L’affaire a été déclenchée par des rumeurs qui ont circulé sur les réseaux sociaux portant sur l’importation de quantités de blé moisi et contaminé par des radiations nucléaires en provenance de Bulgarie. Ce n’est autre qu’une employée du ministère de la Santé qui a alerté sur ce « mélange radioactif » et a révélé l’affaire, provoquant une vive polémique, d’autant plus qu’il s’agit d’une question de sécurité nationale.
Le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche a rapidement réagi en essayant de rassurer l’opinion publique. Il a démenti catégoriquement toutes les informations portant sur la cargaison de blé arrivée au port commercial de Sousse en août dernier. Il a même assuré compter « poursuivre en justice toutes les parties qui ont remis en cause la crédibilité de l’Etat et les institutions nationales.
La cargaison en question, arrivée au bord d’un navire appelé George, qui a accosté au port de Sousse entre le 29 août et le 4 septembre 2019, provenait de la Bulgarie, qui est membre de l’Union européenne et soumise à toutes les lois et réglementations européennes », a rappelé le ministère, pour dire que les règles de sécurité, extrêmement strictes, de l’Union européenne, ne permettent, en aucun cas, ce genre d’incident grave.
« Le blé présente les certificats de qualité et est conforme aux spécifications internationales et nationales », assure le ministère qui indique également que cette cargaison a été fournie par une entreprise privée dans le cadre d’une entrée temporaire destinée à la fabrication de produits qui seront exportés.
Des propos qui n’ont pas calmé l’opinion publique, et l’affaire a continué à faire couler de l’encre d’autant plus qu’une commission parlementaire a décidé de se saisir de l’affaire et d’enquêter sur ses circonstances. En effet, la commission de la réforme administrative et de la bonne gouvernance au sein du Parlement s’est chargée d’enquêter sur cette cargaison polémique, et les premiers résultats de ses auditions ne vont pas dans le sens des messages de rassurance dudit ministère.
Déclarations en contradiction
Effectivement, la commission a constaté des « incohérences relevées entre les déclarations du ministre du Commerce et celui de l’Agriculture concernant l’affaire du blé importé de Bulgarie et soupçonné d’être mélangé à des quantités moisies et contaminé par des radiations nucléaires ». Le président de la commission parlementaire, Badreddine Gammoudi, avait déclaré aux journalistes, lors d’un point de presse tenu au parlement au Bardo, que les enquêtes vont se poursuivre « faute de contradiction des informations. Jusqu’à ce jour, la commission a auditionné trois ministres, la ministre de la Santé et les ministres du Commerce et de l’Agriculture ».
Evoquant cette affaire, le ministre de l’Agriculture, Samir Taieb, a déclaré que « seulement 15 quintaux de blé, d’une cargaison de 11 mille tonnes, ont été moisis et détruits après leur livraison au Port de Sousse entre le 29 et le 4 septembre 2019 ». Pour sa part, cité par ladite commission parlementaire, le ministre du Commerce, Omar Behi, a donné une autre version des faits. Selon ses dires, « les quantités de blé moisi s’élèvent à 250 tonnes, toutes renvoyées au fournisseur bulgare ».
La ministre de la Santé par intérim, Sonia Ben Cheikh, a déclaré à son tour que le rôle de son département « se limite au contrôle des voyageurs au niveau des postes de contrôle sanitaire aux frontières terrestres et maritimes ainsi que dans les aéroports pour lutter contre l’introduction des maladies contagieuses sur le territoire tunisien ».
Certificat et normes nationales et internationales
En tout cas, selon les membres de cette commission parlementaire, les quantités de blé importées ont été produites en Bulgarie en 2019, et avaient obtenu des certificats de qualité et de conformité aux normes nationales et internationales. « Ces certificats concernent l’origine du produit, la qualité et l’hygiène, alors que les autres certifications obtenues sont en rapport avec le poids de la cargaison, les analyses, le contrôle lors du déchargement, et l’absence de toxines, d’aflatoxines et de radiations, selon le ministère de l’Agriculture », affirme dans ce sens la commission.
Rappelons que les quantités de blé ont été importées par une société privée dans la perspective de les transformer en Tunisie et les réexporter sous forme de pâte alimentaire ou farine. Mais jusqu’à présent, aucune preuve ne confirme la contamination du blé importé par des radiations nucléaires.
Malgré ses capacités à en produire, la Tunisie importe annuellement des quantités considérables de céréales, notamment du blé tendre. Notre pays a importé jusqu’à fin octobre 2019 près de 514 mille tonnes de blé dur (442 millions de dinars MDT), 462 mille tonnes d’orge (322 MDT), 1.081 mille tonnes de blé tendre (734 MDT), et 441 mille tonnes de sucre (419 MDT).
Des quantités importées qui ont contribué à aggraver le déficit de la balance commerciale alimentaire, estimé à 1344,5 MDT durant le mois d’octobre 2019 et susceptible d’augmenter d’ici la fin de l’année, ce qui peut générer un glissement du dinar.
Ces quantités importées n’ont jamais présenté des risques sanitaires de ce genre, et sont toujours soumises à des mécanismes de contrôle assez stricts. En effet, c’est pour la première fois qu’on évoque ces risques de radioactivité et de contamination en relation avec ces cargaisons de blé, de céréales, ou de n’importe quel autre produit alimentaire.
Selon l’Observatoire national de l’agriculture, la production céréalière pour l’année 2019/2018 est estimée à 21 millions 322 000 quintaux, contre environ 14,3 millions de quintaux au cours de l’année précédente.
Dans son dernier rapport, l’observatoire a indiqué que cette production est répartie entre 11 millions et 733 000 quintaux de blé dur, 1 million 853 000 quintaux de blé tendre et 7 millions 735 000 quintaux d’orge.