«Le bavardage dit-on est l’écume de l’eau. L’action, elle, est une goutte d’or».
Cette CAN 2019 est bouclée. On a promis de faire le bilan. Nous espérons que ce sera fait avec droiture et sans passion ni émotivité superflues pour en tirer les meilleures conclusions.
L’ivresse qui s’était emparée de millions de personnes était difficile à peindre. Elle était devenue dangereuse à force de remuer ces discours patriotiques qui laissent des traces. Le football, opium des peuples, tel qu’on aime le qualifier, a permis, l’espace de quelques semaines, à tout un pays de vibrer à l’unisson.
Cette ferveur était bien à l’image de la déception qui a réduit à néant des espoirs nourris par les promesses qu’il était difficile de tenir. Au lieu d’expliquer que l’équipe de Tunisie avait un ensemble intéressant, formé de bons joueurs, on a complètement changé de discours pour monter à l’assaut du titre continental. Rien de moins. On a oublié les énormes bêtises défensives, les ratés en attaque, la condition physique défectueuse et surtout l’ambiance générale qui régnait au sein du groupe. Les «photos» dont on inondait la toile pour assurer le public que tout allait pour le mieux, les déclarations, les «informations» distillées pour annoncer tel ou tel joueur au sein d’un grand d’Europe ont fait le reste.
Tout ce monde était intoxiqué par cette ambiance artificielle qui a entretenu l’espoir, et orienté les regards vers le podium. On pourra toujours prétendre que c’est légitime. Dans un combat, l’influence à exercer sur l’adversaire est importante. Mais il y a une façon de le faire sans ces fanfaronnades et cette arrogance qui ont faussé toutes les données.
Une bonne équipe
A la veille du départ pour cette CAN 2019, nous savions tous qu’on avait une bonne équipe composée de joueurs qui ne figurent certes pas parmi l’élite mondiale, mais des éléments qui possèdent un joli potentiel, capables de tenir la dragée haute à n’importe quel adversaire. La preuve, nous l’avons vue face au grand Ghana qui a été pris à la gorge et obligé d’abdiquer.
En sport, nous savons tous que pour prendre au sérieux une performance, il faudrait la refaire. Notre équipe a essayé de s’imposer, mais la maladresse, pour insuffisances techniques et non pour autre chose, a fini par avoir raison de son courage face à une équipe du Sénégal qui ne s’attendait pas à ce don du ciel. A au moins trois occasions inratables, ils se voyaient de retour à Dakar. N’était le buteur qu’ils ont fini par dénicher dans nos rangs. Mais…vous connaissez la suite.
Objectif atteint
Tout le monde était donc d’accord sur l’objectif fixé. Cet objectif a été atteint. Les quarts de finale devaient être une satisfaction pour tous. Ce fut le cas, mais beaucoup plus que les résultats, c’est la manière de voir évoluer cette formation sans cesse remaniée, qui a le plus marqué les esprits.
Le début catastrophique de notre sélection qui s’était qualifiée au prix d’un extraordinaire concours de circonstances, a énormément agi sur le comportement futur de ses joueurs qui, en dépit de leurs efforts, ont présenté des visages différents d’un match à l’autre. La composition des équipes, présentées a laissé à désirer.
On ne peut à ce propos négliger les estimations et les sentiments des grands joueurs et techniciens qui ont un vécu un passé et une solide expérience. On ne peut prétendre que tous ces techniciens et observateurs avertis ont tort, et que seul Giresse et ses adjoints ont raison. Nous y avons vu des éléments qui ne méritaient même pas d’être sur le banc. Ils ont été titularisés, une deux, trois fois, alors qu’ils tiraient la langue. Sur le banc, des joueurs frais, à la valeur incontestable, mangeaient leur pain noir.
Impardonnable
Comment expliquer cette discrimination ? C’est impardonnable. On pourra donner n’importe quelle explication ou justifications, on ne convaincra personne.
De toutes les façons, la déclaration du préparateur physique (?!) était suffisante pour résumer la situation. L’équipe de Tunisie a été mal préparée. Nous l’avions signalé sur ces mêmes colonnes. Les raisons c’est aux techniciens de les trouver. Cela pourrait aller de l’exigüité du temps imparti, à l’état physique des joueurs qui venaient de différents horizons. Et ensuite, la chaleur, dont a fait un handicap, à part les joueurs opérant en Europe, le reste de l’effectif y est habitué. Au golfe il neige rarement et nous avons bien joué en plein ramadhan par une chaleur suffocante.
De toutes les façons, le fait de choisir la saison chaude pour le déroulement des CAN, pour permettre aux équipes nationales des différents pays de disposer de tous leurs joueurs, libérés sans contraintes par leurs clubs, est une mauvaise opération qui déteindra immanquablement sur la qualité du jeu. Il faudrait faire avec et s’adapter.
Bien entendu, alors que l’objectif a été atteint, le premier à ne pas comprendre ce qui se passe et la levée de bouclier qui a suivi l’élimination est bien Giresse. En fin de compte on n’a rien à lui reprocher à ce propos. Il a fait le boulot.
Des erreurs successives
Le sélectionneur a commis la première et la plus lourde des bévues, en se laissant convaincre qu’il devait retirer Ben Mustapha après sa gaffe. Le fait de le remplacer par un joueur qui peine à se trouver une place au sein de son équipe a complètement bouleversé les estimations. Et nous savons tous que sans un grand gardien de but à forte personnalité, aucune défense ne peut tenir le coup.
Ce qu’on lui reproche également, c’est d’avoir cédé à on ne sait quelles incitations personnelles ou extérieures pour faire des choix plus que discutables pour la composition de son « onze ». Il n’a pas été aidé par ses « adjoints » dont le comportement souvent intempestif a accru ce sentiment de doute et même de suspicion. On ne saura jamais la vérité, et dans ces circonstances, il y a toujours des fusibles qui sautent. Nous en saurons davantage, dans les prochaines semaines car il nous semble qu’il ne faudrait pas prendre des décisions extrêmes pour satisfaire la galerie, mais pour permettre à cette équipe de se bonifier.
Trahie par les siens
L’équipe de Tunisie a été en effet trahie par les siens. Il y a trop de mains qui la tripotent à tous les niveaux. On en a fait un favori en dépit d’un début de tournoi catastrophique. On a nourri l’espoir et entretenu superficiellement cet engouement fou, légitime, passionné de ses supporters qui ont fini par se rendre à l’évidence. Le sport de haute compétition est difficile. Il ne pardonne pas l’absence de conviction. L’ambiance régnant entre le personnel d’encadrement et les responsables finit toujours par déteindre sur les joueurs.
La bonne volonté, les bavardages qui ne mènent à rien, les promesses ne suffisent pas. Les gesticulations qui malheureusement continuent à accaparer et à chahuter la bonne ambiance, offrent des brèches d’où s’introduisent tous ceux qui voudraient s’en servir. Il lui faut un assainissement de son milieu ambiant, une définition des rôles et des responsabilités, un choix d’hommes compétents et à principes et surtout la mise à l’écart de ceux qui empoisonnent l’atmosphère par leur interventionnisme impénitent.
Pourquoi avons-nous l’impression de nous redire ?