Qui a dit qu’été rimait avec oisiveté pour les jeunes de 20-35 ans ? Lessivés par l’année universitaire pour la plupart, ils / elles prennent le temps de décompresser, se détendre et s’occupent autrement pendant la nuit. Une chose est sûre : les longues journées chaudes et les courtes soirées d’été ne connaissent point de répit.
Eté va de pair avec fêtes
Recherche costumes kitch désespérément, coups de fil à la pelle, préparatifs à la hâte pendant un lundi. En ce début de soirée, Molka, 27 ans, s’arrange tant bien que mal avec ses amis pour ne pas rater un événement festif pas comme les autres du côté de la banlieue nord de Tunis : il s’agit d’une soirée kitch des années 80/90 où sont attendues près de 400 personnes dans un temple de la nuit très prisé. Nejib Belkadhi est aux platines pour leur faire vivre un bond musical dans le temps : le déguisement ou l’habit kitch est obligatoire s’il vous plaît, et on ne peut pas dire que les conviés n’y sont pas allés de mainmorte : toutes et tous étaient aux aguets pour vivre le moment présent et prêts à faire la fête pendant une bonne partie de la nuit. Demain, c’est lundi, la plupart travaillent, d’autres feront sans doute la grasse matinée. Mais ce n’est guère grave, l’important est de vivre le moment présent. Voici un aperçu de ce que peut vivre une partie de la jeunesse tunisienne, qui a soif de quotidien gai et d’ondes positives, dans un climat actuel politique et sécuritaire tendu pour la plupart. La fête pour déstresser et se détendre oui, mais, pour beaucoup, faire la fête devient aussi une manière de résister aux affres des temps durs, et valider ses vacances en Tunisie reste primordial malgré tout, quand on ne peut pas s’offrir un voyage à l’étranger.
En mode foot !
Simultanément, les endroits avoisinants et d’autres éparpillés partout ailleurs regorgent aussi de jeunes mais pas du tout pour la même raison : l’été 2019 est vécu aux rythmes des parties de football interminables : la nation et le continent africain vivent en mode CAN. La Coupe d’Afrique des nations attise la foule : jeunes femmes et jeunes hommes passent parfois des après-midi entiers à attendre les matchs de la Tunisie, qui provoquent réactions collectives diverses et débats interminables. Une bonne partie de ces jeunes passionnés s’arrangent pour s’organiser un plan foot en groupe dans un endroit où il fait bon manger, ou déguster des boissons en même temps. Mieux, un endroit où il est possible de profiter de la plage, de la mer ou d’une piscine, ferait amplement l’affaire : entre deux mi-temps, l’idéal est de plonger, se rafraîchir par ce temps caniculaire. Le foot touche tout le monde : toutes classes sociales confondues. Même dans les cafés maures, populaires et partout sur le territoire tunisien ou dans le monde entier, le foot mobilise, rapproche fortement et incite à la consommation : Foued, 29 ans, ne rate pas une partie de football. Pendant toute la Coupe, sa table est réservée dans un café populaire situé dans son modeste quartier, son narguilé quotidien et son verre de thé sont installés quotidiennement sur sa table «réservée». Des amis le rejoignent ensuite pour des retrouvailles fréquentes et bruyantes : qui a déjà dit que le football était l’opium des peuples ? Ce n’est pas faux…
S’adonner à la consommation dans des endroits plaisants est très fréquent pendant l’été, peu importe le sexe, l’âge et la classe sociale. Consommer oui, mais pas aux mêmes degrés : s’offrir des cafés n’est pas comme partir en soirée, comme celle citée ci-haut, où il faudrait consacrer un budget précis si des jeunes voudraient s’y rendre beaucoup plus souvent.
Les festivals d’été, l’autre lubie
Toujours dans la même lignée des festivités, à partir du 10 juillet, place à la programmation attendue de la plupart des festivals tunisiens : Carthage débute le 11 juillet avec «Le Lac Des Cygnes» du ballet russe de Saint-Pétersbourg, tandis qu’à Hammamet, une première théâtrale attendue signée Jamel Madani ouvrira le bal : Il s’agit de «Messages de Liberté». De grandes personnalités sont programmées cet été comme à l’accoutumée : la tradition des festivals est en effet profondément ancrée dans les habitudes des jeunes pendant l’été. Mohamed et Manel, un couple de fiancés, ensemble depuis des années, ne se privent pas de soirées festives.
«On cherche des têtes d’affiches, des spectacles inédits, divertissants, de qualité, et on s’y prend à l’avance, côté budget : pour nous, voir le maximum de spectacles pendant l’été est obligatoire : ça nous permet de nous occuper, de partir à la découverte, de voyager à travers la musique et les arts, d’échanger et de rencontrer des gens. Après, on se rue vers le marchand de glace le plus proche, histoire de nous rafraîchir avant de rentrer», commente Manel en riant. Mohamed enchaîne : «Franchement, à quoi ça sert de passer ses nuits caniculaires enfermés chez soi, à dormir ou à flâner dans un café populaire, à jouer aux cartes et à parler de tout et de n’importe quoi avec n’importe qui, alors, qu’un peu plus loin, le quotidien peut être tellement trépidant, enrichissant?». Cette année, la plupart des gouvernorats vivent au rythme des festivals internationaux et locaux. De Sidi Bouzid à Bizerte, le peuple tunisien est gâté et sa jeunesse encore plus.
Partir à la découverte de nouveaux horizons
Pour un grand nombre de jeunes, partir en voyage en Tunisie ou à l’étranger est vital et ils s’y prennent à l’avance : congés pour les employés, fin de thèses et de soutenances validées avec succès pour d’autres, actuellement, place aux évasions.
A l’échelle locale, les maisons d’hôtes sont en vogue : s’évader de la vie urbaine stressante dans un coin isolé est le meilleur moyen pour beaucoup de se retrouver entre proches et de se couper du monde pendant une bonne période. Pourquoi les maisons d’hôtes ? : «Parce que le rapport qualité-prix est bien meilleur que de se retrouver dans un complexe hôtelier qui coûte trop cher pour pas grand-chose : trop souvent, on est déçu par le service qui laisse à désirer, la saleté et la clientèle bruyante et désagréable : on préfère payer pour se retrouver dans un endroit calme où on est sûr de bien profiter de ses moments en or entre nous, mieux que de prendre un risque aussi élevé de gâcher nos vacances dans un hôtel ailleurs.
Autant laisser les hôtels aux vacanciers de masse et aux étrangers qui adorent flâner dans des hôtels sans faire grand-chose d’autre!», commentent Sarah, Wiem et leur frère Sami. Agés de 24 à 28 ans, ils sont frères et sœurs et invitent chaque été cousins et amis dans une maison d’hôte, loin de la capitale et de leurs quartiers respectifs pour une évasion garantie. «S’il faut tout claquer, autant le faire dans un très bon plan et ne pas avoir de regrets après». D’autres s’accordent le voyage de l’année à l’étranger, mais pour y arriver, les économies sont de mise et il faut s’y prendre à l’avance, pendant l’année. «Il devient de plus en plus difficile de voyager de nos jours : ça coûte de plus en plus cher avec la dévaluation du dinar et les formalités du visa de plus en plus difficiles à faire pour des destinations européennes, asiatiques ou ailleurs», commente Salah, 30 ans, ingénieur, adepte de voyages divers depuis si longtemps qui cite : «Pour quelqu’un comme moi qui voyage depuis longtemps, on sent la différence : voyager n’est plus à la portée, hélas, mais je m’accroche. Ne pas m’offrir au moins un voyage par an me rendrait fou».
Le travail et les études n’empêchent pas les jeunes de nos jours de profiter pleinement des vacances d’été, chacun à sa manière, à son rythme, en couple, en solo, en groupe, entre collègues ou en famille, tout est question d’organisation et de moyens : en effet, tant que le porte-monnaie le permet, rien ne les empêche de croquer le mois de juillet et d’août à pleines dents.