Accueil Culture Entretien avec Chiraz Latiri, directrice générale du Centre national du cinéma et de l’image (CNCI) : La réalité virtuelle fait ses premiers pas aux JCC

Entretien avec Chiraz Latiri, directrice générale du Centre national du cinéma et de l’image (CNCI) : La réalité virtuelle fait ses premiers pas aux JCC

Chiraz Latiri a lancé le département digital au Cnci en mettant en place le «créativ digital lab». L’idée a fait son chemin et aujourd’hui les JCC, dont l’ouverture aura lieu ce soir, abriteront pour la première fois une section «Carthage Digital» consacrée à la réalité virtuelle. Elle nous en parle.

Cette année, les JCC abritent une nouvelle donnée dans le cinéma dans la section «Carthage Digital» qui consacre la réalité virtuelle en Tunisie…
Cette édition consacrée à feu Nejib Ayed est particulière sur tous les plans. Aussi bien sur l’organisation, le contenu mais aussi sur l’émotion qu’elle suscite pour nous. Avant son départ, Nejib Ayed a tracé les grandes lignes du festival et presque 80% des décisions ont été prises. Cette année, donc, il a été décidé de lancer une section «Carthage Digital» pour la première fois aux JCC. La section «Carthage Digital» est née avec Nejib Ayed, un homme d’une grande ouverture. Quand je suis arrivée au Cnci, j’ai créé le département digital et on a mis en place le «Créativ digital lab». Pendant la cohabitation des JCC avec le digital lab, Nejib Ayed au début me disait : «C’est quoi cette histoire de Digital, tu dois nous laisser les espaces…», il se demandait si c’était vraiment la mission du Cnci. Je répondais que le cinéma aussi était dans le digital. Il m’a répondu alors «on verra bien,…». Mais Nejib Ayed avait le sens de l’observation et était toujours présent quand on l’invitait au Digital lab. Il voyait cette dynamique autour des industries digitales créatives. C’était quelqu’un qui ne disait jamais un non catégorique à une initiative et qui avait un grand sens de la curiosité artistique et intellectuelle. Il prenait son temps avant de prendre une décision. Jusqu’au jour où j’ai vu que dans tous les grands festivals il y avait une section «VR». Cela a commencé alors à l’intéresser.
Cette année pendant le festival de Cannes, il y a eu une part belle pour ce genre de cinéma, mais c’est surtout en regardant la section de VFX dans le film de Ala Eddine Slim qu’il a été convaincu que, aujourd’hui le cinéma se fait autrement et que les nouvelles technologies s’imposent dans le septième art. Après Cannes, on s’est mis d’accord pour créer cette petite section qui fait ses premiers pas. Vers le mois de juillet, nous avons organisé un séminaire autour de VFX et des nouvelles technologies dans le cinéma. J’avais envoyé un mailing list à tous les professionnels et il n’y a que lui qui a assisté à ce séminaire. Il a pris la parole pour féliciter toute cette jeunesse qui manipule les nouvelles technologies. Il leur a annoncé que cette génération aux cheveux blancs doit absolument se réveiller et regarder ce qui se passe et cela m’a beaucoup touchée…
  
En quoi consiste cette section ?
C’est une section de vulgarisation de concept, appelée à évoluer l’année prochaine et à montrer ce qu’on peut faire avec la réalité virtuelle en utilisant un contenu tunisien. Il s’agit d’une session fondatrice. Il y aura des conférenciers pour parler des effets spéciaux et de la VR. Il s’agit de familiariser les Tunisiens avec ces concepts, après chacun fait son cinéma comme il veut. Il s’agit aussi de montrer qu’il y a des compétences tunisiennes qui maîtrisent cet art. Pendant le festival de Gabès, on a donc montré des films courts en VR (dont un film sur les souffrances des femmes yazidies), j’ai invité Dorra Bouchoucha à voir cette expérience. Elle a trouvé cette nouvelle expression très intéressante. Je me suis dit : si je suis arrivée à toucher Nejib Ayed et Dorra Bouchoucha qui représentent une génération très attachée au cinéma conventionnel et pour qui la digitalisation peut nuire aux fondamentaux du cinéma, je peux donc toucher toute une autre génération de producteurs et de réalisateurs avec cette petite section fondatrice qui aura son stand sur l’avenue Habib-Bourguiba.

Le projet Sentoo vient de tenir sa deuxième résidence à Tunis…
C’est l’un des plus beaux projets du Cnci et il me tient vraiment à cœur. Sentoo est né au festival de Cannes 2018. On s’est dit pourquoi avons-nous toujours concrétisé des accords avec le Nord mais jamais avec le Sud et avec l’Afrique. A Cannes, j’ai profité des rencontres et il y avait six pays partants pour construire cette plateforme qui a abouti sur Sentoo (Espoir en wollof) qui consiste à accompagner six projets de six pays différents en phase de développement avec trois résidences qui se passent au Sud avec des mentors du Sud. Les projets iront ensuite chercher des fonds du Nord, mais ils auraient gardé au moins une identité africaine au moment du développement. Ces six pays sont la Tunisie, le Maroc, le Sénégal, le Burkina Faso, le Mali et le Niger. La première résidence a eu lieu à Dakar, la deuxième à Hammamet et la troisième sera à Marrakech. Le programme de cette première session sera bouclé en décembre. Lors des JCC il va y avoir une réunion des partenaires Sentoo lors de laquelle on va élargir le programme vers la Côte d’Ivoire et le Togo. Notons que chaque projet a un fonds de 5.000 euros de développement avec un contexte décent et confortable pour que le réalisateur développe son projet. Sentoo est un projet dont nous sommes fiers et qui commence à faire parler de lui et c’est la première fois aussi où des CNC de différents pays arabes sont impliqués ensemble.

«L’arab film institute commission» vient de lancer sa propre palteforme…
L’Arab film institute commission (Afic) rassemble les directeurs des CNC arabes qui jusque-là se contentaient de se saluer dans les festivals. On s’est donc rassemblés pour donner du sens aux institutions arabes avec des programmes clairs et des actions précises. C’est la création de l’institut du film palestinien et sa participation à Cannes qui nous a motivés. L’Afic rassemble donc sept pays arabes qui sont : la Tunisie, le Maroc, l’Algérie, le Liban, la Palestine, la Jordanie et l’Egypte. On cherche à avoir les Syriens avec nous, mais ce sont parfois les dimensions politiques qui nous retardent, toutefois, on est très compréhensifs par rapport à leur contexte. Parmi les actions phare de l’Afic, il y a la Semaine du film arabe, à l’instar de la semaine du film européen et cela se passe dans tous les pays membres de l’Afic. Nous avons également lancé l’Arab film plateforme qui a une autre philosophie différente de Sentoo. L’esprit est toujours fédérateur et à l’affût de nouveaux talents mais différemment. C’est-à-dire que dans le monde arabe, il y a beaucoup de Lab qui sont portés par des ONG ou par des associations de Type Sud écriture en Tunisie, Darchour en Egypte, la Ruche documentaire au Maroc et Raoui en Jordanie. Avec ces partenaires, on a construit cette plateforme qui consiste à sélectionner des projets. Ensuite, chaque projet est encadré par l’un de ces Lab et c’est le Cnci de l’un des pays qui prend en charge le coût de cette participation.

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