Commémoration aujourd’hui des évènements du 9 avril 1938 : Un Parlement tunisien acquis au prix du sang

 

A pareille date, ce sont des messages écrits par le sang pur des enfants de la patrie qui doivent nous interpeller, alors que les politiciens de salon, assoiffés de pouvoir qui goûtent aux délices de la patrie, n’hésitent pas à torpiller un nouveau processus de libération nationale.

Avec leurs positions aux contours flous et leurs déclarations vacillantes, ils ne font qu’entretenir la division, alors que les trous d’air sont partout et que les menaces s’abattent de plus en plus sur les frêles épaules de notre pays.
En effet, la bravoure des martyrs et leurs frères d’armes est à prendre en compte pour focaliser les discours creux des détracteurs de notre pays par de vraies promesses teintées de courage. Retour sur une date phare de l’histoire de notre pays.

Un séisme de protestations

L’année 1937 a marqué un séisme de protestations marqué par un cycle manifestations-répression, mouvements de rue et arrestations-mobilisations populaires contre la répression (en Tunisie mais aussi en Algérie). En effet, les autorités coloniales venaient de durcir le ton : les réunions étaient suspendues et les arrestations pleuvaient à l’occasion de ces manifestations. Le 8 avril 1938, le bouillant militant Ali Belhouane (1909-1958) avait été arrêté à la suite de ses discours virulents contre la France coloniale directement sous les balcons de la Résidence de France en présence de milliers de manifestants.
Le lendemain, dans la matinée du 9 avril 1939, une autre mobilisation en signe de solidarité a eu lieu devant le Palais de Justice à Beb Mnara pour protester contre l’arrestation et le jugement d’Ali Belhouane et d’autres militants du Néo-Destour qui furent convoqués par le juge d’instruction français, interrogés et mis en état d’arrestation pour avoir participé à la mobilisation. La nouvelle de leur arrestation provoqua un attroupement des élèves de Sadiki et de quelques étudiants de la Grande Mosquée qui rejoignirent la manifestation devant le Palais de Justice. Ce fut alors une violente irruption des forces armées, avec leurs blindés et leurs balles. Les forces coloniales tirent sur la foule, une grande panique s’empara des manifestants qui laissèrent deux cents morts de La Kasbah à Bab Souika au cours de leur fuite. On recensera après des centaines de blessés, un millier d’arrestations dont les principaux dirigeants du Néo-Destour. L’état de siège est décrété à cause des évènements survenus dans la matinée.
Bourguiba, qui était souffrant et alité chez lui au numéro 1, Place du Leader (ex-Place des Moutons), corrigeait son article intitulé « La rupture » destiné au numéro du dimanche de « l’Action Tunisienne » quand il fut arrêté dans son lit. Il venait de fêter avec sa femme l’anniversaire de son fils, Bourguiba Junior, qui venait d’avoir onze ans (il était né le 9 avril). Il n’empêche, il ne savait pas qu’il n’allait pas tarder à abandonner la morasse pour se retrouver devant le juge d’instruction. « A ce moment-là, je dormais. Mon fils dormait à côté de moi dans son petit lit, lorsque la maison fut littéralement envahie par les gendarmes qui se livrèrent à une minutieuse perquisition et emportèrent même des papiers privés. Le commissaire de police m’invita ensuite à l’accompagner. Je répondis que j’étais à sa disposition mais qu’il me fallait m’habiller. Il me présenta le Docteur Lumbroso qui me déclara que mon traitement serait poursuivi en prison. Je m’habillai donc. Je pénétrai dans la salle de bains pour mettre la ceinture prescrite pour ma hernie. Le commissaire m’y accompagna »,notait Bourguiba dans ses souvenirs.
Au moment de quitter son domicile, Bourguiba se demanda s’il fallait éviter d’effrayer son fils au spectacle des militaires qui emplissaient la maison ou le réveiller pour l’embrasser et lui faire ses adieux. « Je me résolus à ce dernier parti; je ne savais pas au juste si je ne le reverrais jamais. Je lui prodiguai mes encouragements. Je lui déclarai que l’incident était devenu familier et ne devait pas être pris au tragique », avait-il écrit. Il lui rappela Borj Leboeuf et lui recommanda d’être « un homme et d’être attentif à ses études », ajoute-t-il. « Provocation à la haine des races, excitation de la population à enfreindre la loi du pays, provocation dans le but de détourner les obligations militaires, provocation directe aux crimes de meurtre, de pillage ou d’incendie, attaques contre les droits et pouvoirs de la République française en Tunisie, publication de mauvaise foi de fausses nouvelles, complot contre la sûreté de l’Etat », tels sont les chefs d’inculpation. C’est la première fois que Bourguiba joue réellement sa tête. De ce fait, le 9 avril fut un élément déclencheur de la lutte de libération et ouvrit une nouvelle séquence, populaire et radicale, dans cette lutte.

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