Accueil Culture Mes odyssées en Méditerranée: «Men hadra el hadra», l’histoire d’une Tunisie plurielle

Mes odyssées en Méditerranée: «Men hadra el hadra», l’histoire d’une Tunisie plurielle

C’est la découverte de cette fin d’année, une chaîne You Tube qui raconte joliment la richesse du patrimoine tunisien, dans la finesse et la poésie de sa langue. Le projet ne manque en effet pas d’originalité : une chaîne You Tube «Men hadra el hadra» 

qui comptabilise déjà plusieurs milliers de vues, quelques centaines d’abonnés et un public toujours en attente. Il fallait avoir l’intuition d’une originale et l’appui audacieux d’une association pour oser, et ELLES l’ont fait.

Car, comme toute initiative innovante et prometteuse, «Men hadra el hadra» est le fruit d’une amitié et d’une collaboration de femmes. La première, Faten Abdelkéfi, est la dynamique présidente de «Be Tounsi», dont «le but essentiel est de promouvoir le Produit tunisien, qu’il soit artisanal, industriel, artistique, culinaire, architectural, traditionnel ou contemporain». La seconde est passionnée d’humour et de jeux de langage, Héla Msellati. Cette dernière, l’auteure des chroniques de «Men hadra el hadra», est professeure des Universités en linguistique française,  productrice radiophonique à Rtci, membre du Comité des sages des  Panafricaines et… chroniqueuse. Elle compte aussi parmi les premiers membres de «Be Tounsi», artiste et linguiste, passionnée d’artisanat, de jeux d’aiguilles, de pinceaux et de bons mots. Enchantée par l’idée, séduite par le personnage, l’association a parrainé un projet qui connaît beaucoup de succès auprès d’un large public, dont les jeunes !!.

Il s’agit de petites chroniques érudites et intelligentes, mêlant les saveurs de la gastronomie tunisienne à la sapidité des mots qui leur sont associés dans les images et parfums du terroir.  Chaque rubrique s’y consacre à un mets : «l’assida» ou le couscous, à un fruit : l’olive, la datte, le coing ou la grenade pour nous en raconter l’histoire et nous conter la place et l’importance dans la tradition. Mais pas uniquement, puisque la dernière en ligne, consacrée au «Kanoun», raconte avec humour et poésie, l’objet anobli, devenu œuvre d’art. Les textes sont espiègles et savoureux, raffinés, pleins d’humour, et racontent une histoire d’amour et de séduction, celle de Kmaïra et Si Allalla, les personnages principaux. Autour de la «hadra»,  gravitent la famille et les amis : l’inratable belle-mère Khalti lella Zbeïda, qui en prend pour son grade, l’ami de toujours, Si Monjed, l’infaillible référence qui détient toute la connaissance, Mario, l’ami italien, Lily Bouteboul la Goulettoise, autant de personnages attachants et haut en couleur, mosaïque humaine et culturelle représentative de cette Tunisie plurielle, lui donnant tout son éclat. Chacun d’eux intervient dans le discours, à un moment donné, pour ajouter son grain de sel ou donner une information originale.

Le format intelligent de ces vidéos en fait des chroniques singulières : l’auteure a créé un genre hybride et dont la richesse réside justement dans la complexité. En effet, ces chroniques sont extrêmement fouillées, l’histoire est savamment amenée dans le déroulement d’une narration où se mêle l’Histoire à la parole proverbiale, qui mixe l’anecdote et les traditions, le véridique à l’anecdotique, dans une alchimie de langues : un dialecte imagé, mixage d’arabe tunisien et d’emprunts, qui raconte avec beaucoup de sensualité la Tunisie. La polyphonie de la chronique a réussi à donner la voix à toutes les cultures qui ont imprégné le terroir dont le syncrétisme est rendu par la voie du discours de «Kmaïra». Celle-ci voltige sur la corde raide des niveaux de langue, virevolte, sans faux pas, d’une langue à l’autre, dans de périlleuses envolées verbales dont le raffinement n’a d’égal que la simplicité de la «conteuse». Car le genre s’apparente au conte tant il nous porte dans un imaginaire féerique et suranné que contrefait, l’air de rien et avec délicatesse, un jeu de mots bilingue ou une désuète expression idiomatique, époussetée et issue tout droit des oubliettes.

Informatifs, ludiques, ces récits ont séduit la grande famille des «Be Tounsi», mais aussi beaucoup de jeunes, en quête de racines ainsi que la communauté expatriée qui y a vu le relais idéal pour perdurer ses traditions. Instructives, «l’assida» 

et «le couscous» ont été un support largement relayé dans certaines classes du primaire, au grand plaisir des enfants.

Séduisants, les textes et le format draineront encore davantage d’abonnés. Sachant que les frais de production sont pris en charge par l’association et l’auteure des chroniques, bénévole, souhaitons qu’elles trouvent une aide financière car l’initiative mérite d’être applaudie. En effet, malgré des moyens modestes, tout y est impeccable : le générique sur une musique de Ali Riahi, la chronique : passionnante, la mise en scène, le choix des lieux, des couleurs … Et la cerise sur le gâteau, la narratrice…. A découvrir et à suivre, absolument !!

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