Le Père de la nation ? Le Père tout court…

Petite par sa superficie, la Tunisie a vu au fil des civilisations qui se sont succédé sur son sol  de grands hommes qui se sont distingués par leur clairvoyance, leur côté visionnaire, leur amour de la Patrie, leur  humanisme et leur esprit fédérateur. Béji Caid Essebsi en fait désormais partie. Marchant sur les traces de son prédécesseur, ce grand homme, digne disciple de Bourguiba, a marqué l’histoire de son empreinte en prônant les valeurs fondamentales de la justice, de l’équité et de l’égalité tout en poursuivant la même politique moderniste et réformiste que Bourguiba, défendant bec et ongles en premier lieu les droits des femmes, des enfants et des catégories démunies. Son charisme, sa parfaite maîtrise du verbe, son jeu de mots subtil et à la fois déconcertant, sa compassion, sa bienveillance pour autrui, sa personnalité chaleureuse, affectueuse et rassurante et sa fibre paternelle qui se manifeste naturellement et spontanément à chaque fois qu’il s’adresse à des enfants, des jeunes ou des femmes lui ont valu l’affection et l’amour d’une bonne frange de la population qui voyait en lui non seulement le Père de la Nation mais le « père » tout court. Il faut dire que ce Président à l’allure si charismatique avait toujours l’art de trouver les bons mots qui réconfortent dans les situations et les conjonctures difficiles.

Tout le monde se souvient de cette scène qui s’est déroulée à Bab Souika où Béji Caid Essebsi a laissé couler, derrière ses lunettes, des larmes de compassion qu’il a essuyées furtivement après s’être apitoyé sur le sort d’une ménagère n’ayant pas les moyens de s’acheter de la viande à cause de son pouvoir d’achat qui s’est dégradé. C’est sa fibre humaniste qui s’est naturellement manifestée à ce moment-là face au désarroi de cette citoyenne révoltée par la cherté de la vie à l’instar de ses pairs. Si le Président s’est démarqué, c’est  aussi parce qu’il a mis un point d’honneur à préserver les acquis et les réalisations hérités de son prédécesseur en les protégeant farouchement des idées et des courants rétrogrades et obscurantistes. Bien que cela ne fasse pas partie de ses prérogatives, dès qu’il sentait la moindre menace peser sur un secteur sensible et stratégique à l’instar de la santé, de l’éducation ou des affaires sociales, il intervenait alors dans les coulisses afin de désamorcer de graves crises sociale à l’image du bras de fer qui a opposé pendant de nombreux mois le syndicat de l’enseignement de base au ministère de l’Education et au gouvernement et qui a provoqué la colère de milliers de parents d’élèves.

C’est lui qui devait présider comme il a fait l’année passée la journée du Savoir, un des acquis transmis en héritage par Bourguiba et qui a permis à la Tunisie de se hisser au rang des pays qui se sont développés et distingués grâce à leurs compétences. En fidèle élève et disciple de Bourguiba, il aura été également, jusqu’à son dernier souffle, un fervent défenseur de la cause féminine. A l’image de ce dernier qui, il y a soixante trois ans, a promulgué le Code du statut personnel dans une société patriarcale et attachée aux traditions, bousculant, ainsi, les règles et les codes sociaux. Désirant parachever ce que son prédécesseur a commencé, Béji Caïd Essebsi a osé soulever une question taboue dans le monde arabe, à savoir l’égalité dans l’héritage, en veillant à en faire un projet de loi, ce qui a provoqué une levée de boucliers au sein de la frange la plus conservatrice de la société tunisienne. Son courage et son indéfectible soutien aux femmes n’auront pourtant pas permis à ce projet de loi d’aboutir, resté aujourd’hui en suspens. Cette initiative aura été son dernier et ultime combat pour les droits de la femme. Reposez en paix Monsieur le Président !

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