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Libre propos: Pourquoi les Maghrébins 

Parmi les surprises de «Doc à Tunis» (1er-5 mai) le film «Ni juge, ni soumise» des réalisateurs belges Jean Libon et Yves Hinant. Produit dans le cadre de la collection franco-belge «Strip-Tease» et diffusé sur France 3, il a obtenu le César du meilleur documentaire 2019. Le film a créé une polémique en Belgique notamment dans le milieu de la justice. Le président du  tribunal de première instance de Bruxelles a comparé le personnage principal du documentaire, la juge Anne Gruwez, à «un singe assis sur un orgue de barbarie».

Au niveau du dispositif, «Ni juge, ni soumise» ressemble comme deux gouttes d’eau à «12 jours» de Raymond Depardon. «12 jours» est un documentaire sur des personnes hospitalisées en psychiatrie sans leur consentement et présentées en audience devant un juge. Entre eux nait un dialogue sur le sens du mot liberté et de la vie. Dans l’un et l’autre film, il n’y a ni commentaire, ni interviews, ni voix off. La caméra discrète se place à distance pour donner à voir une situation. Ce genre de dispositif  a été adopté dans un autre documentaire, «Cornered in Molenbeek» du Belgo-Irakien Sahim Omar Khalifa dont l’action se déroule dans un salon de coiffure projeté dans le cadre de la 1ère session de Gabès Cinéma Fen (13-18 avril 2019).

Le lieu de «Ni juge, ni soumise» peut être comparé à un ring où de part et d’autre se confrontent les personnages qui représentent un microcosme de la société. Dans le cas d’espèce, ce sont des prévenus belges issus de l’immigration qui comparaissent devant la juge. Une juge d’instruction sexagénaire un peu particulière qui vit seule en compagnie d’un rat blanc domestique et consacre tout son temps à son travail. Tantôt affable, tantôt tenace, elle gère les situations des prévenus avec rigueur et précision. 100 jours de tournage, des centaines de rushes et un montage au scalpel pour une durée d’1h40.

L’importance de ce film, réalisé de manière méthodique et avec rigueur, est de dévoiler un milieu impénétrable : celui de la justice et particulièrement le travail du juge d’instruction. Anne Gruwez, qui roule en Citroën 2CV, se rassasie de gâteau à son cabinet où elle passe le plus de temps, est un personnage truculent doté de beaucoup de sang-froid et d’humour. Au fil des auditions, on a droit à un panel de personnages représentatifs des maux de la société belge. Compte tenu de ce qui a été présenté, ces maux proviennent en grande partie des Belges d’origine maghrébine. En effet, ils sont auteurs de la majorité des délits du pays : violences conjugales, infanticide, ravage de la consanguinité  dans la communauté marocaine, départ en Syrie sont les délits des affaires traitées par la juge.

La réalité est plus forte que la fiction. Affligeante par moment.  Une femme explique avec beaucoup de sang froid comment après avoir rêvé de sa belle-mère, elle s’est rendue dans la chambre où dormait son fils de 8 ans. Et elle a passé un foulard autour de son cou pour l’étouffer, l’a traîné dans la cuisine où elle a empoigné un grand couteau pour lui trancher la gorge et voir couler son sang. Elle précise que ce sang était noir, preuve que c’était bien le fils de Satan. Ahurissant !

«Ni juge, ni soumise», qu’il plait ou pas, n’est pas en tout cas politiquement correct. La communauté maghrébine est essentiellement visée. Les réalisateurs martèlent lors du débat qui a  suivi la projection que «ce sont des Belges !». Certes, mais c’est un choix pas du tout innocent qui prouve que cette communauté pointée du doigt ne s’est pas intégrée et qu’ils utilisent la culture musulmane, qu’ils ignorent ou connaissent mal, pour justifier leur geste «criminel».

Par ailleurs, le film gêne dans la mesure où les problèmes des gens sont utilisés comme matière pour faire de l’humour qui dépasse parfois le respect de la dignité humaine notamment la scène où l’on exhume un corps nu d’un mort et qu’on voit un médecin légiste, la scie à la main, prélever des échantillons d’ADN et que la juge d’instruction émet des commentaires peu amènes. La provocation est à son comble. Malgré toutes ces remarques, le film est réussi et reste sujet à toutes les polémiques. 

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