La critique de cinéma à quoi sert-elle ? Quel est son impact auprès des professionnels et du public ? Existe-t-elle vraiment ? Si oui, a-t-elle fait son temps ? Doit-on l’enterrer ? Plusieurs questions nécessitent, à notre avis, des éclaircissements.
Une définition s’impose au sujet de critique de cinéma. Qui est critique, qui ne l’est pas ? Un critique est généralement un journaliste spécialisé en la matière. Il doit avoir un background culturel consistant et solide dans l’analyse de l’image, l’histoire de l’art, le théâtre, la danse et la littérature pour pouvoir juger de la qualité esthétique et technique d’un film. Un critique de cinéma est un métier à part entière. Il perçoit son salaire du média qui l’emploie. Or, en Tunisie, aucun média n’est disposé à rémunérer un critique de cinéma. Alors, ceux qui prétendent être des critiques, le font à titre d’amateur.
Les professionnels n’aiment pas la critique. Producteurs, réalisateurs, distributeurs, directeurs de salle de cinéma et attachés de presse ne se servent de la critique que comme force d’appoint pour la promotion du film lors de sa commercialisation. Autrefois, les critiques pouvaient avoir accès aux tournages. Depuis au moins deux décennies, la présence des critiques ou même des journalistes sur les plateaux de tournage n’est pas appréciée. L’impact de la critique est très faible et n’est en aucun cas pris en considération. Pour se faire entendre, certains critiques se sont spécialisés dans l’invective.
Mais avec l’expansion de la presse électronique et les réseaux sociaux, la notion de critique a perdu son sens, puisque chacun peut prétendre être critique. De nombreux professionnels attachent plus d’importance à cette faction et évitent ceux qui se sont spécialisés dans le domaine de la critique. Selon eux, et dans certains cas, les spécialistes pourraient être influents et présenteraient un risque auprès des décideurs. Par ailleurs, le rôle de la critique est moins significatif auprès des spectateurs. Ce n’est surtout pas la critique qui décide de l’avenir d’une œuvre.
Dans tous les cas de figure, les professionnels de cinéma ne tiennent pas compte de la critique tunisienne même si elle est élogieuse. Ils s’appuient souvent sur la critique étrangère pour la promotion de leurs films en salles ou pour l’obtention d’une subvention. A titre d’exemple, on peut lire sur l’une des bandes annonces du film «Weldi» de Mohamed Ben Attia, dont le potentiel commercial est minime, des citations de la critique française uniquement.
Les quelques critiques, qui se comptent sur les doigts, utilisent la critique non pas pour parler des films mais pour autre chose. Les journalistes abordent les films comme une pièce d’un dossier en s’intéressant davantage à sa thématique et ne font pas cas du reste qu’ils ne maîtrisent pas. L’intérêt de ces journalistes seraient de se mettre en valeur plutôt que d’essayer de révéler quelque chose du film.
En Tunisie, il existe depuis 1987 l’Association tunisienne pour la promotion de la critique (ATPCC) dont l’objectif consiste à promouvoir la critique cinématographique alors naissante. Cette association a connu, dans son parcours, des boires et des déboires. Après des débuts prometteurs, elle a tantôt servi de carte de visite pour certains de ses membres, tantôt d’agence de voyages dans divers festivals en Tunisie et à l’étranger. Depuis la fermeture de la Maison de la culture Ibn Khaldoun en 2016 pour réfection, l’Association a perdu son bureau, son budget et ses semblants de critiques de cinéma. Personne ne se soucie de son existence et on se demande à quoi elle peut bien encore servir si ce n’est à des enjeux personnels objets de discorde de ses membres.
Récemment, certains jeunes membres du comité directeur nouvellement élus se sont soulevés contre l’ex-président, qui continue à imposer son diktat et à avoir la mainmise sur l’Association. Pourtant, à y voir de près, l’enjeu est nul. Plusieurs tentatives de récupération de cette association moribonde ont échoué par la faute de certains de ses membres véreux qui ne sont ni des critiques ni des journalistes. Il est temps de mettre un point final à ce genre de fonds de commerce.