Accueil Actualités Rencontre avec Louise de Sousa, ambassadrice du royaume-uni en Tunisie, et Philip Parham, envoyé spécial du Sommet britannique sur l’investissement en Afrique : «De nouvelles perspectives de coopération entre la Tunisie et le Royaume-Uni»

Rencontre avec Louise de Sousa, ambassadrice du royaume-uni en Tunisie, et Philip Parham, envoyé spécial du Sommet britannique sur l’investissement en Afrique : «De nouvelles perspectives de coopération entre la Tunisie et le Royaume-Uni»


Après sa sortie définitive de l’Union européenne prévue en mars prochain, le Royaume-Uni se penche actuellement sur l’expansion
des investissements privés dans les pays en développement. Dans une optique de multiplier les opérations et échanges économiques
avec le continent africain, et adoptant un discours axé autour de l’ouverture sur les pays de ce continent, Londres s’apprête à organiser
un sommet sur l’investissement en Afrique en janvier prochain. La Tunisie a été choisie parmi les 20 pays qui vont prendre part à ce prestigieux rendez-vous économique. C’est dans ce cadre que Philip Parham, envoyé spécial de ce sommet, effectue une visite en Tunisie. Nous étions reçus, dans ce contexte, à la résidence de l’ambassadeur du Royaume-Uni à Tunis, où nous avons discuté avec cet envoyé spécial du sommet en question qui s’annonce extrêmement utile pour la Tunisie, si elle ambitionne de devenir la porte d’entrée pour le Royaume-Uni au continent africain. Nous sommes également revenus avec Son Excellence l’ambassadrice du Royaume-Uni en Tunisie, Louise de Sousa,
sur les perspectives de coopération bilatérale entre les deux pays.


Pouvez-vous nous en dire plus sur votre visite en Tunisie qui intervient dans le cadre de la promotion du sommet qu’organise Londres sur l’investissement en Afrique.
Philip Parham : Ma visite intervient dans le cadre de la préparation du Sommet sur les investissements en Afrique qu’organise Londres le 20 janvier prochain. La Tunisie est l’un des pays invités à prendre part à ce rendez-vous, nous nous sommes réunis avec différents acteurs économiques dont notamment des chefs d’entreprise et avec, d’une façon générale, les représentants de la communauté économique et des affaires en Tunisie, y compris la Chambre tuniso-britannique de commerce. Ils nous ont tous présenté des conseils et de recommandations précieux pour la tenue du Sommet. Nous avons également visité un incubateur et un accélérateur portant sur le domaine des startup et du digital. Nous avons également prévu de nous réunir avec des représentants gouvernementaux tunisiens pour pouvoir discuter d’autres aspects.

Quelle est l’utilité de cet événement pour le continent africain, notamment dans une conjoncture économique marquée par de forts taux de croissance dans certains pays ?
Philip Parham : Vous avez raison quand vous parlez de cette croissance fulgurante enregistrée dans certains pays africains, huit des quinze économies mondiales qui enregistrent les taux de croissance les plus rapides sont en Afrique, mais nous estimons que pour l’instant, le flux d’investissement ne reflète pas cette conjoncture économique marquée par ces importants taux de croissance. 4% seulement du flux mondial des investissements étrangers directs vient en Afrique. L’intention de ce Sommet est de pouvoir utiliser les outils disponibles au Royaume-Uni pour pouvoir accroître ces flux d’investissement dans le continent africain. Il n’est pas question de croître simplement le volume de ces investissements, mais nous envisageons également d’améliorer leur qualité.

Il s’agit également d’une opportunité pour le Royaume-Uni, n’est ce pas ?
Philip Parham : Bien évidemment car nous sommes dans une approche d’établissement de partenariats durables pour les deux côtés, qui doivent fonctionner sur la base de l’intérêt mutuel. Nous croyons qu’il existe plusieurs opportunités qui n’ont pas été jusque-là exploitées. A partir de l’organisation de ce Sommet, nous voulons que le gouvernement britannique vienne avec une meilleure compréhension du contient africain, pour savoir comment commencer et entamer des opportunités et comment également corriger certaines idées reçues sur les risques dans ce continent. Nous voulons aussi que les gouvernement et acteurs économiques africains en bénéficient pour mieux connaître les sources d’investissement et de financement au Royaume-Uni.

Comment en bénéficiera concrètement la Tunisie?
Philip Parham : Je pense qu’il s’agit d’une opportunité pour la Tunisie, comme pour les autres pays participants. La Tunisie, à travers ses acteurs économiques et gouvernementaux qui vont prendre part à ce Sommet, doit expliquer les opportunités d’investissement dont elle dispose. La Tunisie doit également promouvoir son contexte économique qui est riche en compétences et en talents, notamment dans le domaine du digital et des startup. Nous pensons dans ce sens que l’événement du mois prochain va annoncer un grand changement dans l’approche de collaboration et dans l’amélioration des relations d’affaires entre la Tunisie et le Royaume-Uni.

Donc dans ce sens, compte tenu de la spécificité de son expérience démocratique, la Tunisie aura-t-elle un statut ou un rôle privilégié dans ce Sommet ?
Philip Parham : Dans le contexte de ce Sommet bâti autour de l’investissement et des affaires, la démocratie fournit le cadre général portant sur la transparence, la responsabilité et la redevabilité des partenaires de l’Etat, ce qui, forcément, impacte l’environnement des affaires et attire les investisseurs reflétant un marché stable. C’est certainement ce cadre qui attire le plus les investisseurs qui veulent s’installer en Tunisie.
Louise de Sousa: Il s’agit certainement, dans ce contexte de construction démocratique, d’une grande opportunité pour la Tunisie, comme pour le Royaume-Uni de consolider les relations et les partenariats bilatéraux. Nous considérons que la plus grande barrière de développement de coopération entre les deux marchés s’avère le manque de connaissance et le manque de réflexion. Il est vrai que le gouvernement britannique avait beaucoup plus travaillé avec les pays anglo-saxons, mais il est temps que les choses changent, il est temps de dépasser ces barrières. Les deux secteurs privés des deux marchés vont se rencontrer et discuter, et nous sommes confiants que plusieurs opportunités de coopération vont se manifester à la lumière de ces discussions et sessions de travail. Avant la révolution, les investissements britanniques en Tunisie étaient centrés sur des secteurs limités. Mais aujourd’hui l’économie tunisienne a besoin de diversification des investissements. Nous pensons qu’il y a une certaine complémentarité entre les deux marchés. Nous considérons que nous sommes au début d’une découverte prometteuse du marché tunisien.

Evoquons la coopération tuniso-britannique. Comment évaluez vous ses différents aspects, et que peut-on améliorer ?
Philip Parham : Nous estimons que l’économie tunisienne est diversifiée et cela constitue déjà une opportunité. Mais comme les autres pays africains, la Tunisie a besoin d’assurer des postes d’emploi. Le prochain Sommet sera sans aucun doute une occasion pour séduire des investissements qui pourront résoudre ces problèmes d’employabilité. Ce sommet va permettre aussi aux Britanniques de voir les choses plus clairement, et c’est une occasion pour les deux parties d’améliorer les réalités de leur coopération économique.

En octobre dernier, le 2e Forum tuniso-britannique sur le commerce et l’investissement s’est tenu à Londres. Comment évaluez-vous ses résultats ?
Louise de Sousa : C’était une autre opportunité pour renforcer les liens entre les hommes et femmes d’affaires des deux pays. Nous avons pu observer un intérêt d’investissement en Tunisie dans le domaine financier et dans le domaine agroalimentaire.

Quels sont les secteurs qui attirent le plus les investisseurs britanniques en Tunisie ?
Philip Parham : Nous avons déjà évoqué la question de l’économie numérique, c’est la chose que j’ai remarquée le plus en Tunisie. Mais il y a aussi les domaines de l’agriculture, tout ce qui est domaine manufacturier, énergies renouvelables, etc. Il y a de grandes opportunités d’investissement en Tunisie.
Louise de Sousa: J’ajoute que nous sommes aussi intéressés par les énergies dites traditionnelles, comme le pétrole et tout. Nous étions toujours présents à ce niveau-là en Tunisie à travers plusieurs sociétés et compagnies. Il y a aussi un grand intérêt dans le secteur éducatif et linguistique en Tunisie. J’évoque notamment des possibilités d’échange et d’investissement dans des projets culturels et linguistiques en Tunisie, d’autant plus que les Tunisiens doivent améliorer leurs compétences linguistiques en langue anglaise pour pouvoir être présents sur le marché mondial.

Quelles retombées aura le Brexit sur la coopération économique entre les deux pays ?
Louise de Sousa: Nous avons récemment signé un accord bilatéral, c’est un accord transitionnel qui vise à assurer la continuité des termes d’échange entre les deux pays. C’est le premier accord de ce genre signé entre le Royaume-Uni et un pays du contient africain. Cela démontre l’engagement des deux gouvernements à poursuivre nos relations. C’est un accord qui apporte plusieurs bénéfices, notamment dans le domaine de l’agriculture. Dans ce sens, nous prévoyons d’accroître le volume des exportations tunisiennes de l’huile d’olive vers le Royaume-Uni. Il faut travailler davantage sur le marché de l’huile d’olive car traditionnellement, les professionnels de ce secteurs se concentraient sur les marchés français et espagnol. Maintenant la Grande-Bretagne est là pour exploiter ce marché vu la grande demande. Nous estimons qu’on peut développer davantage les relations et la coopération entre les deux pays à l’issue de notre sortie de l’UE. Je suis très optimiste compte tenu des perspectives d’échanges entre les deux pays à l’issue du Brexit.

Et dans le domaine touristique, quelles seront les perspectives de coopération entre les deux pays ?
Louise de Sousa:  Je suis également optimiste sur ce plan, je suis arrivée en 2016 et à l’époque il n’y avait que 25 mille touristes britanniques qui ont visité le pays à cause des attaques terroristes mais à la fin de l’année, le nombre de touristes britannique va atteindre les 200 mille. Pour l’année prochaine, la demande est encore plus forte. Il y a aussi une opportunité pour diversifier l’offre touristique que présente la Tunisie, car ce pays ne dispose pas simplement du tourisme balnéaire, les touristes britanniques doivent découvrir d’autres types de tourisme comme le tourisme culturel. Nous nous attendons à une tendance haussière en matière de nombre mais aussi de qualité du marché touristique britannique.

Le ministre du Tourisme René Trabelsi avait affirmé que la faillite du tour-opérateur britannique permettra à d’autres voyagistes britanniques de s’ouvrir sur le marché tunisien. Etes-vous de son avis?
Louise de Sousa: La demande britannique ne cesse d’accroître en ce qui concerne la destination Tunisie. Le marché va certainement reprendre ces demandes même avec la faillite de Thomas Cook. Nous allons voir en effet l’implication d’autres intervenants touristiques qui vont assurer cette demande au profit de la destination Tunisie. La compagnie britannique EasyJet a déjà annoncé son retour le mois de mai prochain, c’est un bon signal. Je sais aussi que TUI va continuer à augmenter son offre et je suis sûre qu’il y aura d’autres compagnies qui vont faire leur entrée sur ce marché.

Qu’a fait et que fera votre pays pour soutenir l’expérience démocratique tunisienne ?
Louise de Sousa: Juste après la révolution tunisienne, nous avons créé un fonds pour soutenir la bonne gouvernance dans la région, dont la Tunisie a bénéficié. Mais depuis 2015, nous avons développé davantage notre appui et nos interventions notamment après les attentats en Tunisie. Nous avons mis en place une collaboration étroite avec les autorités tunisiennes pour affronter les menaces terroristes, car nous considérons que la sécurité est le principal aspect pour le développement du pays. La révolution tunisienne réclamait certes la liberté, mais aussi l’emploi et la prospérité, c’est pour cette cause que nous avons également mis en place un programme de collaboration dans le domaine économique pour soutenir les grandes réformes en vue d’aider le gouvernement tunisien à changer son modèle économique et assurer non seulement des postes d’emploi, mais aussi des emplois de qualité. A travers nos différents programmes d’appui, nous avons essayé de partager notre expérience en matière de bonne gouvernance et de nouveaux rapports et relation entre les citoyens et les autorités avec le gouvernement tunisien car nous estimons que la Tunisie est en train de vivre une expérience démocratique très intéressante. Nous sommes là pour offrir notre expérience et voir comment participer à établir cette nouvelle étape.

Peut-on s’attendre à des visites de hauts responsables britanniques en Tunisie durant la prochaine étape?
Louise de Sousa: Vous savez que nous avons eu une élection générale en Grande-Bretagne, mais je suis sûre que nous aurons à voir des visites de ce genre en Tunisie, mais c’est encore tôt d’en parler. Le Premier ministre va annoncer quelques changements dans le gouvernement britannique, donc c’est une période de transition pour établir sa nouvelle équipe et après on va suivre le rythme de visites bilatérale entre les deux pays. C’est en fait comme ce qui se passe actuellement en Tunisie avec le processus de formation du nouveau gouvernement.

Dites-nous plus sur la coopération entre les deux pays au niveau de l’enseignement supérieur ?
Louise de Sousa: Nous voulons, des deux côtés, promouvoir davantage la collaboration au niveau universitaire et éducatif. Il y a beaucoup d’expérience à partager entre les deux pays. La Tunisie dispose d’un grand nombre de compétences qui pourraient aider les Britanniques et vice-versa. Nous avons déjà établi une commission bilatérale dans ce domaine pour mettre en place un programme de collaboration de longue durée. Il faut préciser également que nous avons un axe de coopération portant notamment sur la mobilité des étudiants entre les deux pays et un autre sur la recherche scientifique et l’innovation.
Nous rappelons également que nous avons doublé le nombre de bourses Chevening au profit des étudiants tunisiens. Nous sommes aussi en train de discuter avec certaines universités britanniques la possibilité de réduire les frais de scolarité au profit des étudiants tunisiens. Des étudiants britanniques vont arriver en Tunisie pour étudier également la langue arabe.

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