En temps normal, la vie politique semble ne pas intéresser la jeunesse tunisienne bien qu’elle ait assisté à pratiquement toutes les étapes de la transition démocratique postrévolutionnaire. Mais en temps exceptionnel marqué par la disparition d’un leader politique ayant massivement contribué à la construction des piliers de l’Etat tunisien moderne, la donne a changé et ces jeunes sont nombreux à réagir à cet événement majeur. En effet, outre l’émotion et le chagrin, ils ont exprimé leur peur et leur méfiance de voir le processus démocratique déstabilisé après la mort d’une figure ayant toujours opté pour l’équilibre dans le paysage politique tunisien.
Nesrine, 25 ans, étudiante en pharmacie
«Je m’y attendais, avec toutes les rumeurs auparavant. Ce n’était pas une grande surprise. Je suis un peu inquiète que sa mort arrive en pleine période électorale car même s’il n’était pas parfait, il maintenait, tout de même, une certaine stabilité de l’Etat tunisien. J’attends de voir la suite, qui risque d’être très mouvementée, car en Tunisie en l’absence d’équilibre et de voix de la sagesse, les politiciens pourraient tomber dans le pire»
Motaz, 23 ans, activiste dans la vie associative
«Je pense qu’il serait difficile d’exprimer ce qu’on ressent après sa disparition, car même si son mandat et ses choix politiques ne faisaient pas l’unanimité, il était comme le père de la nation. Et nous craignons, nous les Tunisiens, de voir le peuple se diviser tout au long de la prochaine période, notamment pendant les élections, et en l’absence de cette référence politique les choses peuvent ne pas aller dans le bon sens»
Imene, 29 ans, fonctionnaire
«Comme tous les Tunisiens, j’étais attristée par la nouvelle. Il ne représentait pas seulement le président de la République, mais une sorte de protecteur et une voix de la Tunisie moderne et ouverte. Je ne partageais pas beaucoup ses positions, mais il était pour moi un des derniers véritables hommes d’Etat, qui a soutenu la Tunisie à des moments critiques, défendu sa jeune démocratie à sa façon, et s’est donc fait une place parmi les grands de l’histoire de cette nation».
Henda, 20 ans, étudiante en gestion
«C’est une page de l’histoire qui se tourne. Je pense que sa mort était prévisible au vu de son état de santé qui ne cessait de se dégrader, mais je suis vraiment heureuse pour lui, car il est sorti par la grande porte, en tant qu’homme d’Etat. Pour ce qui est de la période post-Caïd Essebsi, je pense que les Tunisiens sont assez responsables et patriotes pour dépasser cette période critique. D’ailleurs, on a donné l’exemple lorsque la passation de pouvoir s’est faite rapidement et doucement»
Mohamed, 23 ans, informaticien
«Franchement, il ne représentait rien pour moi, ni lui, ni toute la classe politique d’ailleurs, mais sa disparition nous a tous marqués. C’est après tout un homme d’Etat qui vient de nous quitter. Espérons que les Tunisiens resteront unis comme nous l’avons constaté le jour de son décès et ne tomberont pas dans le piège des tiraillements politiques».
Rania 23 ans, étudiante en médecine
« Je regrette vraiment sa disparition, mais malheureusement il représentait toute la classe politique que les jeunes ont toujours critiquée. Pourtant, le jour de sa disparition il est parvenu à unir son peuple, comme il a toujours essayé de le faire d’ailleurs. En tant que jeune Tunisienne, je garderai de bons souvenirs d’un président qui a toujours eu le sens de l’humour. Espérons que Mohamed Ennaceur réussira à mener à bien cette période intérimaire. Sinon, on risque de tomber dans le chaos, et en l’absence de père, on craint le pire »