Les clubs formateurs sont quasiment en voie de disparition en Tunisie. Les entraîneurs formateurs aussi. Le constat est déplorable et même triste, mais personne ne peut nier aujourd’hui cette dure réalité. C’est le revers de la médaille du professionnalisme depuis qu’il a été installé en 1994. C’est le côté pile de l’argent quand il coule à flots et qui, au lieu de vous inciter à produire davantage, à investir à fond pour le moyen et le long terme, vous offre la solution de facilité : acheter. Le peuple tunisien est de plus en plus un peuple consommateur et les Tunisiens sont de plus en plus des gens pressés. On préfère le prêt-à-porter avec toutes ses imperfections que les vêtements cousus de main de maître, parfaits et surtout durables. Le football ne fait pas exception et est contaminé par cette nouvelle règle de vie. Tous les clubs, grands ou petits, sont présents dans les marchés de transferts de joueurs chaque saison, font le plein durant le mercato d’été et complètent leurs achats et provisions durant le second mercato d’hiver. Du fait de la décision prise cette année par la FTF de ne pas assimiler les joueurs de l’Unaf à des joueurs de nationalité étrangère et de les faire sortir du quota des 8 transferts autorisés par saison, plus de la moitié du onze titulaire de pas mal d’équipes ne sont pas des joueurs tunisiens sortis des centres de formation ou d’âges juniors et même cadets surclassés. La priorité est donnée à la catégorie seniors considérée comme la vitrine, et plus de 90% des recettes, subventions et diverses rentrées d’argent lui sont consacrés. C’est pourquoi cette vitrine est souvent l’arbre qui cache la forêt car, au niveau des jeunes, c’est le laisser-aller, le manque de professionnalisme, la pagaille, parfois même l’anarchie. Comment voulons-nous, dans de telles conditions, que l’entraîneur formateur habité par le rôle et la profession puisse continuer à aimer ce travail de l’ombre et à se dévouer pour celui de base et le produit local et «fabriquer» et mettre sur le marché deux ou trois talents d’exception, deux ou trois petits génies de football. Hormis Larbi Zouaoui et Mondher Kbaïer à l’Espérance, qui font encore du bon boulot, les techniciens formateurs sont de plus en plus monnaie rare. Le travail de l’ombre, loin des feux braqués, des caméras de télévision et de l’actualité quotidienne, cela ne les tente plus.
Lassaâd Dridi, par exemple, a préféré prendre en main l’équipe première de Monastir, où il se bat comme un lion pour faire monter sa cote de popularité et monter en grade. Montasser Louhichi a quitté le CA pour une mission de premier plan à l’ASG, puis au CAB et des challenges plus importants à relever. Skander Kasri fait la navette entre Zarzis, Gabès et Tataouine où son passage à la tête de l’équipe seniors a toujours été apprécié et ses qualités et son mérite reconnus.
Nos minimes, cadets, juniors sont donc confiés sans expérience, sans niveau académique minimum, sans sens de communication, bref sans bagages techniques, et quand on sait qu’ils sont, de surcroît, mal payés, inutile d’ajouter que c’est plutôt du saupoudrage pour camoufler pas mal de lacunes au niveau du travail de formation des jeunes, de détection et de prospection des talents. Même les petits clubs qui s’y attelaient auparavant pour proposer sur le marché chaque année des jeunes joueurs de talent pour renflouer leur caisse, souvent à sec, et survivre sont en train d’abandonner cette stratégie, faute de moyens et de motivation.
Quand on voit que des clubs comme le CSHL, la JSK, pour ne citer qu’eux, qui constituaient par le passé un grand réservoir de joueurs de talent, une mine d’or pour les clubs fortunés ont, à l’heure actuelle, un potentiel humain des plus réduits et souffrent le martyre pour assurer leur survie en Ligue 1, on se rend compte du grand pas en arrière qu’est en train de faire notre football au niveau de la formation de base et des risques de répercussions néfastes que cela pourrait engendrer sur le présent et l’avenir de nos clubs et de nos équipes nationales.
Hédi JENNY
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