C’est aujourd’hui qu’expire le délai fixé par le chef de l’Etat Kaïs Saïed aux partis et aux blocs parlementaires concernant l’envoi de leurs propositions écrites portant sur la personne ou les personnalités qui sont les plus aptes à former le nouveau gouvernement. Alors que pour la présidence de la République, il ne s’agit que d’une mesure pour faciliter le travail et les procédures portant à cet effet, les partis politiques ont continué leurs concertations au sein de leurs structures politiques pour proposer une personnalité consensuelle dans ce paysage politique fragmenté, une mission peu aisée et une affaire qui n’est pas encore conclue.
Concertations, négociations, pourparlers, tractations et manœuvres, les partis politiques œuvrent d’arrache-pied pour sortir de cette crise politique, alors que le risque de dissolution du Parlement et de la tenue d’élections législatives anticipées n’est plus une simple illusion. En effet, c’est dans un contexte politique assez tendu et déjà secoué par l’échec de Habib Jemli, candidat d’Ennahdha, à former son gouvernement marquant une première historique sur la scène politique que les différents partis politiques, et notamment ceux représentés au Parlement, s’activent actuellement pour présenter leurs candidats au président de la République qui va, conformément à la Constitution, trancher en choisissant la personnalité la plus apte.
« Gouvernement du président », même si l’expression pose des problèmes pour certains acteurs de la vie politique et dérange plus d’un, nous sommes en effet dans ce cas de figure où, seul le président de la République devra trancher, même si la Constitution stipule que cela soit fait en concertation avec les partis politiques. Ainsi, nous sommes en pleine phase de concertations sur la prochaine personnalité qui doit assumer les responsabilités de chef du gouvernement, mais cette fois-ci, en cas d’échec, il n’y aura d’autre issue que d’organiser des élections anticipées.
Quoique nous soyons encore loin de cette hypothèse, d’autant plus que toute la classe politique est consciente de la situation du pays, qui vit actuellement au rythme d’une crise politique inédite et d’une conjoncture sécuritaire régionale compliquée. Entre-temps, des noms de possibles candidats à la Kasbah commencent à fuiter par-ici par-là et les partis politiques concernés ne cessent de multiplier leurs concertations à cet effet.
Appel à un gouvernement politique
Alors que les délais constitutionnels pressent, les différentes forces parlementaires ont déjà exprimé leurs positions quant à cette seconde phase de formation du gouvernement. Si le parti Ennahdha a commencé à digérer son échec parlementaire, il a rapidement appelé à la mise en place d’un gouvernement politique, et non pas indépendant, pour ne pas refaire les mêmes erreurs que Habib Jemli. C’est dans ce sens que le dirigeant d’Ennahdha Abdellatif Mekki, a fait savoir que certains partis coordonnent pour présenter un candidat commun en vue de « faciliter la tâche » au président de la République qui doit opérer le dernier choix. Conformément à ces affirmations, le dirigeant d’Ennahdha, Khalil Baroumi, chargé de suivre le processus de formation du gouvernement, a affirmé que son parti est en train de se concerter avec toutes les formations politiques « sans exclusion » pour présenter une personnalité consensuelle. « Nous avons déjà choisi quelques noms et nous allons les communiquer au chef de l’Etat », a-t-il précisé.
C’est également dans ce contexte qu’une réunion entre le président du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, et celui du parti Au Cœur de la Tunisie, Nabil Karoui, a eu lieu hier, portant notamment sur le profil de la personnalité qui devra assumer les responsabilités de chef du gouvernement. A l’issue de cette rencontre, Karoui a expliqué qu’aucun accord n’a été conclu entre les deux partis, mais il a été convenu de proposer trois noms et de poursuivre les concertations aujourd’hui.
Pour sa part, à l’issue de la réunion de son conseil national, le parti Attayar (Courant démocratique) a annoncé qu’il prendra part aux négociations pour la formation du nouveau gouvernement, chargeant son bureau politique d’entrer en négociation avec les différents partis politiques pour choisir le nom du candidat à la primature. Ces concertations seront entretenues avec les partis avec lesquels il s’est déjà concerté autour de la formation de l’équipe de Habib Jemli, a-t-on affirmé, et d’élargir, si la situation l’exige, le champ des négociations avec d’autres partis. Aussi Attayar a-t-il décidé, une fois le candidat à la primature désigné, qu’il entrera en concertations avec ledit candidat et les partis en négociation pour choisir l’équipe ministérielle et désigner ses appuis politiques « en respectant le programme du Courant démocratique en matière de respect de la loi et de lutte contre la corruption ». A cet effet, le dirigeant à Attayar, Mohamed Hamdi, a précisé que son parti se dirige vers la proposition d’un chef du gouvernement commun avec Ennahdha, Echaâb (Mouvement du peuple) et Tahya Tounès, laissant également la porte ouverte au parti Au Cœur de la Tunisie.
Ce dernier semble être également ouvert à tous les partis politiques sans exclusion, car pour lui, l’étape exige un large consensus pour faire sortir le pays de cette crise. Ainsi, le dirigeant d’Au Cœur de la Tunisie Iyadh Elloumi a affirmé que son parti n’exclut personne, même Ennahdha, et qu’il reste ouvert à toute concertation avec les différentes forces parlementaires. Et d’ajouter que « le récent rapprochement entre Au Cœur de la Tunisie et Tahya Tounès n’est qu’une preuve de la prédisposition de son parti à tendre la main à tout le monde pour le bien du pays ».
Chahed et Karoui refusent toute nomination
De son côté, le secrétaire général de Tahya Tounès, Selim Azzabi, a laissé entendre que son parti ne proposera pas le président du parti et chef du gouvernement sortant, Youssef Chahed, à la primature d’autant plus que ce dernier ne l’a pas demandé. En effet, cette déclaration confirme l’intention de Tahya Tounès de ne présenter aucun candidat à la présidence du gouvernement, se disant tout de même prêt à se concerter avec les différentes forces politiques. Pour ce qui est des qualités du futur chef du gouvernement, Selim Azzabi a plaidé en faveur d’un profil qui doit disposer d’une expérience de haut niveau dans les rouages de l’Etat.
Réagissant également aux rumeurs portant sur sa proposition à la présidence du gouvernement, le président du parti Au Cœur de la Tunisie, Nabil Karoui, a affirmé qu’aucun poste ne l’intéresse actuellement et que la prochaine étape exige un large consensus. Pour Karoui, il est d’ailleurs grand temps de voir une femme présider le gouvernement. « Le nouveau chef du gouvernement doit bénéficier d’une large ceinture politique, et nous ne devons pas refaire les erreurs du gouvernement Jemli », a-t-il insisté.
Le président de la République, Kaïs Saïed avait adressé, mardi 14 janvier 2020, une correspondance aux partis, aux coalitions et aux blocs parlementaires, afin qu’ils proposent leurs candidats à la présidence du gouvernement. « Conformément aux dispositions de la Constitution, le but de cette correspondance est de vous inviter à présenter vos propositions écrites concernant la ou les personnalités que vous estimez les plus aptes à former un gouvernement. Le choix doit être justifié ainsi que les critères adoptés pour ce faire. Les propositions doivent être faites dans un bref délai n’excédant pas le jeudi 16 janvier 2020. Les propositions faites dans les meilleurs délais permettront d’avoir le temps d’approfondir les concertations et de respecter les délais fixés par le troisième paragraphe de l’article 89 de la Constitution », avait indiqué la présidence de la République.