“Merioul Fadhila“ : La belle histoire d’un tricot traditionnel

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Qui aurait pu croire qu’un simple tricot à rayures, chargé d’autant d’histoire, rencontrerait un tel succès à l’échelle internationale?

Merioul Fadhila —c’est lui dont il s’agit— est le fruit d’une belle romance du début du siècle dernier. Un artisan tunisien, follement épris de la chanteuse, femme de théâtre et danseuse d’origine turque Fadhila Khatmi, réalise un pull à col rond et à rayures pour cette belle femme distinguée et à l‘élégance innée sans savoir que son tricot, qui sera porté en ville et à la campagne, traversera les frontières pour séduire de nombreuses célébrités en Europe et outre-Atlantique. Mais, par quel mystérieux cheminement, le modeste merioul Fadhila, cher aux femmes de Tunisie, s’est-il retrouvé sur la couverture de Paris Match, arboré par la somptueuse Jane Fonda dans les années 70 ?

Cela relève d’un de ces avatars de la mode que nul ne peut comprendre ni expliquer et qui a changé le destin du modeste tricot tunisien qui, jamais, ne rêva d’une telle renommée. On le connaissait bien ce petit caraco de maille rayée, fermé de trois boutons que la femme rurale portait sous sa mélia drapée et la citadine sous sa fouta et blousa. Attribut incontournable du costume traditionnel, il faisait partie du trousseau de toute jeune fille et tentait une timide percée en Algérie et au Maroc, où on l’appelait «kabout ettounsi» avant de tomber dans l’oubli pendant de longues années. Dans les années 50, une société française s’intéresse à lui. Le tricot Fadhila renaît de ses cendres de l’autre côté de la Méditerranée. Il est commercialisé dans des boutiques du sud de la France où il rencontre un franc succès auprès de stars comme Brigitte Bardot, Françoise Dorléac…Mais, en Europe, les machines qui tissaient la matière première du fameux «merioul» vieillirent, tombèrent en désuétude et ne furent plus renouvelées. Un seul fournisseur subsistait, unique producteur au monde du tissu nécessaire à la confection de ce corsage : les établissements français Mauchauffel.

De retour au pays natal

En 1968, ceux-ci passent la main et cèdent les machines et l’exclusivité de la fabrication et de la commercialisation du fameux tricot au tout jeune groupe tunisien Bacosport. On avait le merioul, mais on n’avait pas le nom qui était déposé. Et l’on eut beau faire, aussi bien et mieux encore, les Tunisiennes ne voulaient pas de ce merioul qui ne s’appelait pas Fadhila. Il n’y avait donc guère à tergiverser, il fallait acheter la marque , déposée en Suisse et en France par un industriel d’origine tunisienne. Dans la Tunisie de l’époque, obtenir de la Banque centrale une autorisation de transfert de devises relevait du miracle. Celui-ci a finalement lieu.

En 2016, le collectif «Be Tounsi» aide le fondateur du groupe Bacosport, qui détient l’exclusivité de la fabrication du merioul Fadhila, à réhabiliter le tricot tunisien, menacé, à nouveau de tomber dans l’oubli. Le pull aux jolies couleurs a inondé les réseaux sociaux, porté par de jeunes femmes appartenant à différentes catégories socio-professionnelles et qui en ont fait un véritable symbole de féminité.

Et le joli petit merioul reprit le chemin des souks. Il coûtait 1DT400 à l’époque et se déclinait en 3 couleurs. Il y en a onze aujourd’hui  et, afin de séduire les jeunes générations de tunisiennes, il a été  dépoussiéré et remis au goût du jour. Il est décliné, en effet, sous plusieurs formes et peut être porté sur une jupe, un jean… faisant la joie de jeunes femmes heureuses de porter un pull qui a très bien su s’adapter à la modernité et qui a traversé le temps sans prendre une ride.

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