réseaux sont démantelés par les forces de l’ordre. Malgré cela, le fléau ne fait que s’aggraver.

Pourquoi cette journée ?

La Journée mondiale contre la traite des êtres humains est célébrée chaque année le 30 juillet. Elle a été instaurée par les Nations unies, en 2013, pour sensibiliser l’opinion publique sur le problème de la traite des êtres humains et encourager les efforts visant à combattre ce crime odieux.

Esclavage, exploitation sexuelle, adoption illégale… Selon l’ONU, la traite des êtres humains est une problématique mondiale, d’autant que tous les États sont affectés par ce fléau, soit en tant que pays d’origine, soit de transit ou de destination des victimes.

D’après l’Organisation internationale du travail (OIT), plus de 49 millions de personnes vivaient dans des conditions d’esclavage moderne en 2021, dont plus de 27 millions concernés par le travail forcé et 22 millions par le mariage forcé.  La célébration de cette journée est donc importante, mais ne doit pas occulter  la réalité du terrain. C’est même l’occasion pour redoubler d’efforts. Pouvoirs publics, société civile, hommes et femmes doivent savoir tendre la main à ceux qui souffrent, non pas uniquement l’espace d’un jour.

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