Plateforme «AHMINI» : Quand les femmes rurales accèdent à la dignité

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Depuis le 2 mai, jour du lancement de la plateforme «Ahmini» à Kairouan, c’est une caravane de bénévoles qui sillonne les régions rurales pour aller au plus près des ouvrières agricoles et les enregistrer au nouveau régime qui leur permet d’intégrer le système de sécurité sociale, grâce à une application téléphonique simple, sans déplacement, ni complications bureaucratiques, ni frais administratifs

Le principe est simple, le moteur est noble et le projet permettra de changer la vie de centaines de milliers de femmes rurales et ouvrières agricoles marginalisées dans les campagnes tunisiennes. Le lancement national officiel  a eu lieu le 9 mai 2019, mais la tournée Ahmini a débuté depuis le 2 mai à Kairouan où son développeur, Maher Khelifi, originaire de la région, a pu présenter le projet, l’expliquer et enregistrer les premières bénéficiaires dans la délégation de Chebika. Depuis, la  caravane poursuit son chemin. Le jeudi 9 mai, c’était à Boussalem dans le gouvernorat de Jendouba, en présence du ministre du Tourisme, René Trabelsi, et à Monastir avec le ministre du Transport, Hichem Ben Ahmed. Le vendredi 10 mai, le lancement de la plateforme a eu lieu à Béja dans la délégation de Testour mais également dans la délégation de Mornag dans le gouvernorat de Ben Arous en présence des ministres de l’Industrie, Slim Ferianai, et de l’Agriculture, Samir Bettaieb, et à Bizerte dans la délégation de Mateur.

Même si le coup d’envoi n’a été donné que récemment, cette plateforme était prête et opérationnelle depuis juillet 2018.

La mise en œuvre a été décrétée par le chef du gouvernement Youssef Chahed depuis le 8 mars 2019. Parmi les mesures annoncées à l’occasion de la fête de la Femme, figurait l’entrée en vigueur de cette microassurance qui ferait bénéficier 500.000 ouvrières agricoles de la couverture sociale. Mais c’est un drame, un de trop, qui a permis d’accélérer le processus car il a secoué et endeuillé toute une nation. Le samedi 27 avril, un énième accident a coûté la vie à 12 ouvrières agricoles, allongeant une triste liste de 40 décès et de 500 blessées enregistrées depuis 2015 sur les routes agricoles. Mais les trajets ne sont pas les seuls dangers qui guettent les femmes rurales, et l’urgence des mesures immédiates a dû prendre en compte les vraies réformes nécessaires et vitales pour garantir une vie, et une vie juste et digne pour ces forces nourricières du pays.

Elles sont près d’un million de femmes rurales tunisiennes, 58% sont des ouvrières agricoles qui travaillent pour des salaires journaliers de 10 DT en moyenne. 90% de ces ouvrières saisonnières et occasionnelles ne bénéficient d’aucune couverture sociale, et n’ont droit ni à la  retraite ni aux soins. Pourtant, toutes continuent à travailler par nécessité jusqu’à épuisement et parfois jusqu’à la mort.

Ce fut le cas de Fattouma, la mère de Meher Khlifi, concepteur et développeur du projet baptisé “Ahmini” (protège-moi). Cette microassurance  permettra aux femmes rurales d’accéder à une couverture sociale, une carte de soins gratuits et une pension de retraite et veuvage.

«Ahmini est un régime qui permet à ces ouvrières agricoles de cotiser  pour payer leur assurance, quand elles le peuvent, partout où elles se trouvent au moyen du versement de  1 DT  minimum (avec un minimum de 17 DT par mois cumulables).Une fois inscrites sur la plateforme, les ouvrières utilisatrices sont systématiquement affiliées à la Cnss et bénéficient d’une couverture sociale et d’un accès aux soins, indique Meher Khlifi. Il ajoute : “Les procédures d’enregistrement ont été simplifiées au maximum, il suffit de se munir d’une carte d’identité nationale et d’un certificat de travail agricole fourni gratuitement par les cellules d’information et d’orientation agricoles présentes sur tout le territoire”.

Maher Khlifi est le fils d’une de ces ouvrières agricoles qui, faute d’accès aux soins, est décédée d’un cancer en 2016. C’est en hommage à Fattouma, sa mère (paix à son âme) et aux nombreuses autres victimes de maladies, d’accidents et aux invalidités en milieu rural que l’ingénieur s’est obstiné à travailler jusqu’à ce que le projet voie le jour. A la date du  10 mai 2019, ce sont près de 5.000 ouvrières agricoles qui ont été enregistrées et bénéficieront instantanément de la couverture sociale et de l’affiliation à la Cnss.

Ahmini permettra d’intégrer les 90% des femmes rurales et ouvrières agricoles qui n’ont pas de couverture sociale à la Cnss. En abolissant les barrières bureaucratiques et parfois géographiques (éloignement des zones rurales par rapport au bureaux de la Cnss) et en mettant en place un système de paiement et de cotisation facile et adéquat, les ouvrières et les femmes rurales  pourront adhérer et cotiser à distance avec un simple téléphone portable (85% en sont équipées.) et d’une façons très simplifiée. Un pas de fait, mais d’autres restent à faire pour améliorer le quotidien et la vie de ces femmes qui contribuent majoritairement (70%) à garantir la sécurité alimentaire et la production agricole mais souffrent de discrimination, de marginalisation, de mauvaises conditions de travail, d’inégalité des salaires et d’appauvrissement.

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